Quelque 450 grévistes du climat provenant de 38 pays se sont réunis durant une semaine à Lausanne pour définir leur stratégie future. Parole à des militants et point de vue scientifique
«Ce sommet nous a offert l’opportunité de nous rencontrer, d’échanger des idées, de renforcer nos liens. Au-delà de nos différences, qui sont nos forces, nous sommes tous rassemblés autour de la cause climatique et continuerons ensemble à la défendre.» Au terme d’une semaine d’intenses et créatifs débats, le sommet Smile for Future s’est terminé le 9 août par une grande manifestation, point d’orgue de la rencontre organisée par FridaysForFuture (FFF). Cette dernière a réuni 450 jeunes provenant de 38 pays, dont l’initiatrice du mouvement, la Suédoise Greta Thunberg, et des scientifiques à l’image du prix Nobel de chimie Jacques Dubochet. Cohérents avec leur démarche, les défenseurs de l’environnement ont rejoint la capitale vaudoise en train et bus. Ils se sont aussi nourris, les matins et soirs, avec des produits invendus, luttant contre le gaspillage alimentaire. Répartis dans une soixantaine d’ateliers, ils ont discuté d’une multitude de thèmes en lien avec la problématique, de la décroissance au désastre des déchets plastique, en passant par les énergies renouvelables, la remise en question du système capitaliste, le chômage, la désobéissance civile, etc. Les séances étaient ponctuées d’un langage gestuel favorisant le respect et l’écoute entre eux. A l’issue de ces cinq jours, les activistes ont adopté une déclaration. «Nous demandons aux personnes qui ont le pouvoir de garantir l’équité et la justice climatique, de maintenir la hausse globale de la température en dessous de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de prendre en compte les dernières connaissances de la science unie», a communiqué en substance Hannah Otto, une des organisatrices, lors de la conférence de presse finale. D’autres revendications, ayant été acceptées par 95% des activistes, seront retravaillées dans des groupes locaux pour amélioration et ratification.
«Nous construisons l’histoire»
Quatre jeunes participants ont aussi fait part de leurs impressions sur le sommet. «J’ai particulièrement aimé son aspect social. Nos discussions m’ont donné de l’espoir pour le futur», a relevé Julia Haddad, une étudiante libanaise en sciences politiques âgée de 16 ans. «C’était incroyable, cette diversité de participants. Et la présence de scientifiques a été une grande chance», s’est exclamé David Wicker, 14 ans, qui a commencé à participer aux grèves début janvier, à Turin. Venue de Grèce, Maria Papatheodorou, 17 ans, fondatrice du mouvement FFF dans son pays, a souligné la difficulté de trouver un consensus final non sans temporiser ses propos: «Nous avons eu des hauts et des bas. Nous sommes humains. Mais nous en ressortons plus forts, respectant toutes les opinions.» Agé de 11 ans, l’Ecossais Finlay Pringle, actif dans l’ONG Sea Shepherd, a encore précisé ce que les militants entendaient par justice climatique, au regard des conséquences sociales du réchauffement: «Nous réclamons une égalité des chances, que l’on soit riche ou pauvre, important ou non.» A la tribune, l’enfant a aussi affirmé avec aplomb: «Nous construisons l’histoire. Nous avons chacun nos points de vue, mais la crise climatique n’a pas de frontières. Les politiciens ne peuvent plus ignorer l’urgence d’agir.» De quoi réjouir Jean-Pascal van Ypersele, climatologue, (voir ci-contre) qui, admiratif, a chaleureusement remercié les participants pour leur mobilisation.
Obstacle toujours plus proche
«Il sera dès lors plus difficile d’oublier dans un tiroir le rapport que vient de produire le GIEC, car vous êtes là, porteurs d’une énergie nouvelle. J’ai ressenti un véritable bain de jouvence à vos côtés... Ce que vous avez fait est absolument extraordinaire. Continuez. N’abandonnez pas!» Interrogé à l’issue de la conférence de presse sur la question de l’urgence, le scientifique, portant une cravate blanche imprimée d’un «I love 1,5 degré», répondra de manière imagée: «La température n’a pas cessé d’augmenter. Il est temps d’appuyer sur le frein pour éviter la collision avec l’obstacle. Nous nous sommes rapprochés de ce dernier. Il est évidemment préférable d’atteindre des émissions nulles de gaz à effet de serre au plus vite. Mais si c’est seulement en 2060, ce sera toujours infiniment mieux que plus tard encore. Les rapports des experts regorgent de solutions mais il y a un clair manque de volonté politique. D’où l’importance du mouvement FFF.» A la fin de la conférence, Hannah Otto, épuisée mais ravie, notera encore: «Nous continuerons à nous mobiliser. Pas question qu’on nous vole notre futur.» Différentes actions sont d’ores et déjà prévues la semaine du 23 septembre, date du sommet sur le climat de l’Onu. En Suisse, une grève des étudiants aura lieu le 27 suivie, le lendemain, d’une manifestation nationale à Berne, aussi soutenue par Unia. Comme l’ont martelé les militants, il n’y a pas de planète B.
Zéro émissions nettes d’ici à 2035
De la parole aux actes. Parmi les actions concrètes, les grévistes ont annoncé le lancement d’une initiative citoyenne européenne appelée Actions pour l’urgence climatique. Ils devront, en une année, récolter au moins un million de signatures. Le projet poursuit plusieurs objectifs: il demande à l’Union européenne de réduire d’ici à 2030 80% de ses émissions de gaz à effet de serre pour atteindre, cinq ans plus tard, un bilan neutre. Le texte porte aussi sur l’introduction aux frontières d’une taxe carbone sur les importations. Les initiants veulent en outre que l’UE ne signe des traités commerciaux qu’avec les pays qui s’engagent sur la barre de 1,5 degré de réchauffement. Enfin, ils réclament la mise à disposition d’un matériel éducatif gratuit traitant de l’urgence de la question environnementale, de ses causes et de ses effets, assortie de solutions.