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Grève chez Valrhône pour récupérer la grat

Le personnel de la centrale de distribution de Bussigny a fait grève et remporté une première manche

Le personnel de Valrhône Logistics SA à Bussigny veut récupérer sa gratification. Il en a assez de travailler toujours plus sans aucune reconnaissance. Pour obliger la direction à mener la discussion, il a fait grève durant une nuit et une journée, le 29 novembre. La grève a été suspendue, un interlocuteur de poids ayant déboulé de Paris. Les négociations ont débuté, mais les salariés sont toujours dans l'attente.

«Si ça va mal, ça va mal pour tout le monde, pas seulement pour les petits à qui on demande de faire des sacrifices!», lance un travailleur de Valrhône. La colère et l'indignation s'exprimaient, ce mardi 29 novembre, dans les rangs des grévistes de la centrale de distribution Valrhône Logistics SA de Bussigny près de Lausanne. Ce jour-là, depuis 1 heure du matin, des travailleurs s'étaient rassemblés devant les portes de l'entreprise. Chauffeurs, préparateurs des marchandises, personnel administratif, tous avaient décidé, la veille, de cesser le travail pour exiger de la direction le rétablissement de leur gratification de fin d'année et des améliorations de leurs conditions de travail. La demande des travailleurs soutenus par Unia, avait été transmise une semaine avant à la direction. La réponse, attendue le vendredi, n'est arrivée par courriel que 45 minutes avant l'assemblée du personnel qui s'est tenue le lundi 28 novembre en fin d'après-midi. Elle a réuni 75 salariés à l'Hôtel-de-Ville de Bussigny, soit la grande majorité du personnel de la centrale de distribution, laquelle compte une centaine d'employés, cadres compris. Des vendeuses de magasins Pam, elles aussi concernées par la suppression de la gratification, étaient présentes. Dans sa réponse, la direction de Valrhône indiquait qu'en raison de la précarité financière du groupe, la décision de ne pas payer la gratification était «ferme et définitive». Un affront pour ces travailleurs aux petits salaires, qui comptent tous sur ce 13e mois. La discussion est lancée. Rapidement, le bras de fer pour obliger la direction à se mettre à la table des négociations apparaît comme le seul moyen d'être entendus. La grève est décidée à l'unanimité, et cela la nuit même, dès 1 heure du matin, moment où les premiers camions partent chercher des colis à livrer pour La Poste.

Solidarité
Dans la nuit, les travailleurs se rassemblent, à l'heure dite, accompagnés de syndicalistes. Aucun camion ne sort de la centrale. Tous les chauffeurs sont en grève. Les magasins Pam, propriétés ou franchisés de Valrhône, ne recevront pas leurs marchandises aujourd'hui. Durant la matinée, les camions venant approvisionner la centrale repartent sans broncher. Des signes de soutien s'affichent dans les cabines. A l'aube, du viaduc surplombant le site, des coups de klaxon de camionneurs de chantier, en grève quatre jours avant, encouragent eux aussi les grévistes.

«Nous voulons la grat!»
«Je n'aurais jamais pensé faire la grève un jour, mais nous n'avions plus le choix», lance une dame de l'administration. «Nous voulons la grat! Ils ne comprennent pas que nous avons des factures à payer», poursuit une de ses collègues. Ces personnes gagnent entre 3700 et 4000 francs brut par mois. Beaucoup travaillaient déjà pour Usego, racheté par Valrhône en automne 2005. Ils y touchaient un 13e salaire et bénéficiaient d'une 5e semaine de vacances. Des acquis supprimés par Valrhône pour une grande partie du personnel, sauf pour les cadres. A l'échelle du groupe (Valrhône Logistics SA, Valrhône SA et les magasins Pam, chapeautés par la société Distribution Suisse), 550 personnes sur 870 n'ont plus droit au 13e salaire. Ce dernier a été remplacé par une gratification, à bien plaire.
«On nous demande de faire des efforts, nous les faisons, nous sommes des bosseurs. S'il faut venir le samedi, tout le monde vient, mais nous n'avons rien en échange, pas un merci. C'en est trop», s'indigne une employée. Comme d'autres, elle est aussi choquée car les collègues de la comptabilité auraient été menacées de licenciement si elles sortaient du bâtiment.

Une lettre, comme un torchon...
«Du temps d'Usego, c'était le paradis ici. Tout s'est dégradé depuis. Dès l'an passé, nous ne sommes même plus sûrs de toucher notre salaire. Avant, nous étions payés chaque 25 du mois. Maintenant, c'est le 6 ou le 7 du mois d'après» raconte une femme. Avec ses collègues, elle explique comment le personnel a été informé de la suppression de la gratification: «Nos chefs nous en ont parlé, à la mi-novembre, un jour avant qu'ils nous remettent, comme un torchon, une lettre même pas signée! La moindre des choses aurait été de réunir tout le personnel pour lui expliquer la situation.»

Irrespect et gabegie
Le mépris pour le personnel, son travail, les efforts effectués sont aussi relatés par des ouvriers s'occupant de la préparation des marchandises. «Cela fait 5 ans que nous n'avons pas été augmentés, mais le boulot, lui, a augmenté. Il y a des jours où on travaille 10 ou 12 heures d'affilée, nous faisons parfois des semaines de 6 jours, et n'avons rien à dire pour reprendre nos congés» lance un travailleur. «Il n'y pas d'esprit sain dans cette entreprise. Nous sommes sous la pression des chefs. Ils ne nous respectent pas. Il faut travailler et se taire. Le temps de l'esclavage c'est fini!», s'exclame un jeune homme, fatigué par cette nuit blanche, mais confiant, en voyant les 80 collègues rassemblés devant l'entreprise.
Les chauffeurs, mains dans les poches, sont eux aussi déterminés. «Nous devons maintenir la pression. Le fait d'attendre est positif, notre mouvement semble les interpeller», lance l'un d'eux. Un ancien d'Usego, qui relate la «gabegie» régnant dans l'entreprise, alors qu'il sait que la centrale pourrait fonctionner à merveille. Il parle aussi de la nébuleuse des «actionnaires parisiens», de la famille Baud, propriétaire de Leader Price et Distribution Suisse, et de Jean-Claude Gonnet, président de Valrhône. «Lui, il doit toucher 50000 francs par mois, et nous, on nous ôte la gratification. C'est pour cela qu'on a le sentiment d'être pillés.» Quant à la menace de dépôt de bilan, il n'y croit pas vraiment. Au pire, dit-il, ce serait un mal nécessaire.

Office de conciliation saisi
La matinée se poursuit au rythme des cafés et des arrivées de membres de la direction. Une info est transmise: la direction tente de contacter les actionnaires à Paris et a saisi l'Office de conciliation. Mais la grève continue. Vers 9h50, le directeur du site et le chef des ressources humaines ressortent. Ils demandent l'arrêt de la grève. «On continue jusqu'à ce qu'on ait des nouvelles, signées!» lance un travailleur, suivi par tous. Des grillades sont organisées sur le coup de midi, puis vers 15h15, la nouvelle tombe: le directeur financier du groupe, Yann Cornec, déboule de Paris. Il sera à la séance de l'Office de conciliation convoquée pour 18h30.
Les travailleurs se réunissent et décident, à l'unanimité moins deux voix, de suspendre la grève. «Nous avons obtenu de rencontrer un interlocuteur ayant un pouvoir de décision. C'est une victoire d'étape», se réjouit Muriel Chenaux, responsable du secteur tertiaire à Unia Vaud, peu avant la rencontre devant l'office. «Durant la journée, les grévistes ont aussi reçu de nombreux messages de soutien de vendeuses de magasins Pam du Valais et du canton de Vaud», ajoute-t-elle.
Les négociations avec le directeur financier se sont poursuivies le lendemain. Mais vendredi passé, les travailleurs, prêts à poursuivre la lutte, ont rejeté la proposition faite par la direction. Une contre-proposition lui a été transmise par le personnel qui attend une réponse pour ce mercredi 7 décembre. A 16h30, une nouvelle assemblée se réunira pour en discuter.


Sylviane Herranz