Fin octobre, le journal 20 minutes racontait l’histoire de Maria (prénom d’emprunt), harcelée par son ancien compagnon, qui s’était réfugiée, terrifiée, au poste de police de Cornavin, à Genève. Elle pensait y trouver protection, elle a en fait passé la nuit dans une cellule. Le tort de cette femme colombienne d’une cinquantaine d’années? Ne pas avoir de papiers. En effet, elle travaille et vit à Genève depuis plus de deux ans, mais dans l’irrégularité. Malgré sa situation, elle avait eu le courage d’affronter les forces de l’ordre pour dénoncer son agresseur, mais c’est elle qui a fini derrière les barreaux pour séjour illégal sur le territoire suisse. Ni une ni deux, des militantes féministes se sont regroupées devant le poste pour exiger la libération de Maria. Celle-ci a pu en ressortir le matin, sans poursuite pénale, car elle s’est engagée à quitter le pays avant la fin de l’année. Est-ce que sa plainte a au moins été prise en compte? Est-ce que l’ex-conjoint harceleur sera inquiété? Il y a fort à parier que non!
On connaît déjà la montagne que cela représente pour une femme victime de violences conjugales d’oser dénoncer son bourreau. Car elle sait qu’elle ne sera pas prise au sérieux, car elle sait que la justice ne sera pas à la hauteur, car elle sait que sa plainte n’aboutira sûrement pas, car elle sait qu’elle ne sera pas plus protégée. En parallèle, on connaît les difficultés d’accès à la justice pour les personnes migrantes, et d’autant plus celles sans papiers. Pour Maria, femme, migrante et sans papiers, c’est la triple peine, et il semble très clair que son statut illégal a primé sur son besoin de protection. Dans les colonnes du Courrier, son avocate Me Laïla Batou confie avoir récemment traité trois affaires de violences subies par des femmes sans papiers ou disposant de statuts très précaires, avec à chaque fois en commun le non-enregistrement de la plainte de la victime. Par contre, la procédure de dénonciation pour séjour illégal a systématiquement été enclenchée… «Leur statut de sans-papiers, mal insérées et pas protégées par la police en fait des proies faciles.»
Ailleurs en Europe, des dispositifs existent afin que les personnes migrantes victimes de violences puissent les signaler en toute sécurité, sans que la question de leur statut soit abordée. Rien de tout cela n’a cours en Suisse. Pas de quoi rassurer les victimes et les encourager à parler. Rappelons qu’en 2023, sur les 53 homicides recensés en Suisse, 25 étaient des femmes, toutes mortes sous les coups de leur (ex-)conjoint. Lutter contre les violences basées sur le genre doit enfin devenir une priorité dans l’agenda politique. C’est pourquoi il est capital de participer massivement à la manifestation du 23 novembre à Berne, et à la campagne d’actions qui suit (lire cet article).