Grogne sociale en France et en Europe
«Nous manifestons aujourd'hui à Paris contre la mise en place des coupes budgétaires et pour demander des investissements. Pour dénoncer les salaires trop faibles et les attaques contre les syndicats et les négociations collectives», a twitté Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), depuis le cœur de la manifestation qui a réuni quelque 20000 personnes à Paris vendredi dernier. Un rassemblement auquel ont participé des délégations syndicales de douze pays, dont la Suisse. Ce vendredi 13 octobre était une nouvelle journée de mobilisation en France, à l’appel des huit syndicats qui avaient tenu tête, unis, à Macron contre la réforme des retraites. Une réforme passée en force malgré le rejet de millions de salariés et de 90% de la population. Cette nouvelle journée d’action, tenue trois jours avant la conférence sociale sur les bas salaires convoquée par le gouvernement, portait comme revendications l’augmentation des salaires, du Smic, des pensions, l’égalité hommes-femmes et le refus de l’austérité budgétaire.
Dans tout le pays, 223 manifestations ont eu lieu, avec des grèves dans les transports, les écoles ou la fonction publique. Au total, près de 200000 personnes ont participé au mouvement. Soit bien moins que lors des journées d’action historiques s’étant succédées ce printemps contre la réforme des retraites. Mais la colère reste profonde dans un pays où le nombre de millionnaires explose alors qu’un tiers de la population dit ne plus manger trois repas par jour. Dans un pays où le système de santé, les services publics, l’Education nationale subissent de plein fouet les conséquences des politiques de coupures budgétaires et de redistribution aux plus riches.
Cette nouvelle journée de mobilisation, à laquelle des représentants d’Unia, de l’USS et des syndicats d’autres pays ont pris part, s’inscrivait dans un automne syndical et salarial revendicatif lancé par la CES lors de son dernier congrès. Avec pour objectif que les salariés du continent descendent dans la rue pour définir «un nouveau modèle économique et social qui place les travailleurs au premier plan». Depuis juillet, des manifestations et des actions se sont déroulées dans nombre de pays, notamment à Saint-Marin, en Pologne, au Monténégro, en Grèce, en Finlande, en Autriche, en Italie, en Irlande ou encore en Suisse, le 16 septembre dernier. Des mobilisations portant sur la vie chère ou les coupes budgétaires.
Lors de la manifestation parisienne, Esther Lynch a rappelé les dégâts de cette austérité sur les conditions de vie des salariés et des retraités en Europe. «Une douloureuse expérience nous a déjà enseigné qu’austérité veut dire moins d’emplois, des salaires plus bas et des services publics sous-financés. Les gens ne peuvent tout simplement pas endurer un nouveau cycle de restrictions», a-t-elle déclaré, ajoutant qu’après la pandémie et la forte inflation, de nombreuses personnes ont vu leur épargne réduite à néant. Or l’Union européenne s’apprête à faire entrer en force de nouveaux plans d’austérité dans quatorze Etats membres. D’où l’alerte de la CES face à cette «austérité 2.0» et la pétition européenne lancée en ligne. Au total, si rien ne change, 45 milliards d’euros devront être économisés en 2024 dans ces Etats. Un programme qui toucherait par exemple la France, avec des économies de 13,2 milliards d’euros, ce qui représente, selon la CES, les salaires de 371888 infirmières ou de 492327 enseignants, ou l’Italie, avec des coupes à hauteur de 9,5 milliards, soit l’équivalent de 326652 infirmières ou de 392878 enseignants, dans des pays qui en manquent déjà cruellement…
La Suisse ne sera pas en reste en matière d’austérité budgétaire, tant au niveau fédéral que cantonal. Des coupes ou des refus d’indexer les salaires sont déjà annoncés. Mais les syndicats veillent au grain et, comme en Europe, comptent bien relancer la résistance et la lutte.