De la lumière et des courants d'air
Passionné de théâtre, de littérature et de rencontres, Georges-Henri Dépraz mène une retraite active
Episode douloureux
Professionnellement, cet ingénieur formé au Locle, section mécanique, débute sa carrière dans l'entreprise familiale de pierres fines destinées à l'horlogerie. Au préalable, le jeune diplômé se marie et part étudier l'allemand et l'anglais. Durant son séjour linguistique, il travaille notamment pour Ford et Rolls-Royce, désireux de se frotter à de grandes sociétés. Quelques années plus tard après son retour, le département mécanique dont il a pris la tête est séparé de l'usine de pierres et, crise oblige, se diversifie dans la fabrication de machines à coudre. Une activité intéressante pendant près de vingt ans avant de disparaître sous l'effet de la concurrence asiatique imbattable... Georges-Henri Dépraz cherche alors des partenaires pour reconvertir son entreprise de mécanique conventionnelle en passant aux commandes numériques. Le succès dure quelques années, mais en 1986, sa boîte ferme. 25 personnes se retrouvent au chômage. «Un épisode douloureux pour tous. Heureusement, à cette époque, les places de travail ne manquaient pas», raconte Georges-Henri Dépraz qui prendra alors contact avec le syndicat pour trouver les meilleures solutions. «Je me demandais en revanche qui voudrait employer un patron... Mais au final, ça s'est bien passé.» Engagé par une société spécialisée dans la fabrication de connecteurs, le nouveau salarié œuvre deux ans comme responsable de vente. Avant un nouveau coup de théâtre.
Multiples fenêtres
«J'ai alors pensé qu'un virage professionnel serait bienvenu», confie Georges-Henri Dépraz qui, à 47 ans, va désormais cumuler les mandats de directeur de l'Office du tourisme de la Vallée de Joux et d'administrateur du Petit théâtre de Lausanne. Erreur de tir. L'ingénieur ne trouve pas ses marques. Et finit par tomber en dépression. Avant de se démener pour retrouver un job. «Pas facile à 50 ans. J'ai écrit des centaines de lettres de postulation.» La chance finit par tourner. Georges-Henri Dépraz est nommé directeur d'une succursale alémanique de production de matériel publicitaire à Genève. Un poste «formidable» qu'il gardera jusqu'à la retraite. «Ma carrière n'a pas épousé une ligne droite. Non sans avantages. Différentes fenêtres se sont ouvertes avec de la lumière venue de partout, des courants d'air dans la tête, des remises en question... Un bel enrichissement», lance l'ingénieur qui n'a jamais misé que sur le travail pour s'épanouir. Ancien président du comité d'organisation des concours de ski au Brassus, l'homme est aussi membre fondateur de la compagnie de théâtre amateur du Clédar*, créée en 1986. «Un coup de folie partagé avec quelques copains... J'ai débuté comme comédien à l'âge de 45 ans.»
Ici et maintenant
A l'aise dans tous types de rôles, Georges-Henri Dépraz raconte l'adrénaline avant la levée de rideau, le plaisir ressenti quand il parvient à émouvoir ou faire rire son public, l'amitié, la solidarité et le respect qui lie la troupe... Il apprécie aussi l'ouverture que lui apporte cette passion l'amenant à se plonger dans différents mondes, à se documenter... Membre du comité du Clédar, l'artiste se charge par ailleurs de la recherche de fonds et de la promotion des spectacles. Une dernière tâche qu'il remplit également depuis trois ans pour les Editions Campiche**, par le biais de différentes actions dont des fêtes du livre en présence d'auteurs, avec des séances de dédicaces et lectures à la clef. Encore une casquette supplémentaire portée par cet homme qui apprécie non seulement les romans et la poésie mais aussi les rencontres avec les écrivains. Alors qu'il offre également de son temps aux services sociaux de la ville, œuvrant comme chauffeur bénévole. «Je ne m'embête pas une minute» sourit-il. On veut bien le croire, Georges-Henri Dépraz ayant fait de «l'agir» son credo dans la vie. «Un espoir? Que les activités théâtrales et celles liées aux éditions perdurent. Que mes contributions servent à quelque chose», relève le retraité qui confie son scepticisme quant à une autre vie possible après la mort. «Ce qui se passe après? Mystère. Mieux vaut prendre ce qu'il y a de bien aujourd'hui, ici et maintenant. Mais si j'ai des infos, je les ferai suivre par carte postale...»
Sonya Mermoud
* La compagnie du Clédar présentera, du 14 août au 7 septembre prochain, au café-théâtre de la Crevette verte, au Brassus, La Dame de chez Maxim, de Georges Feydeau. Informations et réservations: www.cledar.ch
** Les Editions Campiche sont hôtes d'honneur de la Fête du livre de Gruyères les 6 et 7 juillet prochains.