Ouvriers du luxe dans la misère
Une délégation de travailleurs d’un sous-traitant italien de Montblanc est venue à Genève dénoncer la sous-enchère dont ils sont victimes.
Ils sont venus de loin pour dire leur désarroi. Ils, ce sont des ouvriers de deux entreprises sous-traitantes de la marque de luxe Montblanc, qui appartient au groupe Richemont.
En Italie, dans les faubourgs de Florence, ces travailleurs Pakistanais, Indiens ou Sri lankais ont, pour la plupart, œuvré à la manufacture de «sacs vendus ensuite plus de 1000 francs dans les boutiques», affirme Luca Toscano, du syndicat Sudd Cobas. «La marque vend le made in Italy comme une garantie d’éthique et de responsabilité sociale, mais c’est une fausse image», dénonce le syndicaliste italien.
Le 11 septembre, prenant la parole durant une manifestation organisée avec les syndicats genevois devant la boutique de Montblanc, il a détaillé «des journées allant jusqu’à 12 heures, des semaines de 6, voire 7 jours de travail, pour un salaire de 900 euros par mois».
Ces conditions, les ouvriers ont réussi à les améliorer en février 2023 en se syndiquant, a-t-il poursuivi. Un bien pour un mal, puisque dans la foulée «Montblanc a décidé de ne plus travailler avec ces sous-traitants. Les usines ont fermé définitivement en décembre et les ouvriers ont perdu leur emploi.»
«Shame in Italy»
«Montblanc a simplement expliqué travailler désormais avec une autre entreprise, dans la région, cahier des charges oblige, mais assurément avec de mauvaises conditions de travail. On déplace la production là où il y a de nouveaux esclaves à exploiter.»
Pour le syndicaliste, c’est d’autant plus scandaleux que le coût des avancées sociales obtenues dans l’usine fermée s’élève à «40% du prix de fabrication, soit 30 euros pour un sac qui sera vendu plus de 1000 en magasin». Il assure que les employés sont aujourd’hui dans une impasse. Trouver un nouveau travail, c’est accepter un retour en arrière en termes d’acquis sociaux. «La globalisation, ce n’est pas uniquement des usines en Asie du Sud-Est, ce sont aussi des ouvriers immigrés en Italie.»
Une quinzaine des septante personnes licenciées ont fait le déplacement à Genève pour protester devant le siège de Richemont et pour alerter les actionnaires à l’occasion de l’assemblée générale.
Leur slogan? «Shame in Italy» (honte en Italie), plutôt que «Made in Italy». Le syndicaliste assure que depuis la dénonciation du cas en mars, Richemont n’a pas démenti les accusations portées par le syndicat. «Nous voulons aller au tribunal pour pouvoir démontrer que ce que nous affirmons est vrai!»
Contacté, le groupe Richemont n’a pas répondu à notre sollicitation dans le délai imparti.