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Genève: une politique perdants-perdants

Une étude a évalué à 13 millions de francs sur dix ans le coût pour la collectivité genevoise engendré par l’interdiction de travailler des jeunes déboutés de l’asile. Sans oublier son prix humain. Les autorités appelées à réagir

Treize millions de francs sur dix ans: voilà ce que coûte à la collectivité genevoise l’interdiction de travailler frappant 32 jeunes déboutés de l’asile résidant dans le canton. Cette estimation a été effectuée dans le cadre d’une étude universitaire inédite sur la thématique, à la demande du Centre social protestant (CSP) Genève et de Vivre ensemble. Elle a porté sur des personnes âgées de 18 à 24 ans qui ont reçu une réponse négative à leur demande d’asile, souvent après des années de scolarité et d’intégration, le droit à l’éducation étant garanti jusqu’à 18 ans par la Constitution cantonale. «Au terme de leur première formation, elles se sont vues interdites de travailler ou d’entamer un apprentissage dual. D’autres, arrivées après 19 ans, n’ont pu ni commencer de formation postobligatoire ni eu accès au marché du travail», précisent les deux organisations dans un récent communiqué de presse commun. Résultat: ces exilés dépendent de l’aide d’urgence concrétisée par un soutien financier de 10 francs par jour et un logement précaire. Ce système prévoyant des conditions de vie volontairement minimalistes vise à inciter ses bénéficiaires à partir rapidement de Suisse. Un but rarement atteint.

Renvoi aléatoire, voire impossible

«Comme souvent, les facteurs d’exil liés à la situation politique et sociale dans le pays d’origine sont sous-estimés et beaucoup de déboutés ne veulent pas quitter la sécurité toute relative acquise en Suisse. Ce n’est pas parce que leurs motifs de fuite n’ont pas été reconnus lors de la procédure d’asile qu’ils n’existent pas», lit-on dans le résumé de la recherche effectuée par Julien Massard, précisant que des obstacles diplomatiques, administratifs, etc., peuvent aussi empêcher l’exécution du renvoi. Conséquences, l’aide d’urgence se prolonge sur des années pour nombre de déboutés. L’auteur, actif au sein de l’Institut de recherche appliquée en économie et gestion, s’est alors penché sur l’impact économique de cette situation. Il a calculé le coût de l’aide d’urgence mais aussi celui d’opportunité, c’est-à-dire le manque à gagner pour la collectivité lié à l’inactivité forcée de cette jeune main-d’œuvre. Et a conclu à des pertes sèches de 13 millions de francs sur dix ans pour l’économie du canton. Un montant qualifié de minimum, sachant encore que d’autres requérants connaîtront probablement dans le futur le même sort.

Coûts plus élevés encore

«Nous avons délibérément été prudents dans la construction de notre modèle en privilégiant, par exemple, les fourchettes basses pour les paramètres salariaux», précise l’économiste. Cette évaluation n’intègre pas non plus les coûts collatéraux comme ceux relatifs à la santé psychique des jeunes déboutés «qui se dégrade très vite en raison des conditions difficiles de l’aide d’urgence» ou encore ceux administratifs, sécuritaires ou autres relatifs au dispositif.

Dans ce contexte, le CSP et Vivre ensemble invitent les autorités genevoises à changer de paradigme. Et à autoriser les jeunes personnes déboutées à se construire un avenir en Suisse comme ont opté certains cantons, à l’image de Fribourg, prenant en compte la réalité des intéressés. Un combat que les deux associations mènent au niveau juridique depuis des lustres. «Cette étude vient confirmer le constat que nous martelons depuis des années: l’impasse dans laquelle se trouvent ces jeunes est aussi coûteuse pour eux que pour la collectivité.»

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