Obligation vaccinale et pressions sur le personnel de la santé
Alors que plusieurs pays européens contraignent les soignants à se faire vacciner, la question n’est pas à l’ordre du jour en Suisse. Mais des incitations indirectes, comme des baisses de salaire, sont mises en place. Le point
L’étau se resserre sur le personnel de la santé, qui n’a pourtant pas failli à la tâche durant les semaines exténuantes vécues à combattre le Covid-19 depuis le début de la pandémie, il y a une année et demie. En Europe, l’Italie a rendu la vaccination obligatoire ce printemps pour les médecins et les soignants au contact avec des patients. La France a suivi, avec la décision d’Emmanuel Macron, mi-juillet, d’instaurer l’obligation vaccinale à l’ensemble du personnel des hôpitaux, cliniques, maisons de retraite et soins à domicile. Les soignants et les non-soignants ont jusqu’au 15 septembre pour se faire vacciner, faute de quoi, a précisé le ministre de la Santé, «ils ne pourront plus travailler et ne seront plus payés». La mesure a suscité une levée de boucliers syndicale et poussé de nombreux soignants dans la rue. Même chose en Grèce, qui a rendu obligatoire le vaccin pour le personnel des établissements de personnes âgées dès le 16 août et dès le 1er septembre pour l’ensemble des soignants, avec là encore des mises à l’arrêt sans solde ou des risques de licenciement. L’Angleterre a, elle aussi, décidé d’imposer le vaccin dans les maisons de repos.
Qu’en est-il en Suisse? Si le Conseil fédéral n’a pas décidé de rendre la vaccination obligatoire dans les soins lors de sa séance du 11 août, les pressions pour qu’elle s’y généralise sont à l’œuvre. L’hôpital du Jura a annoncé qu’il ne payerait que 80% du salaire aux non-vaccinés en cas de quarantaine. Le Gouvernement neuchâtelois s’est dit favorable à une telle amputation pour tout le personnel soignant, et éventuellement pour les employés de l’Etat. Il recommande également aux établissements de santé de procéder à des tests chaque semaine pour les personnes non vaccinées. Une position défendue depuis par le Conseil fédéral, qui enjoint les cantons à rendre de tels contrôles obligatoires. Ce qu’a fait Genève le 5 août, en imposant des dépistages réguliers pour les non-vaccinés dans les hôpitaux, EMS, soins à domicile, institutions pour personnes handicapées et foyers de jour pour personnes âgées. Avec, à l’appui, en plus des risques en matière de contrat de travail, une menace de sanction pénale frappant le personnel récalcitrant.
Associations de la santé contre l’obligation
Plusieurs syndicats ont réaffirmé durant l’été leur opposition à toute obligation vaccinale, de même qu’aux mesures salariales et aux pressions indirectes pour inciter au vaccin. Samuel Burri, responsable national du secteur des soins à Unia, rappelle que les organisations syndicales de la santé, dont Unia et le SSP, l’Association suisse des infirmières, ainsi que les faîtières patronales des hôpitaux et des EMS, avaient clairement pris position, en décembre 2020, contre la vaccination obligatoire du personnel de santé. Une détermination commune défendue auprès du Conseil fédéral. Un changement d’optique pourrait-il survenir? «Non, il n’y a pas de risque, mais il est possible que certains employeurs fassent un peu pression pour que les employés se vaccinent. A Unia, nous pensons que ce personnel devrait être vacciné, mais on ne doit pas le contraindre. Et on ne peut pas accepter des baisses de salaire ou des pressions telles que les menaces de sanction pénale du conseiller d’Etat Poggia à Genève pour le forcer à se vacciner. Ce qui est nécessaire, c’est une bonne campagne d’information pour convaincre les gens à le faire.»
Outre dans le Jura et à Neuchâtel, y a-t-il d’autres velléités d’introduire des diminutions salariales? «Je ne connais pas d’autres cantons où cela se préparerait. Il y a une différence de discours entre la Suisse romande, influencée par la politique française, et la Suisse alémanique où la discussion n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Les employeurs ont peut-être aussi peur de perdre leur personnel», indique le syndicaliste, rappelant qu’en Allemagne, Angela Merkel est opposée à l’obligation vaccinale. Samuel Burri estime par ailleurs que l’imposition de tests n’est pas discriminatoire. «C’est la conséquence correcte de la non-obligation du vaccin. Dans les EMS, les soins à domicile, il y a beaucoup de personnes vulnérables, et nombre d’entre elles ne peuvent pas se faire vacciner pour différentes raisons. C’est pour cela que nous recommandons la vaccination.»