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La notion de perception, dans tous ses états

Artiste polyvalent, Yann Amstutz se sert de différents médiums pour explorer la notion de perception, entre réel et fiction

Qu'importe le médium, pourvu qu'il lui offre l'ivresse de l'expression. Une démarche que Yann Amstutz mène d'abord dans le domaine photographique. A défaut d'avoir pu se former dans le cinéma, comme il le souhaitait enfant, lui qui voyait la vie à travers cadrages et mouvements... Qu'à cela ne tienne. Le Neuchâtelois se tourne alors vers l'Ecole d'arts appliqués de Vevey, section photographie et, son diplôme en poche, débute son parcours en réalisant des portraits. Il cherche alors surtout à capter l'émotion qui se dégage de ses modèles, à montrer «ce qui se passe à l'intérieur» de ceux-ci en les associant à des environnements propres à révéler un peu de leur âme. «Davantage un travail plasticien que documentaire», précise-t-il. L'homme, aujourd'hui âgé de 40 ans, immortalise ensuite des paysages urbains. Une mise en lumière du «construit et de l'organique», «un dialogue entre deux espaces distincts où se tissent des liens». Avec, à la clef, des images belles et fortes, où la végétation semble parfois reprendre le dessus sur des villes. «La force de la nature m'attire. L'humain consacre beaucoup d'énergie à vouloir la canaliser. D'une certaine manière en vain car elle finit toujours par s'imposer. Cela n'étant qu'une question de temps», déclare l'artiste.

Mascarades...
Aujourd'hui, Yann Amstutz défriche de nouvelles pratiques et s'exerce aux techniques de la reproduction multiple, à l'Atelier genevois de gravure. Une opportunité offerte durant une année, sous forme de résidence, décrochée suite à un concours. L'homme profite de ce médium pour créer une série de portraits sur la base de photos qu'il a prises. Des visages, qui une fois gravés, se retrouvent dénués des traits d'expression, mais non de pilosité. Des portraits en à-plat, aux regards vides, qui convient le spectateur à «envisager» les personnages représentés. Fantômes, masques, empreintes mortuaires... Chacun y verra ce qui l'inspire, l'artiste interrogeant sans cesse la notion de perception.
Concept aussi exploré à travers ses «dessins performatifs», réalisés en 2009 et 2010, durant la formation Master en arts visuels à l'Ecole cantonale d'art du Valais, à Sierre. Des dessins de grand format, créés en état de conscience modifiée, yeux clos, dans une forme d'écriture automatique et réalisés dans le cadre de festivals de performance.

A l'aveugle
«J'entre dans un état méditatif, amplifié par des sons répétitifs. Les formes géométriques qui me viennent alors à l'esprit servent de guide et sont reproduites à l'aveugle sur le papier. Je saisis les crayons de couleur ou les pastels au hasard.» Un dispositif qui place son auteur en semi-transe et peut durer entre deux et quatre heures. «L'idée est de se couper autant que possible d'une décision volontaire, d'une analyse intellectuelle durant le processus de création, et de faire confiance à une autre forme d'intelligence», relève Yann Amstutz. Et de préciser que ses différentes démarches artistiques convergent toutes vers un même questionnement: «Par mon travail, je cherche à interroger le rapport qu'entretient l'humain avec son environnement. Les séries photographiques, les gravures, les dessins performatifs sont construits comme des dialogues, des ponts, des liens ou des ruptures entre l'homme et la matière organique - métropole/végétation, portrait/pilosité, artiste/écriture automatique. Aussi, je cherche à revisiter la notion de plein et de vide. Interroger la définition du visible et de l'invisible. Evoquer la présence de l'immensément grand dans l'infiniment petit.» Si la part de spontané et d'intuitif est largement présente dans les œuvres de Yann Amstutz, l'observation, toujours, la précède.
Une démarche un rien prise de tête? Peut-être plutôt une manière de se rapprocher d'une quête, l'artiste déplorant la difficulté à garder le lien avec l'énergie de vie, lui qui aimerait ralentir le mouvement, sortir de l'accélération permanente. «Le rythme de vie qu'impose notre société est fatigant. Souvent nous sommes appelés à enchaîner les événements. A force de courir dans tous les sens, l'humain finit par se couper de l'essentiel.» Dès le mois d'août, Yann Amstutz envisage une formation pédagogique, afin de pouvoir enseigner les arts visuels au degré secondaire. Une autre casquette qu'il a déjà expérimentée. Avec plaisir. L'homme aime échanger, partager la connaissance. Et bénéficie d'une capacité d'écoute et d'observation pointue, aussi utile dans ce domaine.
Se ressourçant au contact de la nature, appréciant les voyages qui, en se frottant aux différences, favorisent aussi la connaissance de soi, le jeune quadragénaire confie sa préférence pour les pays du Sud. D'une sensibilité à fleur de peau, il se laisse séduire par tous les paysages. «Plus que des espaces en particulier, c'est la singularité de l'instant, qui va le révéler et offrir une expérience. Ainsi le paysage ne cesse de se renouveler.» 

Sonya Mermoud

 

Yann Amstutz participe à une exposition collective aux Halles Usego, à Sierre. Horaires: les 8 et 15 mai, de 15h à 18h; les 11 et 12 mai, de 13h à 17h en présence des artistes

www.yann-amstutz.ch