Le féminisme est l’affaire de tous et doit s’inscrire dans l’ADN des syndicats, martèlent les femmes de l’USS. Retour sur le congrès qui s’est tenu les 12 et 13 novembre à Berne
Quelque 220 femmes, syndicalistes et invitées, se sont réunies sur la colline du Gurten pour le 14e Congrès des femmes de l’USS. Pendant deux jours intenses, elles ont débattu, échangé et cherché des solutions pour arriver à plus d’égalité dans notre société, mais surtout dans le monde du travail. Autour de la devise «Pour un syndicalisme féministe», elles ont réaffirmé leurs revendications pour une réduction du temps de travail, de meilleurs salaires et plus de reconnaissance et de valorisation des professions dites féminines. Elles ont aussi appelé à une hausse des rentes pour les femmes plutôt qu’à une hausse de l’âge de la retraite.
Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 ayant crûment mis en lumière le fait que le travail des femmes est certes indispensable, mais largement sous-estimé et sous-payé, les participantes ont demandé à ce que cette expérience soit prise en compte dans le travail syndical au cours de la prochaine période de congrès. Tout comme elles appellent les syndicats à donner un élan féministe dans la lutte pour l’égalité et l’inclusion. C’est ainsi qu’elles coopéreront avec les militantes des collectifs féministes afin de développer de nouvelles formes de mobilisation syndicale, notamment contre AVS 21 et en vue d’une nouvelle grève féministe pour 2023.
Pour plus d’égalité
Dans les grandes lignes des décisions prises lors de ce congrès, outre l’amélioration des retraites des femmes, une des revendications principales a été la meilleure organisation du travail rémunéré et du care. Ainsi, les congressistes ont convenu, dans une résolution, de se joindre à l’initiative sur l’accueil des enfants que les femmes socialistes veulent lancer. Elles demandent également un congé parental digne de ce nom et la ratification par la Suisse de la convention no 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour que toutes formes de violence et de harcèlement sexuels soient enfin combattues avec toute la détermination nécessaire, en particulier sur le lieu de travail. Dans une autre résolution, les déléguées au congrès exigent une réduction massive du temps de travail à 35h, 4 jours ou un autre modèle, sans perte de salaire ni intensification des tâches, et avec augmentation des salaires au même pourcentage pour les temps partiels, afin que les femmes et les hommes puissent partager équitablement le travail rémunéré et non rémunéré, et que les femmes puissent rattraper leur retard salarial.
Aude Spang, secrétaire nationale en charge de l’égalité pour Unia, revient sur les points clés du congrès.
Quels ont été les temps forts de ce congrès?
Aude Spang: Nous avons vécu des moments incroyables et émouvants lors de la table ronde, avec des témoignages de soignantes sur leurs conditions de travail, mais aussi de la lutte des femmes de chambre en France, qui a payé pour ces travailleuses très précaires et racisées (voir en page 5, ndlr). Une gréviste de Smood est aussi venue témoigner. Cela a donné beaucoup de corps et de sens à nos discussions de fond. Le congrès dans son ensemble était un beau moment de cohésion. La fête du vendredi soir en musique a aussi permis de resserrer les liens de sororité en dehors des discussions sérieuses qui nous réunissaient.
La «Charte pour un travail syndical féministe» a été adoptée. Quels sont ses objectifs?
Elle est vue comme un outil, le début d’un processus. C’est un appel à nos syndicats: ces derniers doivent se montrer à la hauteur des attentes des femmes et se mettre à la page du féminisme d’aujourd’hui. Le féminisme n’est pas qu’une affaire de femmes, il profite à tout le monde et doit être au centre des préoccupations syndicales. Les syndicats ont encore des attitudes patriarcales, à l’image de la société. C’est normal, mais il est temps qu’ils évoluent et montrent l’exemple. Une remise en question profonde doit avoir lieu. Si le syndicalisme veut bénéficier d’une nouvelle impulsion aujourd’hui, il doit prendre le féminisme au sérieux et l’intégrer à ses luttes. Ce n’est pas seulement un devoir, c’est également un besoin pour les syndicats d’être légitimes et crédibles sur le plan féministe: les femmes et les minorités de genre sont une force sociale importante pour la lutte des classes, et sont aussi nécessaires pour renforcer nos effectifs militants.
Quelles sont les grandes préoccupations féministes à venir?
Après la campagne de seize jours sur les violences sexistes et sexuelles, une manifestation nationale contre les féminicides est organisée à Zurich le 11 décembre. Le 8 mars mettra en lumière la pauvreté qui touche les femmes, et nous exigerons des hausses de salaires plutôt que de l’âge de la retraite. Ce qui va nous occuper en 2022 sera par ailleurs la récolte des signatures pour le ou les référendums contre les attaques envers l’âge de la retraite, notamment AVS 21.
Une nouvelle grande grève féministe a été votée pour le 14 juin 2023. Sur quelles revendications?
Nous reprenons nos revendications habituelles car, hélas, les choses avancent peu sur le plan législatif. Donc, on demande encore et toujours, entre autres, de meilleurs salaires, de meilleures rentes, la prise en compte du travail non rémunéré dans les assurances sociales et la tolérance zéro en matière de harcèlement sur les lieux de travail. Sur la forme de la grève, ce sera aux travailleuses et aux militantes et aux militants de se saisir de cet événement et de s’organiser sur leurs lieux de travail, de vie et de formation. Ce ne sont pas les syndicats qui font la grève mais les personnes, et nous serons là pour faire campagne et les soutenir.
Au sujet des inégalités salariales, que comptent faire les femmes de l’USS pour une application dans les faits de la nouvelle LEg?
Cette révision est une coquille vide, on se moque clairement de nous. La plupart des entreprises font leur analyse sans les syndicats et nous n’avons aucune possibilité d’entrer dans ces entreprises et d’avoir accès à leurs infos. Les écarts salariaux augmentent de nouveau, c’est une réalité. On ne va rien lâcher sur ce sujet. Le problème est plus global que cette petite révision qui est loin d’être suffisante. Car les inégalités salariales se résolvent aussi à travers des salaires minimums par exemple: il faut un projet global pour répondre à un système d’oppression global.