Chaskis, MITC, des sociétés de paille?
MITC pour les chauffeurs, Chaskis pour les livreurs… Pourquoi donc Uber passe par des sous-traitants pour embaucher les travailleurs? «Uber ne veut pas créer un précédent mondial en employant directement les chauffeurs et les livreurs. Il y a une volonté de ne pas appliquer les décisions du Tribunal fédéral reconnaissant le statut de salarié», répond Roman Künzler. Le responsable de la branche transport et logistique à Unia juge «inacceptable» d’externaliser les contrats de travail. «Ce modèle ressemble aux chaînes de sous-traitance sur les chantiers. Quand il y a un problème, il n’y a plus personne. Ces entreprises font des millions, elles ne paient pas aux travailleurs ce qu’elles leur doivent sachant que c’est une minorité d’entre eux qui iront réclamer aux Prud’hommes. C’est du dumping, une façon de détourner la loi, elles le savent bien, leurs procédures n’ont d’autre but que de gagner du temps et de jouer à cache-cache avec les autorités.»
L’utilisation de sociétés partenaires n’est pas nouveau pour Uber. En 2016, Unia avait animé des grèves de chauffeurs dans de telles entreprises. Le concurrent direct d’Uber Eats, Smood, a aussi longtemps opéré avec un sous-traitant, Simple Pay. D’autres branches du secteur tertiaire sont coutumières de la pratique, comme la logistique, si on songe que DPD Suisse réalisait jusqu’il y a peu l’ensemble de la distribution au travers de sociétés externes.
Des documents internes à Chaskis, que Le Temps a pu consulter, mettent sérieusement en doute l’indépendance de ces sociétés au capital limité. «J’ai été l’un des hommes de paille: manipulé, patron de rien, payé au lance-pierres, à qui on fait porter le chapeau en lui faisant apprendre sa leçon pour qu’il serve des mensonges aux autorités et aux employés», écrit, dans un courrier, un directeur démissionnaire de Chaskis. Il ne fait guère de doute que la conduite opérationnelle de ces sociétés est totalement entre les mains des donneurs d’ordre.
L’action syndicale permet tout de même d’obtenir des résultats, comme le fait remarquer Roman Künzler: «Outre les décisions prises pour Uber et Uber Eats à Genève, il faut noter qu’il n'y a plus de travail sur appel chez Smood et que la grande majorité des chauffeurs DPD de Genève et de Lausanne ont désormais des contrats, ils ne sont plus salariés de sous-traitants. Tout cela ne serait jamais arrivé sans la mobilisation syndicale.» JB