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En grève pour le 13ème salaire

Les ouvriers du storiste Bertusi & Strehl SA à Lausanne ont engagé un bras de fer avec leur patron

Les 11 ouvriers et apprentis de l'entreprise d'installation de stores lausannoise resteront vigilants. Un premier accord a été obtenu oralement avec la direction à la suite de leur grève du 8 novembre. Ils revendiquent un 13e salaire, une 5e semaine de vacances dès 50 ans, des locaux adaptés et la réintégration de leurs deux collègues licenciés.

«On ne va pas lâcher. S'il ne nous donne pas le 13e salaire, nos enfants n'auront pas de cadeau à Noël. Il y a aussi des factures en fin d'année, on va les payer comment? C'est ça notre revendication!» Jeudi dernier, onze ouvriers, dont deux apprentis, se sont rassemblés devant l'entreprise Bertusi & Strehl SA à Lausanne. «En grève», affiche une banderole suspendue sur une barrière proche de la cour donnant sur les camionnettes et l'atelier d'où partent, tous les matins et après-midi, ces travailleurs pour aller installer stores et autres protections de fenêtres. «Nous demandons aussi une 5e semaine de vacances dès 50 ans, la mise en ordre de l'atelier, le retrait des avertissements et la réintégration de nos collègues licenciés», poursuit un des ouvriers, relayant les exigences de tous.
Ils sont là depuis 7 heures du matin. Après l'arrivée furieuse du contremaître arrachant une des banderoles et brisant des drapeaux d'Unia, les travailleurs et des syndicalistes ont pu discuter longuement avec le patron. Mais en milieu de matinée, le mouvement se poursuivait, toutes les revendications n'étant pas satisfaites.

Débrayage spontané
A l'origine du conflit, un courrier annonçant que la gratification donnée habituellement ne serait pas versée cette fin d'année. «Nous avons reçu cette lettre le vendredi 28 septembre. Le lundi 1er octobre, nous avons arrêté de travailler pendant deux heures et écrit au patron pour lui exposer nos exigences», explique un travailleur. A la suite de ce premier débrayage, les ouvriers de l'entreprise - également établie à Genève où les travailleurs ont droit au 13e salaire et à la 5e semaine de vacances - s'étaient accordés avec le directeur pour trouver une solution dans la semaine. Or pour toute réponse, ils ont reçu un avertissement avec menace de licenciement en cas de nouvel arrêt de travail, puis un avenant à leur contrat dans lequel figuraient le 13e salaire et la 5e semaine de congé, le tout assorti d'une liste d'amendes de 50 à 500 francs en cas par exemple d'informations manquantes sur les bons de travail, d'erreur de prise de mesures, de plainte d'un client ou d'usage dangereux du véhicule. Un point sur lequel les ouvriers ont aussi de nombreuses critiques car il arrive fréquemment que les camionnettes soient en surcharge ou que le matériel transporté sur le toit dépasse les mesures réglementaires...
«Cet avenant était un chantage inadmissible! C'est après cela que nous avons contacté Unia», lance un ouvrier. «On ne nous considère pas ici, on n'a pas de valeur», ajoute un autre. «Le patron affirme qu'il y aurait des pertes, mais durant les années où il a fait du bénéfice, il ne nous a rien donné non plus», relève un collègue. «Il oublie que sans nous, il ne peut rien faire!»

Licenciement antisyndical
Unia, mandaté par les travailleurs, a rencontré la direction le 24 octobre. Quelques jours plus tard, cette dernière licenciait l'un des salariés syndiqués et un autre ouvrier, de longue date dans l'entreprise. «Il nous a plusieurs fois dit que pour nous payer le 13e, il devrait licencier des gens», confie un gréviste qui indique aussi que le motif évoqué, soit une baisse de travail saisonnière, n'est pas correct: «Nous avons toujours du travail, même en hiver. Nous n'arrêtons jamais!» «S'il nous a congédiés, c'est pour faire peur aux autres», ajoute l'un des licenciés.
Le 5 novembre, la direction a répondu par courrier aux exigences des ouvriers: en raison de problèmes de trésorerie, l'entreprise ne peut accéder à leurs demandes, celles-ci ne seront étudiées qu'après deux exercices positifs... Soit pas avant deux ans! En colère, les ouvriers ont décidé de se remettre en grève.

Solution en vue
Un débrayage qui aura permis de débloquer la situation. «Si les licenciements sont motivés par des problèmes économiques, il est possible de recourir au chômage partiel. Les travailleurs sont d'accord de faire un petit sacrifice pour que leurs deux collègues soient réintégrés», relève Jean Kunz, secrétaire régional d'Unia, avant de téléphoner au directeur. «Même s'il n'a pas encore retiré les licenciements, le directeur accepte, sous réserve de la consultation de son avocat, d'engager des démarches pour des réductions d'horaire de travail. Il accepte aussi de retirer les avertissements, de mettre rapidement en ordre les locaux et enfin de se soumettre à l'examen de la commission paritaire de la CCT Metal-Vaud, qui accorde le 13e salaire et des vacances supplémentaires», explique le syndicaliste aux ouvriers attentifs.
Forts de ces engagements, les travailleurs acceptent, en fin de matinée, de lever leur grève, mais ils exigent des garanties écrites. «S'il ne tient pas parole, nous nous arrêterons à nouveau, et cette fois pour une durée illimitée», avertissent-ils en cœur. 


Sylviane Herranz