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Café Zigolini maltraitance dénoncée par des employés

Soutenus par Unia des employés du café Zigolini à Bursins ont mené une action pour dénoncer ces agissements

Non-respect de la Loi sur le travail et des pauses, propos racistes répétés, remarques dégradantes, pressions en tous genres... Soutenus par Unia, des employés ont dénoncé publiquement les agissements du responsable du café Zigolini, sur l'aire d'autoroute de Bursins. Le syndicat demande l'ouverture d'une discussion avec ce dernier et en présence du personnel. Explications, témoignages et réaction de la direction à Zurich.

Branle-bas de combat mercredi matin 21 juin devant le café Zigolini, au restauroute de Bursins. Munis de drapeaux et d'un mégaphone, distribuant des tracts aux clients, des représentants d'Unia et des employés ont dénoncé les agissements du directeur du café, également patron des enseignes Marché et Burger King intégrées au complexe de l'aire d'autoroute. «Carton rouge pour le responsable... Ici le café est amer», ont scandé les syndicalistes et les trois salariés impliqués dans cette action. Avec, à la clef, une impressionnante liste de doléances qui vont du non-respect de la Loi sur le travail aux remarques dégradantes, pressions et chantages en tous genres, en passant par des licenciements de collaborateurs, «pour avoir contacté Unia». «Cette situation oppressante pour le personnel est inacceptable. Unia apporte son plein soutien aux employés et s'élève vivement contre cette maltraitance érigée en règle de management par un homme qui, face à ses salariés terrorisés, semble s'estimer tout-puissant», déclare Komla Kpogli, secrétaire syndical. «Nous avons demandé à rencontrer le directeur. Il était d'accord, mais a refusé que le personnel soit présent, au motif que la séance ne serait alors pas constructive, trop émotionnelle», note de son côté son collègue, Fabrice Chaperon. «Du coup, nous avons été contraints d'organiser cette manifestation pour faire reconnaître les droits des travailleurs. L'homme ne peut se placer au-dessus des lois.»

Vie bousillée
«On ne nous accorde pas de pauses. Les plannings, de surcroît, ne tiennent pas compte du temps de repos auquel nous avons droit, par exemple entre la fermeture du café à 23h et son ouverture à 7h», témoigne Marie*, 31 ans, qui comptabilisait plusieurs années de service - la jeune femme ayant récemment été licenciée. Et d'évoquer, pêle-mêle, émue, différents dysfonctionnements. Comme des propos de son supérieur, en lien avec ses origines turques. «Il me parlait méchamment. De mon pays, du président. Prétendait que tous étaient des mafieux, des terroristes... Mais moi je m'en fous de la politique.» Marie précise aussi avoir reçu un avertissement pour des questions relatives à l'hygiène de l'établissement - «et alors que je suis maniaque sur ce point et que, justement, des problèmes sont à signaler en la matière, avec des denrées plus vendables qu'on n'est pourtant pas autorisé à jeter». La trentenaire a aussi fait l'objet d'un blâme suite à la plainte d'une cliente ne la jugeant pas assez aimable. Le comble, pour elle, vu les circonstances: «Ce jour-là je travaillais toute seule bien qu'on aurait dû être deux. J'étais très fatiguée. On avait fait un chiffre d'affaires énorme.» Et l'ex-employée, en dépression, d'affirmer: «Le directeur a bousillé notre vie. Je n'arrive plus à dormir. Je pleure beaucoup. Toute cette injustice m'écœure. Pourtant avant, ici, c'était comme ma maison. C'est moi qui ai formé la personne qui m'a remplacée.»

Terrorisme psychologique
Même son de cloche de sa collègue Najoua*, 37 ans, mère de deux enfants, qui a aussi perdu son travail. «Peu après que j'aie adhéré à Unia», relève-t-elle. «Le directeur a dit qu'ici, ce n'était pas le syndicat qui faisait la loi, mais lui.» Najoua évoque par ailleurs des propos «racistes». «Il me demandait si j'étais venue avec ma ceinture d'explosifs ou une bombe. Me mettait sous le nez des photos de femmes voilées. Il affirmait aussi que nous, les gens de couleur, on avait l'esclavage dans le sang, qu'on était de toute façon habitué à la maltraitance... Il me balançait les plateaux...»
Toujours employée, Isabelle* s'est aussi jointe à la manifestation, non sans craindre pour sa place. «Mais si on ne bouge pas nous, qui le fera? Je prends le risque. Je peux ainsi le soir m'endormir avec ma conscience», lance-t-elle, déplorant que deux collègues, après un accord oral et «sans garantie» avec le patron, aient renoncé à participer à l'action. Et la salariée de dénoncer aussi «les pauses non accordées, les pressions en tous genres, des retards sur le salaire, en représailles à une absence maladie, une surcharge de travail et une rémunération pour le moins modeste». «Je suis payée 19,50 francs de l'heure. En quatre ans, j'ai été augmentée en tout et pour tout de 55 centimes! Certains mois, je n'arrive même pas à 3000 francs. Je suis exploitée. Et on porte atteinte à ma dignité, ma fierté.» Et la jeune femme de conclure: «C'est du terrorisme psychologique.» Autant de griefs qui seront plus ou moins confirmés par d'autres collaborateurs des enseignes du restauroute. Mais qui, inquiets pour leur job, ont préféré rester évasifs.
«Sans ouverture de discussion collective avec le directeur - des tractations sont en cours - nous poursuivrons la mobilisation et mènerons différentes actions. La clientèle est sensible à la cause des employés», prévient encore Komla Kpogli.

Sonya Mermoud

* Prénoms fictifs.

 

Réaction de la direction

Contacté, le patron de Zigolini a précisé ne pas pouvoir réagir aux doléances formulées et a orienté L'Evénement syndical vers la direction générale, le Marché Restaurants Suisse SA, propriété de Coop. Sur la question des pauses non accordées, Monica Danuser, responsable de la communication, affirme que le problème a été abordé avec le personnel et qu'un accord commun est intervenu entre les deux parties. Les déclarations d'employées faisant état de propos racistes et remarques dégradantes ont généré la réponse suivante: «Nous avons immédiatement pris contact avec le directeur sur place et avons discuté de la situation. Il réfute vivement les reproches et nous a assurés que ces propos et remarques n'ont pas eu lieu.» Et Monica Danuser de préciser encore que les propos racistes et discriminatoires sont contraires à la culture d'entreprise. «Nous allons nous pencher sur la manière de gérer ces accusations.»
Quant au lien présumé entre des licenciements et une affiliation à Unia, la responsable de la communication note ne pas en avoir connaissance de remerciements pour ce motif. «Chez nous, tous les collaborateurs ont le droit de consulter Unia. Nous apprécions le dialogue et sommes toujours ouverts à la discussion.» Le Marché Restaurants Suisse SA a aussi annoncé qu'il était en train de mettre en place une rencontre avec Unia et leur personnel. «Nous tenons à trouver une solution constructive à cette situation.»
SM