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Chantier de l’aéroport: les employés enfin de retour

Chantier de l'aéroport.
© Neil Labrador/archives

Le retour d’une partie des ouvriers dont l’entreprise avait été exclue du chantier du Tri Bagages de l’aéroport est une belle victoire syndicale pour Unia. Mais tout n’est pas réglé, et le syndicat restera vigilant face à la sous-traitance abusive.

Grâce à Unia, une partie des travailleurs ont pu être repris sur le chantier du Tri Bagages de l’aéroport de Genève. Une belle victoire, mais tout n’est pas réglé. Témoignages

Mario et George (prénoms d'emprunt) sont soulagés. Après deux mois d’attente interminable dans leur pays, respectivement en Italie et en Roumanie, ils ont enfin pu revenir à Genève à la mi-octobre et reprendre le travail sur le chantier du Tri Bagages à Cointrin.

Pour rappel, ces deux travailleurs, employés par Mitel International SA, étaient actifs sur le chantier depuis environ un an quand, en juillet dernier, un contrôle est effectué et que des violations graves de la Loi sur le travail et des Usages de la mécatronique sont constatées. Mitel, qui était une société sous-traitante des entreprises italiennes Leonardo et Fincantieri SA, est expulsée de l’aéroport sur-le-champ, et la quarantaine d’employés sont renvoyés chez eux, en Italie et en Roumanie, dans le flou le plus total.

Longues négociations

«Pendant plus de deux mois, nous avons négocié avec les autorités de l’aéroport et Leonardo pour que les travailleurs soient repris le plus rapidement possible, mais aussi pour que les salaires soient intégralement payés, explique Alejo Patiño, secrétaire syndical en charge du dossier chez Unia. Nous avons maintenu le contact avec les travailleurs, pour les informer et les guider.»

Finalement, à la mi-octobre, le syndicat obtient le retour de vingt ouvriers. «La solution la plus rapide a été de passer par PH facility SA, une boîte intérimaire, informe le syndicaliste. Ils y resteront trois mois, puis seront repris en fixe par une autre entité.»

Au total, à ce jour, 29 personnes ont réintégré le chantier: 10 Italiens et 19 Roumains. Cinq autres devraient bientôt arriver, tous nouveaux. «Après ce qu’ils ont vécu ici, une partie des travailleurs n’a pas voulu revenir», regrette Alejo Patiño.

Unia reste vigilant

Pour Unia, c’est une belle victoire syndicale, mais pas question de baisser la garde. «Notre travail va maintenant consister à vérifier la conformité des contrats avec les bases légales, à savoir le Contrat-type de travail de la mécatronique, poursuit Nuno Dias, en charge de la branche à Unia Genève. Il y a vingt catégories de salaires qui varient en fonction de l’expérience et de la formation. Nous referons cet exercice lorsque les employés passeront en contrat fixe.»

L’autre cheval de bataille sera de récupérer les salaires impayés à l’époque de Mitel. «Nous allons faire une requête pour les rétroactifs et nous demandons à Genève Aéroport qu’elle mette en place un fonds d’urgence pour indemniser les salariés», annonce Alejo Patiño, qui ajoute que les calculs – compliqués – n’ont pas été finalisés, mais que la somme des arriérés s’élève à plusieurs dizaines de milliers de francs.

Lutte contre la sous-traitance abusive

Enfin, sur le volet politique et syndical, Unia entend bien faire de la lutte contre la sous-traitance abusive et répétée une priorité. «Nous allons actionner les instances intersyndicales et les institutions tripartites afin d’empêcher que ces pratiques intolérables se reproduisent», souligne le responsable syndical. Et de conclure: «Si l’issue de ce dossier est positive, elle appelle à une réflexion. Cette situation existe certainement ailleurs à l’aéroport, et elle pose la question des contrôles. C’est la commission paritaire qui a décelé les abus de Mitel et, sans cet organe, l’OCIRT n’aurait jamais eu les forces de venir contrôler alors que c’est son travail. Pour nous, sur des chantiers comme celui-là, un contrôle devrait avoir lieu dans les trois mois, surtout quand il s’agit d’une entreprise qui n’a jamais mis les pieds à Genève!»

"Jamais nous n'aurions pensé vivre cela en Suisse"

«Avec Mitel, nous travaillions du lundi au samedi, jusqu’à 12 heures par jour et 240 heures par mois. C’est simple, nous étions toujours au travail! Le premier salaire est arrivé après trois mois de travail. Les vacances et les fériés n’étaient pas payés, sans parler des montants des salaires, qui n’étaient pas les mêmes sur la fiche de paie et sur le compte en banque.» Mario* et George*, à l’image de leurs collègues, étaient à bout de souffle. En avril dernier, la situation dégénère et ils demandent des explications à Mitel. «On nous répondait constamment que c’était de la faute de Leonardo ou de Fincantieri qui ne payaient pas, mais nous savions que c’était faux.»

En juillet, la sentence tombe. «Nous avons été renvoyés du jour au lendemain chez nous, sans aucune explication et sans aucune garantie. On ne savait pas quoi faire, on ne connaissait pas nos droits, on était perdus et frustrés. Nous avions l’image de la précision et de la rigueur suisses, et on a trouvé ici la fin du monde. Jamais nous n’aurions pensé vivre cela ici. Nous avions déjà travaillé pour Mitel en Italie et il n’y avait eu aucun problème.» S’ensuivent de longues semaines d’attente et d’espoir à la maison. «Mitel ne nous a jamais recontactés, notre seul lien était le syndicat qui a été d’un soutien total.»

Quand Mario* et George* apprennent qu’ils peuvent revenir à Genève, c’est le soulagement. D’autant que les choses ont changé du tout au tout. «Nous sommes avec une entreprise sérieuse qui respecte les droits des travailleurs, et nous sommes très contents. Aujourd’hui, nous devons obtenir une autorisation pour travailler le samedi, ce qui n’était pas le cas avant. Les salaires sont dignes et nous sommes logés dans une résidence dans laquelle chacun a sa chambre, c’est le jour et la nuit!»

Si les choses semblent se tasser, Mario* garde une amertume: «Genève Aéroport savait que nous étions dans ces conditions et personne n’a rien fait. En tant qu’entité publique, il est de sa responsabilité de s’assurer que les chantiers soient exemplaires sous son toit. Un tel chantier avec autant d’ouvriers qui travaillent, sans envoyer de contrôleurs: c’est juste incompréhensible. Aujourd’hui, il semblerait que les autorités fassent les choses bien. Pourvu que cela dure!»

* Prénoms d’emprunt.

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