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Victimes de Corela: annoncez-vous!

Les personnes souffrant d'une décision fondée sur une expertise de ce pseudo centre peuvent tenter d'obtenir une révision

Dans les 90 jours à compter de la publication de l'arrêt du Tribunal fédéral, soit au plus tard jusqu'à fin avril 2018, les personnes se sentant lésées par une décision basée sur une expertise de Corela peuvent essayer d'obtenir une réouverture de leur dossier. Eclairage.


L'affaire Corela a défrayé la chronique fin février (voir L'ES du 7 mars). Cette prétendue clinique, dont le 96 à 97% des activités consiste à réaliser des expertises médicales sur demande des assureurs, s'est vue retirer son autorisation d'exploitation durant trois mois par les autorités genevoises. La sanction est confirmée par le Tribunal fédéral et effective depuis le 1er mars. En cause, des modifications d'expertises effectuées par le médecin responsable, «notamment sur des points non négligeables et en particulier des diagnostics», note le Tribunal, et cela sans avoir vu les expertisés et à l'insu des experts. Cette clinique, renommée depuis peu Medlex, recourait aussi souvent à des médecins étrangers non domiciliés en Suisse. Jusqu'à fin février 2018, Corela figurait comme centre d'expertise COMAI (Centre d'observation médicale de l'AI) reconnu par l'Office fédéral des assurances sociales. Depuis mars 2018, la convention tarifaire avec la clinique a enfin été résiliée. Mais une grande partie des expertises de la clinique Corela était destinée aux assureurs privés. En 2015 par exemple, Corela en a effectué 828 pour ces derniers, contre 44 pour l'assurance invalidité (AI). A titre de comparaison, un autre centre similaire, le Cemed à Nyon, a réalisé 200 expertises pour des assureurs privés et 373 pour l'AI.
En raison des graves manquements constatés par le Tribunal fédéral, de très nombreuses personnes en Suisse romande ont pu être lésées par les agissements de cette «clinique», leurs demandes d'indemnités ou de rentes ayant été refusées. L'arrêt du Tribunal fédéral ouvre la possibilité de demander une révision de ces décisions, mais il faut agir vite.
Le point avec Caroline Renold, avocate et juriste auprès de l'Association pour la Permanence de défense des patients et des assurés (APAS) à Genève.

Questions/Réponses

Suite aux révélations sur les expertises complaisantes, et même falsifiées, de la clinique Corela, est-il possible, pour les personnes qui ont été expertisées par cette clinique, de faire valoir leurs droits contre une assurance qui leur aurait refusé des prestations?
Il faut différencier les cas d'assurance privée - perte de gain maladie LCA principalement - et les cas d'assurances sociales - assurance accident, AI, perte de gain maladie LAMal.
Dans un cas d'assurance sociale, si la procédure est en cours - si une décision est encore sujette à recours ou à opposition - la décision du Tribunal fédéral et le fait d'avoir été expertisé par la clinique Corela sera un très bon argument pour recourir et solliciter la réalisation d'une autre expertise. Toutefois, il faut toujours disposer du soutien de ses médecins traitants sous la forme de rapports médicaux circonstanciés, critiquant l'expertise.
En matière d'assurance sociale, si la décision est entrée en force, il est possible de demander une révision ou une reconsidération de cette décision à l'autorité qui l'a prise, ce qui est par nature une procédure exceptionnelle. Pour obtenir une révision, l'assuré doit démontrer qu'il existe des éléments nouveaux importants, dont il ne pouvait se prévaloir auparavant. Il lui faudra dès lors démontrer qu'au vu des révélations concernant la clinique Corela, l'expertise qui fonde la décision en question n'a aucune valeur, et est potentiellement un faux au sens pénal, et qu'elle n'aurait jamais été suivie si on avait su comment fonctionnait la clinique Corela à l'époque.
Dans un cas d'assurance privée, c'est le droit civil qui s'applique, l'assuré doit agir en paiement contre l'assureur pour faire valoir ses droits. Si l'assuré n'a jamais entamé de procédure contre l'assureur, il peut encore le faire, en tenant compte du délai de prescription de 2 ans. Si l'assuré a entamé une procédure et a été débouté devant une autorité judiciaire, il doit faire une demande de révision à cette autorité, aux mêmes conditions que ci-dessus.

Quel est le délai pour ces différentes démarches?
Le délai de recours, indiqué sur la décision, est de 30 jours dès la réception de cette dernière.
En ce qui concerne la demande de révision ou reconsidération, il faut agir dans les 90 jours dès la connaissance du motif de révision, en l'occurrence l'arrêt du Tribunal fédéral. Même si l'affaire a été révélée autour du 20 février par les médias, il faut par prudence partir de la date de publication de l'arrêt, soit sa mise en ligne le 2 février. En d'autres termes, il faut agir au plus vite, et avant fin avril 2018.
Une demande en paiement auprès d'un assureur privé n'est pas soumise à un tel délai. Il faut toutefois tenir compte du fait que le droit aux prestations se prescrit après 2 ans.

Qui sont les personnes concernées?
Les personnes concernées sont les assurés pour lesquels une expertise de la clinique Corela était le fondement du refus des prestations. Il est toutefois toujours nécessaire d'examiner l'entier du dossier, pour comprendre si d'autres avis médicaux confirmaient l'avis de la clinique Corela.
De plus, dans la mesure où la procédure à l'encontre de la clinique Corela avait trait aux expertises psychiatriques, ce sont les assurés avec des atteintes à la santé psychique qui sont les premiers intéressés. Je conseillerais dès lors à ces assurés d'écrire à la Commission de surveillance des professionnels de la santé à Genève - l'autorité ayant sanctionné la clinique Corela en première instance - pour savoir si leur expertise fait partie de celles pour lesquelles de graves manquements ont été constatés.
Enfin, les assurés à qui l'expert de la clinique Corela a indiqué des conclusions totalement différentes de celles figurant dans le rapport d'expertise sont également concernés en priorité. Il serait en effet possible que le rapport d'expertise ait été modifié par un tiers après la rédaction par l'expert.

Que doivent faire ces personnes?
Nous leur recommandons de se rendre au plus vite auprès de leur conseil, de leur avocat ou de leur permanence syndicale pour les membres des syndicats.
Pour pouvoir obtenir un conseil éclairé, les assurés doivent se munir d'une copie du dossier qui se trouve en main de l'assurance. Les assurés doivent donc demander au plus vite une copie de l'entier de leur dossier à leur assurance, par courrier recommandé. Si l'assurance tarde à répondre, il leur faut insister par écrit et par téléphone.
Si le dossier ne peut être obtenu rapidement, les assurés doivent consulter leur conseil en se munissant, tout au moins, de la décision en question, de l'expertise médicale de la clinique Corela et de l'avis de leur médecin ou des spécialistes qui les soutiennent, ainsi que des documents attestant de leur demande restée vaine pour obtenir le dossier.

Il est donc possible d'obtenir l'expertise médicale, celle de Corela en l'occurence?
Bien sûr, c'est un droit. Il faut la demander à son assurance.
Précisons qu'en cas de problème psychique, les assurances peuvent communiquer le dossier - et donc l'expertise - à un médecin traitant.

Auriez-vous d'autres conseils à donner aux personnes se sentant lésées par une expertise réalisée par Corela?
Dans notre expérience, les expertises faites par Corela sont massivement défavorables aux assurés et sont empreintes d'un parti pris à leur encontre. De plus, elles sont illisibles, même pour des médecins: elles font souvent près de 200 pages! En outre, l'arrêt du Tribunal fédéral a constaté de graves violations des devoirs professionnels et de très importants manquements dans la réalisation d'expertises psychiatriques.
Toutefois, ceci ne signifie pas que toutes les personnes expertisées par la clinique Corela ont droit aux prestations qui leur ont été refusées. En effet, dans certains cas, une expertise réalisée dans les règles de l'art parviendrait aux mêmes conclusions que la clinique Corela.
Ce qui est certain, c'est que les assurés ont droit à ce que leur situation médicale soit évaluée par un expert objectif, respectant ses devoirs professionnels et réalisant une expertise dans les règles de l'art! C'est d'ailleurs le but premier d'une demande de révision: obtenir qu'un réel expert, objectif et qualifié, examine la situation médicale de l'assuré, pour que le droit aux prestations soit ensuite reconnu.
De son côté, l'APAS a également entamé des démarches à un niveau collectif. Nous avons interpellé les plus importants assureurs et les Offices AI des cantons de Genève et de Vaud pour leur demander de procéder eux-mêmes à la révision - obligatoire à notre sens - de toutes les décisions basées sur une expertise de la clinique Corela. Mais nous n'avons bien évidemment aucune certitude qu'ils le fassent et les assurés doivent dès lors protéger leurs droits et déposer eux-mêmes une demande de révision...

Propos recueillis par Sylviane Herranz

 

 

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