Cesar, électricien de 28 ans, appelle les jeunes à s’engager pour maintenir leurs droits et défendre leurs intérêts.
Adolescent, Cesar était très sociable. Et puis, il y a eu l’apprentissage d’électricien. «A force d’être dénigré par mon patron, je n’étais plus moi, ça m’a brisé.» A l’époque, il se dit que c’est un mauvais moment à passer, qu’il faut serrer les dents. «On normalise la souffrance au travail, dès l’apprentissage, alors qu’il n’y a rien de normal à effectuer des taches dégradantes, à être épuisé ou à être harcelé», souligne ce jeune de 28 ans, attablé au Grand Café à Genève, un établissement géré par son beau-père. «Un jour j’ai quitté le chantier à 20h, et j’ai pensé que le patron serait fier de moi. En fait, il m’a humilié et a refusé de me payer les heures supplémentaires. Là, j’ai compris qu’il fallait que je m’impose.»
Son CFC en poche, ce Bolivien d’origine passe un peu pour le «casse-pieds de service». «En réalité, je ne faisais que revendiquer mes droits et me faire le porte-parole des autres!» Il s’est notamment battu pour l’accès à des toilettes sur un chantier. «Marcher 15 minutes pour se rendre aux WC publics, je n’ai jamais trouvé ça normal. Après six mois de combat avec les architectes et l’intervention de l’Inspection du travail que j’ai sollicitée, on a eu nos WC. Ce matin-là, les travailleurs de tous les corps de métier m’ont remercié. Ce qui me nourrit, c’est la reconnaissance de mes collègues.» Il y a trois ans, il se syndique chez Unia, grâce à un échafaudeur, lui aussi adhérent. «Il est passé sur le chantier pour nous en parler et j’ai foncé.» L’électricien, qui a toujours eu la fibre syndicale, y trouve une béquille dans ce «monde de requins» et «hypermachiste» qu’est le secteur du bâtiment. «Unia m’a beaucoup aidé et rassuré: je n’étais plus seul à me battre contre les patrons et l’abus de pouvoir. Etre syndiqué m’a donné des armes pour savoir encore mieux quoi faire. Je me sens accompagné.» Cesar reste discret, car il sait que les personnes syndiquées sont souvent mal vues par les supérieurs, mais quand il repère des injustices, il vient en aide aux autres travailleurs et fait le lien avec Unia. Un délégué syndical en somme, sans le titre officiel.
Employé par une grosse entreprise de la place, il est actuellement dans une situation délicate. «J’ai revendiqué le paiement de mes paniers-repas au technicien, car j’y ai droit, et il refuse. Ce dernier a profité que je sois en arrêt à la suite d’un accident du travail il y a deux mois pour me licencier. J’ai contesté: c’est de l’abus de pouvoir pur et dur.» Le cas est encore pendant.
Cesar a voulu aller plus loin dans son engagement syndical, en entrant dans le Groupe d’intérêts jeunesse d’Unia. Il y a quelques mois, il rencontre une cinquantaine de jeunes militants comme lui. «C’était très inspirant et motivant. A Genève, on a un peu de mal à recruter, comme si les jeunes ne se sentaient pas concernés. J’ai beaucoup d’amis qui pensent que ça ne sert à rien et qui ne veulent pas donner de leur temps et de leur énergie. C’est dommage, car si nous étions plus nombreux à nous mobiliser, les choses bougeraient bien plus vite!» Son thème de prédilection? Le mobbing et le harcèlement chez les apprentis. «Beaucoup souffrent, et je refuse qu’ils continuent à vivre ce que j’ai vécu.» Avec Lana, une jeune militante Unia du Jura, ils sont en train d’organiser plusieurs actions et événements autour de cette lutte.
Cesar est déterminé à faire de son engagement syndical un mode de vie. «J’ai envie que les autres jeunes prennent conscience que le combat en vaut la peine, qu’ensemble, on peut toujours arriver à nos fins et améliorer nos conditions de vie et de travail. Peu de jeunes savent ce qu’est un syndicat… mais tous savent ce qu’est un patron. Unia doit s’adresser directement à eux, notamment via les réseaux sociaux, tout en restant prudent et conscient des dangers d’addiction qu’ils représentent. Je sais que les jeunes d’aujourd’hui ont peu d’espoir, de par la conjoncture actuelle et le scepticisme ambiant, mais il faut rester optimiste.»