Solidarité sans frontières et IGA SOS Racisme réclament la fin du régime d’aide d’urgence qualifié d’inhumain
Harassement psychique. Détresse. Stress. Promiscuité... A l’occasion d’une conférence de presse organisée mercredi dernier à Berne, Solidarité sans frontières et IGA SOS Racisme ont, en présence d’une quinzaine de requérants d’asile déboutés, brossé un portrait sombre du régime d’aide d’urgence dans le centre d’Oberbuchsiten (SO). Ce système concerne les exilés frappés d’une décision de renvoi exécutoire. Il peut intégrer des personnes engagées dans des procédures de recours, alors le plus souvent extraordinaire et d’autres qui, bien qu’ayant épuisé toutes les options en la matière, n’ont pas la possibilité de rentrer dans leur patrie pour différents motifs. Les deux ONG ont pointé des conditions de vie «insoutenables physiquement et psychologiquement» dans la structure d’accueil en question. Appartements trop petits et manque d’espace privé. Absence de mesures adéquates pour les personnes vulnérables. Accès aux soins non assurés – les personnes doivent passer par un employé pour savoir si elles peuvent ou non consulter un médecin sans que leur interlocuteur possède des compétences nécessaires pour juger de leurs maux. Forfait misérable ne couvrant pas les besoins de base. Chicaneries administratives quotidiennes. Une liste de doléances que les associations de défense des migrants ont illustré par des exemples concrets.
Traitement inhumain et dégradant
Elles ont ainsi expliqué comment se déroule l’hébergement des familles confinées dans des appartements de trois ou quatre pièces. Si chacune dispose d’une chambre à coucher, les autres espaces – salon, cuisine, salle de bain et toilettes – sont communs. Même modèle d’habitation pour les personnes seules qui, elles, dorment dans des chambres de deux, quatre ou six lits. Et sans considération pour les exilés à mobilité réduite, logés dans les étages, sans ascenseur. Pas davantage de «traitement de faveur» pour les requérants traumatisés souffrant de graves troubles psychiques: ces derniers ne peuvent, ont relevé les ONG, habiter seuls en dépit des recommandations du psychiatre. La question de l’aide financière a aussi été évoquée: 9 francs par jour pour les personnes seules, 7 francs pour les membres d’une même famille. Un pécule destiné à couvrir les frais de nourriture, transport, vêtements, langes pour bébés, matériel scolaire, articles de toilette, etc. «Ces sommes sont non seulement incompatibles avec l’article 12 de la Constitution garantissant un minimum nécessaire pour vivre dignement, mais s’apparentent à des traitements inhumains et dégradants», relèvent les ONG dans leur communiqué, insistant également sur certaines dispositions «arbitraires, humiliantes et parfaitement inutiles» prévalant dans le centre d’Oberbuchsiten. Comme l’obligation pour les exilés d’attester leur présence par une signature, tous les jours, entre 22 heures et 23 heures.
Responsabilité du Conseil fédéral
«Le régime d’aide d’urgence se fonde sur une série de mesures inhumaines, perverses, indignes d’un Etat de droit. C’est un instrument bafouant les droits les plus élémentaires des personnes. Une arme visant un seul but, politique, celui de se débarrasser de ces gens», dénonce Françoise Kopf, de IGA SOS Racisme, non sans souligner que Soleure décroche la palme des cantons les pires dans la mise en œuvre de ce système. Tout en pointant du doigt la responsabilité du Conseil fédéral sur ce cas, «car lui-même a mis en place cette stratégie de marginalisation des personnes déboutées il y a plus de quinze ans». Dans un premier temps, ce régime concernait uniquement les demandeurs d’asile frappés d’une non-entrée en matière sur leur requête avec l’objectif clair de faire des économies. Il a été étendu en 2008 à tous les requérants déboutés en vue d’accélérer leur départ et de réduire leur nombre – quitte à ce qu’ils entrent dans la clandestinité. Et ce malgré les critiques formulées par différentes instances internationales. Dans ce contexte, Solidarité sans frontières et IGA SOS Racisme demandent la fin de ce régime qui, organisé et mis en œuvre par les cantons, fait l’objet d’importantes disparités de traitements. «L’ampleur des dégâts humains est effrayante: plongés dans une situation de misère par les lois du pays auquel ils ont demandé protection, les requérants d’asile à l’aide d’urgence se trouvent dans une zone sinistrée... Un tel système mis en place par les autorités dans le but explicite de rendre la vie insoutenable à ces personnes pour qu’elles s’en aillent doit être remis fondamentalement en question. Nous demandons l’abolition du régime «d’aide» d’urgence qui plonge pendant des années des personnes dans un désespoir absolu sans réelle perspective d’en sortir un jour.»