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Au défi du temps

Génial inventeur Marcel Bétrisey fabrique d'extraordinaires horloges et lecteurs CD

Génial inventeur, Marcel Bétrisey fabrique d'extraordinaires horloges et lecteurs CD. Par défi. Et avec l'idée de la durabilité. Poétiques mécaniques...

Ni artiste. Ni génie. Bien qu'il en ait l'étoffe, Marcel Bétrisey préfère se définir comme «un homme qui n'a pas de frein à main dans sa tête». Une métaphore comique mais indubitable doublée de la certitude de rencontrer, dès les premiers instants, une personne hors normes, sympathique et vraie, aux multiples talents. Un inventeur atypique, à l'imagination débridée, qui explique avoir tout appris ou presque sur le tas. A force de patience et d'entêtement. Aiguillonné par une insatiable curiosité. Et détestant l'idée de ces objets qui ne durent pas. Du tout jetable. Un autodidacte rêveur, un rien sauvage, préférant la solitude de son atelier à la promotion de ses incroyables œuvres, admirées bien au-delà de nos frontières. Cet homme-là - qui raconte au passage avoir, jeune, voyagé durant plus de trois ans aux quatre coins de la planète, visitant 66 pays, avec pour seul bagage le strict nécessaire dont quelques outils pour gagner sa vie, et l'idée que c'était mieux ailleurs - est entré dans l'existence par une petite porte.

Revanche sur le passé
Mauvais élève d'abord. «J'ai été renvoyé de l'école la deuxième année du cycle d'orientation, avec notamment un 2 en mathématiques sur 6», sourit Marcel Bétrisey, 55 ans, qui évoque aussi en filigrane des démêlés avec la police, des périodes difficiles, où il a souffert plus souvent qu'à son tour. Pudeur. Retenue dans les émotions... Un passé sur lequel le Valaisan bourlingueur a toutefois largement pris sa revanche, affirmant aujourd'hui être un homme «heureux», «comblé», et bénéficiant d'une reconnaissance internationale grâce à ses ingénieuses créations. Des horloges à billes, pneumatiques, électromagnétiques, des pendules de Foucault, d'autres radiométriques, des montres en acier damas... Toute une gamme d'objets extraordinaires propres à mesurer le temps réalisés par cet horloger improvisé qui n'a jamais suivi de formation dans le domaine. Et qui, modeste, souligne la simplicité des mécanismes découverts alors que des musées comme celui de l'horlogerie de La Chaux-de-Fonds ou le parc de la Villette à Paris ont exposé ses étranges machines; qu'il retient régulièrement l'attention de chercheurs et de médias d'ici et d'ailleurs, qu'il a reçu le premier prix d'un concours américain d'œuvres cinétiques... Sans oublier les 100000 personnes qui visitent chaque année son site internet.

Stimuler ses neurones
«Tout est simple. Il s'agit seulement de résoudre des petits problèmes. De se procurer l'outillage en conséquence. Et d'avoir du temps. Il n'y a pas de génie là-dedans», insiste pourtant Marcel Bétrisey qui s'est lancé dans cette aventure dans les années 90. A l'origine de ses premières inventions: un tournant difficile sur son parcours professionnel. Licencié d'une entreprise de télécommunication, le jeune homme d'alors, au bénéfice d'un CFC d'électricien - un métier choisi «par mégarde, parce qu'il fallait faire quelque chose» - ouvre à Sion un atelier de réparation. Il découvre les défauts des appareils auxquels il redonne vie et décide, en marge de son gagne-pain, de créer des objets qui dureraient. «J'ai fabriqué ma première pendule pour stimuler mes neurones. Une œuvre chaotique qui a entraîné la création de nouvelles. J'apprends en me trompant», déclare l'inventeur comptant aussi à son actif une palette d'appareils audio insolites. Comme une ancienne machine à coudre dont l'aiguille lit un CD, un vieux tourne-disque, remplissant la même fonction, un hublot transformé lui aussi à cet usage... Ou encore une série d'articles aussi inutiles que drôles: un «Paix des ménages», muni d'un rayon laser délimitant l'espace de chaque époux dans le lit conjugal, un «Portable valaisan», doté d'un tire-bouchon... Des objets que Marcel Bétrisey se plaît à réaliser entre deux créations personnelles d'envergure ou quand il ne s'attelle pas à la fabrication de prototypes pour des clients, nombreux - certains patientent depuis quatre ans. Une de ses dernières commandes: un oscilloscope fonctionnant à l'eau et au gré des touches d'un orgue. Une mécanique de plus, mariant technique et poésie...

Eloge de l'humanité
Mais d'où lui vient son inspiration? «D'anecdotes, de bribes de phrases qui traversent mon esprit. Je pense par exemple "une bille par heure"... "Lumière pendule"... Et c'est le déclic. Je cherche alors à concrétiser ces pensées, à les illustrer et plus rien ne peut m'arrêter», explique Marcel Bétrisey qui fourmille d'idées et se met au défi de les matérialiser. «C'est faire qui me passionne. Trouver des solutions. Et simplifier les choses au maximum. L'objet terminé, je m'en désintéresse», poursuit le bricoleur qui, entré dans son atelier, peine à en sortir. Heureusement, la famille, aujourd'hui, tempère son ardeur créative quasi obsessionnelle... «Ma femme et mes enfants m'ont sauvé», note cet époux et père de deux garçons de 6 et 11 ans, qui affirme en rigolant avoir frôlé l'autisme. Mais qui n'a rien perdu de son souci de perfection. Ni de son énervement devant le monde «mauvais» du jetable, lui qui entend bien défier le temps avec ses œuvres. Et qui ne croit qu'aux «choses vraies», à la sincérité d'une démarche allant, puriste, jusqu'à réparer un appareil en panne quitte, s'il n'en a vraiment plus l'usage, à le jeter après. «La raison? Je veux comprendre pourquoi il ne fonctionne plus. Entrer dans le cerveau de celui qui l'a fabriqué. C'est une question de respect pour ce dernier. Un éloge de l'humanité.»

Sonya Mermoud


Pour plus d'informations: www.betrisey.ch