Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Les frontaliers ne sont pas des profiteurs!

Plus de 340000 salariés traversent la frontière chaque jour pour venir travailler en Suisse. Un ouvrage récent présente leur apport à l’économie du pays

Chaque jour, plus de 340000 travailleurs frontaliers – dont 200000 Français – traversent la frontière pour venir occuper leur emploi en Suisse. Et ces salariés contribuent de manière importante à la richesse de la Suisse. Ces constats sont ceux de trois chercheurs, Claudio Bolzman, Isabelle Pigeron-Piroth et Cédric Duchene-Lacroix, qui ont récemment publié Etrangers familiers. Les travailleurs frontaliers en Suisse: Conceptualisation, Emploi, Quotidien et Pratiques*. Leur recherche porte surtout sur les frontaliers français, mais des milliers de ressortissants allemands, autrichiens, liechtensteinois et italiens viennent aussi travailler chaque jour dans notre pays.

Dans toute l’économie

Traditionnellement, les frontaliers travaillaient dans l’industrie (surtout horlogère), la construction, l’hôtellerie, la restauration et la santé, ce qui va de pair avec un manque d’infirmiers et d’infirmières dans les régions de France voisine, où les salaires sont plus bas qu’en Suisse, comme dans la plupart des autres branches. Aujourd’hui, des frontaliers travaillent aussi dans les banques et les assurances, alors que parmi eux il y a aussi des scientifiques, des ingénieurs et des architectes. Une donnée, en revanche, ne change guère, à savoir que les femmes ne représentent toujours qu’un peu plus du tiers des frontaliers.

Le salaire mais pas seulement

Un salaire plus élevé que dans leur pays joue un rôle important dans les motivations des frontaliers de venir travailler en Suisse. Mais selon une conseillère Eures/Pôle emploi, d’autres éléments doivent être pris en compte: un chômage moins élevé, un marché de l’emploi dynamique, varié et assez ouvert depuis le poste d’ouvrier jusqu’au statut de cadre, aussi bien dans les petites que dans les grandes entreprises. A cela s’ajoute la proximité de la frontière du lieu de travail. Une partie des frontaliers exercent aussi des activités extra-professionnelles (sports, loisirs, réunions amicales) en Suisse et, pour ne prendre qu’un exemple, 7% des habitants de l’Ain et 48% de ceux de Haute-Savoie (dont de nombreux frontaliers) font des achats dans notre pays au moins une fois par mois.

Ils enrichissent la Suisse

Selon les auteurs de l’étude, les frontaliers rapportent 1 franc sur 5 du Produit intérieur brut du canton de Genève. Ce rapport varie selon les régions et les cantons proches de la frontière. Mais le gain est partout positif pour la Suisse, ce qui montre que l’image des frontaliers profiteurs est fausse, car ils contribuent plus qu’ils ne coûtent aux collectivités publiques helvétiques. Et ceci d’autant plus qu’il n’y a aucun lien entre le taux de chômage en Suisse et le travail frontalier, contrairement à ce qu’affirment l’Union démocratique du centre (UDC), le Mouvement des citoyens genevois (MCG) ou la Lega dei Ticinesi. Une preuve parmi d’autres, c’est que le canton du Jura compte par exemple 9000 travailleurs frontaliers, mais «seulement» 2000 chômeurs. N’oublions pas non plus que jusqu’aux années 1945-1950, ce sont des Suisses qui allaient travailler en France, et non l’inverse.

Assez bien syndiqués

A Genève, dans le canton de Vaud et au Tessin, les frontaliers représentent environ 20% des effectifs d’Unia, ce qui correspond grosso modo à la part des frontaliers dans son champ d’activité économique. A Neuchâtel, la proportion des frontaliers (18,5%) est même supérieure à leur part dans les emplois à plein-temps (16%) du canton. Ce taux de frontaliers syndiqués est aussi très élevé dans le Jura, mais insignifiant en Valais. Dans ces conditions et compte tenu du fait que la mise en œuvre progressive, à partir de 2002, de l’Accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Suisse et l’Union européenne a contribué à une forte progression du travail frontalier, on ne peut que regretter une lacune de cet ouvrage. A savoir le fait que ses auteurs n’évoquent pas les mesures d’accompagnement adoptées par le Parlement suisse sous la pression du mouvement syndical. Mesures qui visent à prévenir et à combattre le dumping social et salarial que peut générer la libre circulation des personnes. Pourtant, ces mesures ont porté leurs fruits, puisque entre 1996 et 2016, par exemple, l’écart entre le salaire d’un Suisse et celui d’un frontalier est passé de 7,2 à 4,5%, ce qui, pour un salaire de 5000 francs, représente un gain de 135 francs par mois.

Couverture
Etrangers familiers. Les travailleurs frontaliers en Suisse: Conceptualisation, Emploi, Quotidien et Pratiques, Paris, Editions L’Harmattan, 2021.

 

Pour aller plus loin

Pour une augmentation des salaires de 5%

Des achats alimentaires bien maigres.

Les syndicats réclament une majoration des salaires de 5% en 2024. Cette augmentation doit compenser la hausse du coût de la vie et la stagnation des rémunérations, rattraper des pertes du pouvoir d’achat, mais aussi permettre aux employés de profiter de la bonne conjoncture actuelle

L’USS critique envers la Banque nationale

Divergence de vues entre l’Union syndicaliste suisse (USS) et la Banque nationale suisse (BNS). Cette dernière a décidé, le 22 juin, de poursuivre le resserrement de sa politique...

Vaste coalition pour un salaire minimum à Fribourg

Une large coalition, réunissant la gauche et les syndicats, prévoit de lancer une initiative cantonale pour un salaire minimum à Fribourg. Ce pour faire face aux salaires réels qui...

Un automne chaud en perspective

Réunis en assemblée, les déléguées et les délégués d’Unia ont décidé de lancer une campagne en faveur d’augmentations générales des salaires