35 chauffagistes genevois victimes d’une faillite suspecte
Alors qu’elle ne manquait pas de contrats, une société active dans le chauffage et la ventilation met la clé sous la porte, laissant ses employés sur le carreau.
«Nous avions du boulot par-dessus la tête, mais les gérants de notre entreprise ont confondu chiffre d’affaires et bénéfices; ils se sont gavés et nous nous sommes retrouvés sans liquidités.» Ventiliste genevois d’une cinquantaine d’années, Nicolas (prénom d’emprunt) en a gros sur la patate. Sa société de chauffage et de ventilation a mis les clés sous la porte, laissant ses 35 employés sur le carreau.
«A la fin, poursuit le professionnel de la ventilation, nous n’avions même plus de trésorerie pour acheter le matériel; nous avons été nombreux à faire des avances, car nous étions bloqués chez les fournisseurs. Avec les deux mois de congé, le 13e salaire et les congés impayés, je risque de perdre 15000 à 20000 francs. J’ai des collègues qui n’ont pas de quoi manger, certains sont sous médicaments, alors qu’un autre est retombé dans l’alcool. Le plus injuste, c’est que les responsables vont continuer à s’en mettre plein les poches.»
Des directeurs auraient récupéré et transféré les actifs de la société dans deux autres entreprises. «Ils ont dépouillé les bureaux et pris du matériel. Nous avions surtout plus de 600 contrats d’entretien de chaudières avec des régies. Je ne comprends pas comment de telles pratiques sont possibles dans notre pays.»
«De notre côté, nous ne savons pas à qui nous adresser, on n’a aucun papier, je n’ai même pas mon certificat de salaire de juillet. Heureusement qu’il y a Unia pour nous orienter. Nous avons trois collègues proches de la retraite qui vont avoir de la peine à retrouver un emploi. L’un est à deux ans de la retraite, s’il ne trouve pas du travail rapidement, il risque de perdre son droit à la préretraite à 62 ans.»
Les politiques doivent agir
La société de chauffage et ventilation a été reprise par une fiduciaire spécialisée dans les liquidations d’entreprises. «L’objectif est de réduire les responsabilités des gérants et des propriétaires, la liquidation n’est pas effectuée en faveur des travailleurs. C’est une pratique qui n’est pas isolée et que l’on retrouve de plus en plus dans le secteur du bâtiment», note Joan Gesti Franquesa, secrétaire syndical d’Unia Genève.
Les dirigeants s’épargnent une procédure de consultation pour licenciement collectif et évitent de s’acquitter de leurs dettes. Outre les salariés lésés, l’entreprise laisse une ardoise auprès des assurances sociales. 59000 francs d’arriérés sont déjà inscrits aux poursuites. Les victimes se comptent aussi parmi les sous-traitants qu’employait la société promise à la liquidation.
«Nous sommes régulièrement confrontés à ces méthodes, souligne José Sebastiao, le responsable du secteur bâtiment d’Unia Genève. Nous avions présenté il y a quelques mois quatorze propositions pour lutter contre les patrons fraudeurs. Il y a un moment où les politiques doivent prendre leurs responsabilités et agir.»