Jean*
«On est tristes, dégoûtés, et en même temps, on a la rage. Cette annonce est un vrai coup de tonnerre, un choc. Certains ne réalisent pas vraiment. On ne s’y attendait pas du tout, car quand PBM a racheté l’entreprise, ils nous ont présenté tout un projet auquel on a cru. On était contents, on s’est projetés dans l’avenir. Certains d’entre nous avions reçu des propositions pour travailler ailleurs mais on est restés, car le plan avait l’air solide. Ils nous ont vendu du rêve, mais c’était du vent.
Du boulot, il y en a toujours eu. Après, on nous a dit qu’on ne faisait pas assez de chiffre d’affaires. On pensait qu’ils licencieraient deux ou trois personnes, mais pas toute la production!
Nous n’avons reçu aucune proposition de poste en France. C’est nous le savoir-faire, et ils nous ont tout pris. Ils vont maintenir l’entreprise active avec l’administration et les architectes, mais pas les ouvriers.
Quant au plan social proposé par la direction, il n’est pas suffisant, surtout pour ceux qui ont vingt ans de boîte et plus. Et puis, c’est aussi contradictoire, car ils proposent de nous accompagner pour la suite, mais d’un autre côté, ils sont réticents à ce qu’on parte avant la fin de notre préavis, je ne trouve pas cela très correct.»
Pierre*
«Je considérais l’ancien patron de Constantin Martial & Cie comme un père, et quand PBM a racheté, ils nous ont convaincus de rester. Ils ont dépensé des milliers de francs pour l’étude de la nouvelle halle qu’il voulait faire. De l’argent mis à la poubelle. Après plus de vingt ans à travailler ici, j’ai été surpris, déçu et en colère. On a pourtant proposé de reprendre l’entreprise, mais ils ont refusé. Ils vont vendre l’usine, mais pas pour notre activité. Ils veulent clairement éliminer la concurrence et prendre le savoir-faire pour avoir le monopole. Ils ne pensent qu’au business, et pas aux ouvriers.
Me retrouver au chômage pour la première fois à plus de 50 ans, je le vis un peu comme un échec. Je ne suis pas venu en Suisse il y a trente ans pour ça. Ce ne sera pas facile de retrouver du travail vu mon âge, et aussi parce que la préfabrication est très différente de la construction, ce ne sont pas les mêmes techniques. Pour continuer à faire ce que je fais, il faudrait aller jusqu’à Bulle… Et si je ne retrouve pas rapidement du travail, je risque de perdre mon droit à la retraite anticipée à 60 ans: c’est très difficile à vivre pour moi qui me voyais finir ma carrière ici à Vernayaz. Je suis dégoûté, et ça empiète évidemment sur ma famille, tout le monde est mal. Vingt-deux ans, ce n’est pas 22 jours: ça fait mal, mais je vais travailler jusqu’au dernier jour, et partir la tête haute.
Et d’ici là, j’espère qu’on trouvera un accord sur le plan social, car proposer la même indemnité aux nouveaux comme aux anciens, ce n’est pas du tout normal!»
* Prénoms d’emprunt.