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Défense des nettoyeuses et des vendeuses en Valais

Des militantes brandissent une grande montre à 15h24.
© Sonya Mermoud

A 15h24, heure à laquelle les travailleuses ne sont plus payées, femmes et hommes ont croisé les bras. Une chape de silence s’est abattue sur la place de la Planta précédant huées et vacarme général.

Quelque 5000 personnes ont défilé dans les rues de la capitale et réclamé une égalité dans les faits

Outre la pause généralisée, à 15h24, heure à laquelle les femmes ne sont plus payées, plusieurs temps forts ont rythmé le 14 juin valaisan. La matinée, à Monthey, des salariées du secteur du nettoyage, soutenues par Unia, se sont mobilisées pour dénoncer le non-paiement des heures de déplacement et exiger la fin «de ce hold-up». «17000 employés et employées de la branche subissent un préjudice annuel estimé à plus de 58 millions de francs», a chiffré Sandra Previti, secrétaire syndicale Unia en charge du groupe d’intérêts femmes. Une situation d’autant plus inadmissible que la Convention collective romande du secteur du nettoyage, s’appliquant à l’ensemble des entreprises du domaine, stipule clairement que le temps de trajet entre deux lieux d’intervention doit être considéré comme du temps de travail. L’après-midi, sur la place de la Planta à Sion, le syndicat a tenu un stand et récolté des signatures en faveur du salaire minimum et contre l’extension des horaires d’ouverture des magasins combattue par référendum. Une lutte aussi illustrée durant le cortège qui a rassemblé quelque 5000 personnes. Au centre-ville, devant plusieurs enseignes, la foule s’est assise. «Avec cet arrêt symbolique à côté de commerces, nous disons stop aux dégradations des conditions de travail des vendeuses et non à l’ouverture prolongée des magasins, a déclaré Sandra Previti. Le personnel de vente, principalement des femmes, ont des conditions de travail précaires, des salaires peu élevés et pas ou peu de 2e pilier.» Durant la journée, la syndicaliste a aussi pris la parole pour fustiger l’absence d’une égalité dans les faits. «Nous sommes violettes de rage et nous le montrons aujourd’hui... Plus que jamais nous voulons du respect, du temps, de l’argent.» Sandra Previti a notamment insisté sur la nécessité d’augmenter les salaires et les rentes des femmes, de mieux répartir le travail de care, d’introduire une 13e rente AVS et d’afficher une tolérance zéro envers les discriminations, le harcèlement sexuel et les violences sexistes.

TÉMOIGNAGES

Les féministes, sa famille

Aurore a pris des vacances pour finaliser les préparatifs de la grève et y participer. Membre d’Unia, «un syndicat fort sur lequel on peut compter», et du Collectif Femmes Valais depuis 2020, cette femme trans s’identifie à l’ensemble des revendications exprimées. Elle a aussi trouvé une nouvelle famille auprès des féministes, la sienne l’ayant rejetée. «J’ai pu me reconstruire dans ce groupe, créer un nouveau réseau social, c’est ma passion, ma vie», souligne Aurore, qui a terriblement souffert d’être née dans le mauvais corps. «Je l’ai su très tôt. Je n’étais pas comme les autres garçons.» En échec scolaire, l’enfant d’alors entre en internat dans un institut accueillant des jeunes en difficulté. Des années catastrophiques... «J’ai subi de 11 à 15 ans les agressions sexuelles d’un autre élève. J’en ai parlé à l’éducateur qui ne m’a pas crue.» Aurore entame sa vie professionnelle sans soutien psychologique, avec le poids de ses secrets. Après un passage comme manœuvre aux CFF, elle suit une formation dans la vente qu’elle échoue, sombre dans l’alcool, fait plusieurs tentatives de suicide. Elle est ensuite embauchée dans un emploi saisonnier et essaie tant bien que mal de cacher son mal-être derrière des «sourires de façade». «J’avais de plus en plus de peine à donner le change. Mais je croyais que personne en Valais ne changeait de sexe», raconte Aurore, employée depuis de nombreuses années par les remontées mécaniques. «J’ai commencé ma transition en 2018. Je n’avais plus le choix. C’était vital», raconte la Valaisanne, qui trouvera de l’aide auprès d’Alpagay, qu’elle copréside aujourd’hui, et du Collectif. Elle souligne aussi la compréhension manifestée à son travail. «Si je suis aujourd’hui heureuse? Absolument», affirme, large sourire aux lèvres, celle qui a choisi le prénom d’Aurore, comme la Belle au bois dormant, pour s’être réveillée «après presque 37 ans de cauchemar». Elle précise encore n’avoir jamais voulu quitter le Valais – «C’est ici qu’il faut agir, dans ce canton conservateur». Et rêve d’une société où les queers seraient acceptés par tous. Plus proche d’elle, Aurore espère pouvoir aussi, un jour, renouer avec sa mère.

Aurore au départ la manifestation.
Aurore (à droite), peu avant le départ du cortège. © Sonya Mermoud

 


«Plus Valaisanne que les Valaisannes»

«Je suis fatiguée. Je lance un appel pour pouvoir être indépendante et travailler en Suisse.» Nassira, 52 ans, est venue manifester ce 14 juin par solidarité avec toutes les femmes. Elle-même se trouve dans une situation compliquée, dépendant de l’aide d’urgence depuis 2016 et n’étant pas autorisée à travailler. Cette requérante d’asile déboutée est en effet sous la menace d’une expulsion. Un renvoi qui ne peut toutefois être exécuté en raison de complications liées à l’application de l’accord de réadmission signé entre l’Algérie et la Suisse. Dans ce contexte, celle qui se dit «plus Valaisanne que les Valaisannes», mère d’une fille de 10 ans, supplie les autorités de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Et de la laisser travailler. «Je peux être utile dans nombre de domaines: les nettoyages, les soins, etc. Durant ma procédure d’asile, j’ai suivi des formations. Mais tout est bloqué. Je ne veux pourtant pas rester sans rien faire. Mes journées sont une catastrophe. Je suis en détresse», confie cette maman célibataire, qui se bat aussi pour sa fillette Sofia. Et cette dernière d’ajouter, brandissant la pancarte qu’elle a réalisée: «C’est injuste. Je ne peux pas voyager avec l’école. Je voudrais des papiers pour être enfin libre.»

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Sofia, la fille de Nassira, et la pancarte qu’elle a réalisée. © Sonya Mermoud

 

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