On fait remonter la paix du travail à la Convention signée en 1937 entre les syndicats et le patronat de la métallurgie et de l’industrie des machines. Après une vague de grèves dans l’après-guerre, ces Conventions collectives de travail (CCT) réglant les conditions de travail et d’embauche, en échange du renoncement à la grève, se sont multipliées. Le partenariat social qui en a découlé a contribué à la prospérité helvétique, même si celle-ci repose pour une bonne part sur l’exploitation d’une main-d’œuvre venue de l’étranger; et même si un tiers seulement des salariés bénéficient d’une CCT. Sommes-nous à un tournant? Héritière de cette Convention de 1937, la CCT de la branche MEM (pour machines, équipements électriques et métaux) devait être renouvelée cette année, mais les négociations n’ont jamais pu sérieusement débuter malgré quatre réunions. Swissmem posant comme préalable le passage de la semaine de travail de 40 à 42 heures. La CCT a donc été prolongée sans amélioration. «Les représentants de Swissmem ne nous écoutaient pas, ils discutaient entre eux», a confié un membre d’Unia de la délégation de négociations. Il faut dire que des dirigeants plus jeunes ont pris les manettes de la faîtière patronale. Et ils paraissent assez représentatifs de cette nouvelle génération de managers désormais aux commandes de l’économie, qui n’a connu que le néolibéralisme et semble peu portée au dialogue social.
Il y a d’autres exemples. A la veille du départ en vacances, les salariés de Genève-Cointrin ont dû se mettre en grève pour la première fois de leur histoire. Appelée par le syndicat SSP, c’est la conseillère d’Etat PLR Nathalie Fontanet qui a trouvé un accord permettant de ne pas prolonger le blocage des avions. Les dirigeants de l’aéroport se distinguant par leur nullité en matière de négociations sociales. A l’image de la direction des Transports publics genevois, dont le manque d’ouverture a poussé le personnel à cesser le travail durant deux jours à l’automne dernier. Et puis, il y a toutes ces entreprises qui refusent de reconnaître la représentation du personnel et de discuter, et que nos lecteurs connaissent bien, à l’instar de DPD ou de Smood, détenue par Migros Genève. Un autre marqueur de ce nouveau mépris social est constitué par ces sociétés qui ne compensent pas intégralement le renchérissement, alors qu’elles réalisent de confortables bénéfices grâce à l’engagement de leurs collaborateurs. Pour ne citer que quelques exemples: Syngenta; le groupe Mondelez, propriétaire de Toblerone; ou Coop, qui a distribué des bons d’achat en guise d’augmentations salariales.
Pour disposer d’un rapport de force lors des futurs renouvellements de la CCT, la conférence de la branche MEM d’Unia a décidé d’une stratégie à long terme visant à renforcer le syndicat dans les entreprises et les capacités de mobilisation. Dans les années 1990, le secteur construction avait mis une décennie à préparer les grèves qui ont débouché sur la retraite anticipée à 60 ans pour les maçons, la plus importante conquête sociale depuis un demi-siècle. Alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter, il semble bien qu’il va falloir de nouveau lever le poing bien haut. Prochaine étape: la manifestation pour les salaires du 16 septembre à Berne.