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Caution obligatoire pour combattre la sous-enchère

Les partenaires sociaux de la plâtrerie-peinture romande ont instauré un système de caution

La plâtrerie-peinture subit de plein fouet la concurrence déloyale d'entreprises détachant des travailleurs dans notre pays mais aussi d'employeurs suisses peu scrupuleux utilisant des employés au noir ou pratiquant les faillites à répétition. Syndicats et patrons de la branche ont mis en place un système de caution, pionnier en Suisse romande.

La plâtrerie-peinture est une branche à risque. Comme l'ont montré de nombreux cas d'abus, la concurrence déloyale et la sous-enchère y sévissent, que ce soit en raison de la libre circulation et du détachement de travailleurs ou d'employeurs suisses peu scrupuleux, recourant au travail au noir ou à la faillite pour solder leurs dettes. Pour combattre les fraudes, les partenaires sociaux romands de la plâtrerie-peinture se sont dotés d'un nouvel outil entré en force ce 1er janvier 2014. Il s'agit du dépôt obligatoire d'une caution de 5000 ou 10000 francs par toute entreprise suisse ou étrangère souhaitant travailler dans un canton romand.
«Cette caution est un nouvel instrument permettant d'accompagner la libre circulation des personnes au moment où le peuple suisse est appelé à voter sur la question. Nous voulons montrer que les partenaires sociaux du second œuvre romand s'engagent depuis toujours pour contrôler le marché du travail», a lancé Aldo Ferrari, membre du comité directeur d'Unia, le 14 janvier dernier à Renens, lors de la présentation à la presse de ce système, rendu obligatoire par le Seco. Le syndicaliste a rappelé que le second œuvre était la branche subissant le plus fortement la pression de la libre circulation. «Cette pression s'explique par la particularité de la profession. Il n'est pas nécessaire de venir avec des machines ou des grues! Mais il est important de souligner que la caution s'applique aussi aux entreprises suisses. Elle permettra de sanctionner les tricheurs et constitue un élément supplémentaire à la responsabilité solidaire.»
Pour Tibor Menyhart, secrétaire central de Syna, la caution est un pas efficace dans le renforcement des mesures d'accompagnement, même si les syndicats ont d'autres exigences, comme la possibilité de fermer un chantier en cas d'abus ou l'assouplissement par le Seco des conditions d'extension des CCT.

Egalité dans la concurrence
Directeur de la Fédération romande des entreprises de plâtrerie-peinture (FREPP), Marcel Delasoie a expliqué les raisons de l'adhésion des patrons à cette nouvelle contrainte administrative: «Il est essentiel que les membres de notre fédération puissent disposer de conditions de concurrence loyales. Dans le second œuvre, les mandats sont toujours assez courts, d'une semaine à un mois, ce qui laisse peu de temps pour imposer une sanction en cas d'infraction, les entreprises étant déjà rentrées chez elles. C'est là qu'entre en jeu la caution. Il fallait s'assurer que les amendes puissent être encaissées.»
Dans le canton Vaud par exemple, 1% seulement des amendes ont été payées, et 5 à 10% en Suisse, a concédé Aldo Ferrari, alors que le taux d'infraction lors de contrôles dans le second œuvre était de 42% en 2012. Cette même année, sur les 200000 travailleurs détachés venus pour des missions de 4 à 6 semaines, 42% étaient actifs dans ce secteur.

Gangrène dans la branche
La caution est «un des garants permettant de lutter activement contre certaines entreprises qui gangrènent notre métier», a ajouté Daniel Posse, président du conseil d'administration de Posse Peinture. Et d'appeler à davantage de moyens juridiques et financiers pour lutter contre cette gangrène. Le nouveau patron de la société, Patrick Pulver, a souligné qu'il était difficile de lutter à armes égales contre ces entreprises alors qu'une société comme Posse Peinture, occupant 100 employés fixes et 15 apprentis, investit dans la sécurité et la formation, des facteurs indispensables à la qualité du travail.
Si la plâtrerie-peinture fait œuvre de pionnier en Suisse romande avec cette caution (jusque-là quelques cantons comme le Jura ou Fribourg appliquant des CCT alémaniques connaissent ce système), d'autres métiers de la CCT du second œuvre romand pourraient s'y rallier par la suite. Quant à la pérennité de la caution, alors que l'Union européenne demande à la Suisse d'abroger certaines mesures d'accompagnement comme la règle des 8 jours, tant Aldo Ferrari que Marcel Delasoie sont confiants. «La caution a encore de beaux jours devant elle, chaque pays ayant ses particularités», a répondu Marcel Delasoie, rappelant que les procédures pour les entreprises suisses voulant travailler en France sont beaucoup plus contraignantes.

Sylviane Herranz

 

La caution en pratique
La caution s'applique aux 2000 sociétés romandes de la plâtrerie-peinture (occupant 7000 salariés) et à toutes les entreprises étrangères voulant travailler en Suisse romande. Son montant est de 5000 francs pour des travaux d'une valeur de 2000 à 20000 francs et de 10000 francs pour des travaux de plus de 20000 francs. Les travaux inférieurs à 2000 francs sont exonérés.

«La caution peut être payée en espèces sur un compte ou déposée sous forme de garantie bancaire ou d'un assureur. Pour les 1500 membres de la FREPP, une assurance a été mise en place», a expliqué Daniel Bornoz, secrétaire de la Commission paritaire du second œuvre romand. L'encaissement de la caution a été confié à la Centrale suisse d'administration des cautions (ZKVS) qui s'occupe déjà de la majeure partie des cautions existant ailleurs en Suisse*, comme les toitures et façades, les branches techniques, la métallurgie du bâtiment, l'isolation ou le carrelage.
SH

* Un tableau des cautions en Suisse est disponible sur le site www.zkvs.ch


La caution, une solution pour les travailleurs impayés?
En cas d'infraction à la CCT et de non-paiement de l'amende ou des contributions aux frais d'exécution et de formation de la convention, la Commission paritaire du second œuvre romand pourra récupérer les montants dus en faisant libérer l'entier ou une partie de la caution.
Cette dernière ne permettra en revanche pas de récupérer des salaires non perçus par les travailleurs, qui s'élèvent parfois à des dizaines, voire des centaines de milliers de francs. «Le droit suisse ne permet pas à la commission paritaire d'intervenir pour saisir les impayés. Pour cela, il faut agir au niveau de la responsabilité solidaire. Si un sous-traitant ne s'acquitte pas de ce qu'il doit, il est possible de se retourner contre l'adjudicateur», explique Aldo Ferrari.
SH