Pesticides toxiques pour le monde du travail
Dans la campagne de votation du 13 juin sur les deux initiatives proposant une interdiction des pesticides, deux aspects méritent, pour nous autres syndiqués et syndiquées, l’attention. Le premier concerne la santé des travailleurs et des travailleuses. Les 150000 personnes actives dans le secteur sont-elles correctement protégées des centaines de produits chimiques reconnus dangereux ou potentiellement dangereux répandus dans les champs, les vignes et les vergers? Les 30000 employés agricoles, auxquels s’ajoutent 8000 ouvriers non déclarés, selon les estimations, disposent-ils du matériel adéquat et de la formation nécessaire? Et les équipements offrent-ils une protection suffisante? Il n’y a aucune donnée en Suisse en la matière et aucune autorité n’est chargée de contrôler les mesures de protection et leur efficacité. Interrogé par les journaux de Tamedia, un membre de la direction de l’Union suisse des paysans, organisation militant pour l’utilisation de produits chimiques, a reconnu de graves insuffisances: «Dans les vignes, si on traite avec une combinaison en scaphandre, on est mal vu.» Des travailleurs de la terre sont visiblement exposés à des substances nocives en Suisse, ce qui n’est pas sans rappeler la tragédie de l’amiante.
Le second problème qui doit alerter le monde du travail est la conséquence pour l’emploi de cette agriculture industrielle dont les produits phytosanitaires sont un maillon essentiel. Depuis les années 1950 et l’imposition de ce modèle dans notre pays, le secteur a perdu un demi-million d’emplois. Durant les vingt dernières années, presque un tiers des fermes ont disparu, victimes des prix bas et de l’endettement. Chaque jour, en moyenne, quatre exploitations ferment leurs portes et une dizaine d’emplois sont biffés.
Une autre politique agricole est souhaitable, non seulement pour l’environnement, mais aussi, on le voit, pour le monde du travail. Le mérite de ces initiatives, si l’une ou l’autre est acceptée, est de nous forcer à tout remettre à plat. Il y a une trentaine d’années, Cuba a connu une situation comparable. L’Etat socialiste avait perdu avec l’Union soviétique son principal fournisseur de pesticides. Victime en outre du blocus étasunien, l’île des Caraïbes n’a eu d’autre choix pour survivre que de développer des alternatives naturelles. Aujourd’hui, Cuba est devenu un pays bio et le champion de l’agroécologie. Chez nous, le basculement vers l’agriculture productiviste n’avait pris qu’une décennie, c’est grosso modo le temps que nous laisseraient les initiatives pour opérer un virage écologique. Abattre le lobby agro-industriel ne suffit toutefois pas. Afin de garantir des prix et des emplois corrects, il faut également délivrer la paysannerie des griffes du marché et de la grande distribution.