Témoignages, dans le centre d’hébergement d’Isabelle de Montolieu
Romuald, 42 ans, à la rue depuis sept ans
«Je me suis retrouvé sans logement à la suite d’une séparation difficile. Dans la rue, on tombe vite dans l’alcool et je buvais pas mal, mais j’ai arrêté depuis un moment. Les deux premières années, j’ai continué à travailler, je me douchais au boulot et je dormais dans un squat sans eau chaude. Mais cet emploi était contraignant et dur à combiner avec la vie en squat, alors je l’ai quitté. Il y a cinq semaines, les flics m’ont pris dans une entrée d’immeuble où je m’étais installé pour dormir. Lorsqu’ils m’ont emmené au poste, je me suis dit que j’allais avoir des ennuis, comme ça m’est arrivé parfois. Mais là, je suis bien tombé. Le policier m’a trouvé un lit à la Guesthouse, puis des copains m’ont parlé de ce centre et je suis venu ici. Cet épisode m’a permis d’entreprendre des démarches pour refaire mes papiers. Le froid, avec plusieurs sacs de couchage, on s’habitue. Et la journée, on va se réchauffer à la Migros ou à la Coop. Mes espoirs? Recommencer à travailler comme intermittent du spectacle, en tant que monteur de scènes. Pour le logement, je choisirais plutôt un camping-car ou un camion. Mais il faut quand même une adresse, sinon on n’est aidé nulle part et c’est dur de se faire soigner. Là, j’ai eu l’opportunité de me faire refaire les dents, c’est bien. Même s’il y a des bonnes choses dans cette nouvelle situation, j’aurais bien continué à vivre dans la rue. Je connais d’autres personnes comme moi qui préfèrent être dehors plutôt que de dépendre des autres.»
Rachid, 42 ans, à la rue depuis trois mois
«J’ai quitté l’Algérie pour l’Europe il y a 18 ans pour aider mes parents. Je suis arrivé en Suisse il y a trois mois et je n’ai ni papiers ni logement. Avant, j’ai vécu en France, en Italie et en Angleterre. La chambre ici est vraiment bien, je suis seul et j’ai une salle de bains. J’aime être propre et me parfumer. Mais comme j’ai des insomnies et qu’on doit partir à 7h45, je suis fatigué physiquement et moralement. Je marche toute la journée dans le froid, j’ai mal aux pieds. Je suis malade, j’entends des voix. Je suis venu ici pour soigner ma maladie psychique, c’est un pays qui m’a déjà aidé dans le passé et j’avais besoin de soutien. Je vois un psychiatre et j’ai un traitement. L’infirmière vient ici une fois par semaine pour soigner mes pieds, pour discuter aussi. J’aimerais avoir une famille, une femme, des enfants, un chez-moi. Je n’ai encore jamais eu d’endroit à moi. Je voudrais travailler, peut-être comme peintre en bâtiment. Le coronavirus me stresse. D’habitude, quand j’ai un peu d’argent, j’aime boire un café et discuter avec des clients.»