Talentueuse harpiste, la soliste Tjasha Gafner enchaîne les récitals tout en menant de front des études de pédagogie instrumentale. A sa portée
Consciencieuse. Disciplinée. Organisée. Autant de qualificatifs qui définissent Tjasha Gafner qui mène sa carrière tambour battant. Un parcours qu’elle effectue encore avec une bonne dose d’optimisme, une sensibilité à fleur de peau et des nerfs d’acier. A 23 ans, la harpiste s’est déjà distinguée dans plusieurs concours internationaux. Et se produit comme soliste aux quatre coins de la planète. Soucieuse de perfectionner sans cesse son art, la Vaudoise vient de rentrer d’une année d’études supérieures à la Juilliard School à New York. Un séjour qu’elle évoque des étoiles dans les yeux. «J’ai adoré», s’enthousiasme la jeune femme, notant la qualité de l’enseignement prodigué fondé sur le décloisonnement des disciplines, entre musique, chorégraphie et danse. Mais aussi la richesse culturelle de la ville. «J’assistais à des spectacles plusieurs fois par semaine. J’ai noué des relations humaines fortes. Jamais je n’aurais imaginé me plaire autant, moi qui aime plutôt la nature, le calme et qui suis très liée à ma famille.» Une expérience d’autant plus stimulante après un passage à vide. «Avant que cette possibilité ne se présente, je me demandais si j’allais continuer dans la voie choisie. J’hésitais à bifurquer vers le droit. Mon admission dans cette école réputée difficile d’accès – où ma professeure lausannoise s’est également formée – m’a donné envie de poursuivre», relate la musicienne qui, de retour en Suisse, a commencé un deuxième master en pédagogie instrumentale à Genève et continue en parallèle à enchaîner les concerts.
Dans le moment présent
«C’est désormais tout l’enjeu, parvenir à concilier les deux activités. Heureusement, mes professeurs se montrent conciliants. Et je n’accepte pas tous les contrats», précise Tjasha Gafner, qui envisage désormais de travailler avec un impresario pour l’épauler. Et la harpiste de souligner l’intensité de ses passages sur scène. «Je me trouve alors totalement dans le moment présent, hyperconcentrée. Je me rends compte de tout et, paradoxalement, de rien en même temps. Et me laisse traverser par une gamme d’émotions.» Un ressenti qui intervient après des années d’une pratique assidue entamée dans l’enfance déjà. Née dans une famille d’artistes entre un père photographe et une mère pianiste, Tjasha Gafner a toujours baigné dans la culture. Et, à l’âge de 5 ans, s’est naturellement tournée vers la musique: «J’ai d’abord opté pour le violon. Mais je n’ai pas été convaincue.» Deux ans plus tard, la gamine d’alors assiste à une répétition du Lac des cygnes dans laquelle joue sa marraine, harpiste. «Je suis totalement tombée sous le charme», raconte celle qui persuadera ses parents de la laisser changer d’instrument malgré sa taille encombrante et son poids. «Ils étaient un peu stressés à cette perspective, mais ils ont quand même accepté.» Pour le plus grand bonheur de Tjasha Gafner, séduite autant par le son de la harpe que par son aspect visuel.
Hors des sentiers battus
«Je jouais des heures. Mes doigts me faisaient souffrir au début. Mais ce choix s’est imposé comme une évidence. Dès l’âge de 10-11 ans, toute ma vie a tourné autour de la musique. Mes proches m’ont largement soutenue.» Elève rigoureuse entièrement dévouée à son art, Tjasha Gafner va rapidement se démarquer, décrocher différents prix et acquérir une célébrité qualifiée de flatteuse. «Je ne m’en rends pas encore vraiment compte. La harpe se situe dans un marché de niche. Mais j’apprécie l’intérêt des médias. Cette visibilité ouvre de nouveaux champs de possibles. Et m’offre beaucoup de liberté», précise l’artiste, également engagée dans un travail interdisciplinaire, collaborant avec la troupe de théâtre «2bcompany», et des compositeurs. Une manière de sortir des sentiers battus... Comme au travers de sa passion pour la grimpe qu’elle pratique avec son père, émue par la beauté et le calme des montagnes. «Un bon moyen de me vider la tête», déclare celle qui ne redoute pas l’effort, jugé «gratifiant». Et qui se ressource encore dans les voyages effectués pour son travail mais volontiers prolongés – par intérêt de la découverte et souci d’écologie – et les expositions d’art contemporain. «Les œuvres et les performances vivent à travers l’œil du spectateur et me donnent plein d’idées», affirme la harpiste qui, aussi férue de lecture, emporte toujours un ou plusieurs ouvrages dans son sac. Concernant ce dernier loisir, elle confie notamment sa fascination pour Simone de Beauvoir.
L’écoute, son maître-mot
«J’aurais bien partagé avec cette dernière un thé, mon péché mignon. Je la trouve brillante, cultivée et suis en phase avec ses idéaux», note Tjasha Gafner, qui estime nécessaire de casser l’image associant trop souvent la harpe à la féminité, la sensualité, la douceur... «Je remplis ces stéréotypes, mais je les considère comme réducteurs. Le lien que certains établissent entre ma prestation et mon aspect physique me questionne. Petite déjà, cette situation me mettait mal à l’aise.»
Se déplaçant toujours avec ses écouteurs, la harpiste ne manque jamais non plus d’emporter un carnet qu’elle noircit avec bonheur. «J’ai beaucoup d’affinités avec l’écriture. J’avais consacré mon travail de maturité à un carnet de voyages et j’ai conservé cette habitude. Elle me permet de prendre du recul et de garder des traces essentielles de mon vécu.» A l’aise un stylo à la main, la rédactrice ponctuelle place en tête de ses maîtres-mots «l’écoute». «Une qualité importante dans tous les sens du terme, qu’il s’agisse de prêter l’oreille à mon entourage ou à la musique», précise celle dont le prénom d’origine slovène – clin d’œil à sa grand-mère maternelle – signifie «celle qui sait se taire»... Et exprimer également toute une gamme d’émotions avec la force de ses notes...