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La grève d'avertissement a porté ses fruits

Une journée de débrayage a suffi pour que le personnel de Novartis reçoive des garanties quant à leurs propositions

La grève du personnel de Novartis, mercredi dernier, a été suspendue après l'obtention de garanties que la direction de la multinationale allait tenir compte des propositions alternatives pour le maintien du site de Prangins-Nyon. Les commissions du personnel et des experts se sont mis au travail pour proposer d'autres possibilités que la fermeture. Si le mouvement de consultation devait être entravé par Novartis, les salariés seraient prêts à reconduire la grève.

Trois semaines jour pour jour après l'annonce de la fermeture du site de Prangins-Nyon, quelque 300 employés de Novartis décidaient de faire grève le lendemain. Pour la grande majorité, c'était le premier jour de débrayage de leur vie. La production s'est arrêtée et des salariés de l'administration, des laboratoires et de la recherche ont suivi le mouvement. Réuni à la salle communale de Nyon, mercredi dernier, le personnel a ainsi montré, une fois de plus, sa solidarité et sa détermination face à la direction de Novartis.
La veille, le 14 novembre, tout avait pourtant bien commencé. Les commissions du personnel et Unia recevaient pour la première fois des informations plus précises. «On a senti un changement dans l'attitude de Novartis. Ils ont pris le temps de nous expliquer les chiffres et ont pu répondre à certaines de nos questions», explique Jacob Zijlstra, président d'une des commissions. Mais, parallèlement, le directeur Joseph Jimenez ne daigne pas répondre à la demande des employés de le rencontrer et l'entretien donné par le directeur suisse Armin Zust dans Le Matin du jour met le feu aux poudres. Dans l'article, le dirigeant se dit triste et désolé pour les employés, et laisse entendre que la décision de fermeture est décidée. Et ce, alors même que la consultation vient de commencer.
C'est un coup de massue pour les employés dont la productivité est en chute libre ce jour-là, mais qui réagissent avec conviction en décidant de se mettre en grève le lendemain.

Grève soutenue
«On attend du partenaire qui reçoit nos propositions qu'il les accueille sans préjugés et sans déjà conclure à la fermeture», a expliqué mercredi Yves Defferrard, devant les quelque 300 employés en grève, les nombreux journalistes et plusieurs politiques, surtout socialistes, qui ont réitéré leur soutien. Claude Dupertuis, vice-syndic de la commune de Nyon a lancé: «Faire une grève n'est pas un but, mais un moyen légal, car dans la situation actuelle la paix du travail est boiteuse. Joseph Jimenez n'a même pas eu le respect de vous répondre. C'est un mépris total vis-à-vis des travailleurs et d'une région.» La conseillère aux Etats, Géraldine Savary, a d'ailleurs rappelé que le canton entier travaille pour Novartis, notamment par ses centres de compétences tels que l'EPFL ou le CHUV.
Le soutien est aussi venu de Bâle. «Aujourd'hui, seul le profit compte. Ce qui est inacceptable! Novartis fait un milliard de bénéfice par mois et veut licencier 2000 personnes (ndlr: dans le monde, dont 760 à Bâle et 320 à Nyon). Votre combat est légal, justifié et nécessaire! Vous pouvez être fiers!», s'est époumoné Serge Gnos, secrétaire régional Unia à Bâle, qui s'est dit impressionné par l'affluence et la combativité des travailleurs. Il a aussi précisé que la situation bâloise était différente: «On ne vit pas la fermeture d'un site. Il y a aussi de fortes chances que les 120 postes de la production soient transférés à Stein, près de Bâle. Et puis la chimie représente un tiers de l'économie bâloise, donc le rapport de force est différent entre les autorités et Novartis.»

Grève suspendue
Après une matinée de discussions, un communiqué du gouvernement vaudois est tombé. En substance, il affirme que Novartis est prêt à engager le dialogue avec les parties concernées et à étudier les propositions concrètes des représentants du personnel. Armin Zust est également cité. Il explique par écrit au Conseil d'Etat qu'il n'a jamais voulu insinuer que la fermeture de la fabrique de Nyon était irrévocable.
Suite à cette annonce, le personnel et Unia ont salué l'engagement du Conseil d'Etat vaudois. Un bémol: Joseph Jimenez n'a pas pris la peine de répondre directement. Dans son communiqué, Novartis écrit: «Il prévoit de rencontrer les employés le moment venu.» Pour l'heure, «il continuera de s'entretenir avec les autorités». Ce n'est que deux jours après la grève qu'il fera le déplacement de Bâle jusqu'à Nyon (voir encadré ci-dessous)
Face aux garanties de Novartis transmises par le Conseil d'Etat, le personnel a toutefois décidé à l'unanimité de suspendre sa grève d'avertissement et de poursuivre le travail de consultation. Les activités de production ont repris avec l'équipe de nuit à 22 heures. Mais les employés ont aussi averti que la grève sera reconduite si le travail des groupes est entravé par Novartis.
«Pendant la construction du dossier, il faudra nous faire confiance. Nous ne pourrons pas vous dire grand-chose», a averti Yves Defferrard aux employés. Ce sont donc une trentaine d'experts, et Unia, qui se penchent sur les alternatives pour le maintien du site. La date d'échéance de la phase consultative est prévue au 16 décembre. De son côté, le groupe de travail qui réunit le gouvernement vaudois, le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) et la direction de Novartis a aussi commencé, cette semaine, à plancher sur d'autres solutions.

Aline Andrey


Témoignages

Quelques réactions d'employés pendant la grève

Robert Pion: «C'est mon premier jour de grève. Même si le site est maintenu aujourd'hui, comment avoir confiance? Peut-être qu'ils fermeront dans dix ans et pour moi ce sera encore plus pénible de trouver un travail. A Nyon, la fermeture ferait un sacré trou. Pas seulement pour nous, mais aussi pour les nettoyeuses, les restaurants, les employés de Polyval... Et puis si nous tombons, d'autres, Givaudan ou Firmenich par exemple, tomberont aussi.»

Dino Geretto: «Je n'étais pas pour la grève qui, pour moi, est synonyme de rigidification des conflits, mais je suis là par solidarité et par esprit démocratique car la majorité en a décidé ainsi. Aujourd'hui, il n'y a pas que les gens licenciés qui sont en grève. Ce que nous voulons, c'est surtout comprendre le raisonnement de Novartis. Il y a probablement une autre solution.»

Véronique Guignet: A propos des affiches de l'Ecal à la gare, elle relève avec le sourire: «C'était un petit clin d'œil sympa. J'ai cru d'abord que c'était une action du syndicat. C'est un soutien de plus. Alors que, hier, en lisant Le Matin, c'était le deuxième coup de massue. Ça m'a fait réaliser la décision du 25 octobre. Le peu d'énergie que j'avais encore s'est envolé.»

Joséphine Garrasi: «Hier, les indicateurs de performance généralement toujours au vert sont passés au rouge. Nous étions donc en dessous des 65% de rentabilité. On ne nous traite pas comme des employés, mais comme des numéros, alors que nous sommes les meilleurs. En délocalisant, ils vont faire des déficits. En tant que consommatrice, je n'achèterai pas des produits venus de Chine. J'ai confiance, par contre, en notre qualité. Pour moi, le site peut être sauvé.»

Angela Parrillo: «Le fait de n'avoir pas eu de réponse de Joseph Jimenez nous donne l'impression de ne pas avoir été entendus. La grève n'était pas ce qu'on voulait, car la grève ce n'est bien pour personne, mais elle est devenue nécessaire pour être entendus et respectés. On est beaucoup à avoir compris que, malheureusement, il faut se manifester autrement. On ne voit pas la raison qui amène à cette fermeture. En termes de productivité, on fait de mieux en mieux. Même Plüss (ndlr: Michael Plüss, directeur «corporate affairs Novartis Switzerland») a confirmé à la télévision que le site était rentable.»

Propos recueillis par Aline Andrey

 

Deux jours après la grève, Joseph Jimenez est à Nyon

C'était une de leurs revendications. Ils ont obtenu gain de cause. Les employés de Novartis à Nyon ont pu rencontrer Joseph Jimenez, le directeur général de la multinationale, venu en invité surprise vendredi sur leur site. Joseph Jimenez aurait tenté de rassurer les employés. Dans une interview donnée peu avant au journal Le Temps, et publiée samedi 19 novembre, il explique: «Les collaborateurs doivent savoir que je m'implique personnellement dans ce projet et que nous sommes sérieusement à la recherche de solutions. De plus, je l'ai répété aux collaborateurs: mon souhait est de garder le site ouvert. Or, aujourd'hui, financièrement, il n'est pas viable pour le groupe. Nous devons donc chercher des moyens de réduire nos coûts.»
Joseph Jimenez, successeur de Daniel Vasella au poste de directeur depuis 2010, a également déclaré: «Mon message est clair: je ne peux pas garantir que nous réussirons, mais je peux garantir que nous allons étudier toutes les propositions avec le souhait de maintenir le site ouvert. Par ailleurs, dans tous les cas de figure, je prends personnellement l'engagement d'agir de manière socialement responsable aussi bien à l'égard des collaborateurs que de la région tout entière.» Dans tous les cas de figure aussi, la formidable mobilisation pour sauver le site de Nyon devrait se poursuivre...

SH