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La reprise de l'hôpital de la Providence augure d'une dégradation des conditions de travail

L'hôpital de la Providence passera aux mains de Genolier. Des démantèlements des conditions de travail sont déjà annoncés

Plus de 1500 personnes ont manifesté le 16 février pour soutenir les grévistes licenciés de la Providence et pour le respect de la CCT Santé 21 et des droits syndicaux. Deux jours plus tard, Genolier précisait sa stratégie pour 2014: flexibilisation et annualisation du temps de travail, et changement de statut des médecins qui deviennent indépendants. Sur fond de campagne électorale, grévistes et syndicats ne baissent pas les bras. Et demandent la réouverture des négociations.

L'hôpital de la Providence porte mal son nom à l'aune de la stratégie du groupe privé Genolier Swiss Medical Network (GSMN) dévoilée le 18 février dernier. Dès mars 2014, les médecins ne seront plus employés par l'hôpital, mais indépendants. Les horaires seront flexibilisés et le temps de travail annualisé. Une vingtaine de postes pourraient être transférés à l'Hôpital neuchâtelois (HNE), et le service de nettoyage externalisé. «Ces mesures prouvent que le groupe n'a jamais garanti les emplois, contrairement à ce qu'a affirmé Philippe Gnaegi, président du Conseil d'Etat», s'insurge Silvia Locatelli, secrétaire syndicale d'Unia Neuchâtel et députée socialiste.
En outre, avec les engagements pris par le Conseil d'Etat envers le groupe privé, la CCT Santé 21 ne sera plus appliquée à l'hôpital de la Providence dès le 1er mars 2014. Genolier bénéficie ainsi d'un régime d'exception puisqu'il restera sur la liste hospitalière, et continuera donc de bénéficier de subventions jusqu'en 2016. Alors que HNE et une vingtaine d'institutions privées du canton, regroupant quelque 5000 collaborateurs, respectent la CCT Santé 21.

Vers une nouvelle CCT?
Le Conseil d'Etat déroge donc à son arrêté qui règle les droits aux subventions. Un projet de loi a dès lors été déposé par le député popiste Daniel Ziegler pour que l'application de la CCT soit une condition impérative pour figurer sur la liste hospitalière.
«C'est une erreur majeure du Conseil d'Etat», rappelle Silvia Locatelli. «Genolier impose ses conditions, sans signer la convention et donc sans faire partie du partenariat social. C'est une hérésie, alors que la CCT Santé 21 vient d'être renouvelée et représente le fruit de 10 ans de travail.»
Pour rappel, les syndicats étaient prêts à des concessions en acceptant de renégocier la CCT Santé 21 avant son échéance. «L'important est qu'une seule CCT s'applique à tous les acteurs de la santé», souligne Yves Mugny, secrétaire syndical au SSP. Or Genolier refuse le dialogue social et souhaite des régimes d'exception, dénoncent les syndicats.
Aujourd'hui, ces derniers souhaitent que les négociations reprennent et appellent à une véritable médiation de la part du Conseil d'Etat...
Reste que pour Antoine Hubert, administrateur délégué de GSMN, le conflit social est terminé si l'on en croit ses déclarations faites le 18 février. D'ailleurs, c'est la fondation de la Providence qui s'occupera du suivi juridique des plaintes pour licenciements abusifs déposées (normalement cette semaine) par les grévistes. Reste que ces derniers, Syna et le SSP n'ont pas dit leur dernier mot. Un courrier daté du 21 février demande au Conseil d'Etat de convoquer les parties pour relancer les négociations. Et au moment où nous mettions sous presse, lundi, ils se réunissaient une fois de plus dans leur tente emblématique pour décider de la suite du mouvement.

Aline Andrey


Plus de 1500 manifestants pour défendre les grévistes et la CCT

La manifestation du 16 février dernier a eu lieu au lendemain de la confirmation de la reprise de l'hôpital de la Providence par le groupe Genolier, et sur fond d'élections cantonales en avril prochain. Plus de 1500 personnes sont venues de plusieurs cantons apporter leur soutien aux grévistes et rappeler l'importance du respect des droits des travailleurs et des CCT. Elles ont défilé dans les rues neuchâteloises, avec force slogans et chansons militantes, jusqu'à l'hôpital de la Providence. Avant que le cortège ne s'ébranle, des syndicalistes ont condamné la privatisation de la santé au profit de quelques actionnaires, la lâcheté du Conseil d'Etat neuchâtelois et sa complicité avec Genolier. Catherine Laubscher, secrétaire régionale d'Unia Neuchâtel s'est insurgée: «Nous sommes rouge de honte, de colère et nos bulletins de vote seront rouges...» Elle a aussi rappelé l'importance d'améliorer la protection des travailleurs. Tout comme David Taillard, président de l'Union syndicale cantonale neuchâteloise: «Nous ne laisserons jamais les lâches et les requins, qui mettent tout en œuvre pour détruire des accords négociés en toute légitimité, détruire nos conventions collectives de travail, en usant de mensonges et de fausses vérités.»
En 3 mois, le combat des grévistes licenciés de la Providence est devenu un emblème des dérives néolibérales et a donc dépassé les frontières cantonales. «Ce conflit est exemplaire des menaces qui pèsent sur le service public. Si Neuchâtel privatise la santé, les grands groupes ne vont pas en rester là. Et partout où il y a privatisation, la logique marchande s'installe au détriment de tout le monde. La santé n'est pas une marchandise, c'est un droit», souligne Frédéric venu de Lausanne avec sa compagne et ses deux jeunes enfants.
A la fin de la manifestation, devant le piquet de grève, Yves Mugny du SSP a déclaré avec ferveur: «J'ai connu un certain nombre de luttes, mais jamais telle que celle-ci. Des grévistes ont été licenciés, humiliés. Un employeur s'est mis au-dessus de la Constitution, a licencié des grévistes, et a fait plier un Conseil d'Etat... Est-ce que nous sommes dans une démocratie? C'est une honte! Mais nous irons jusqu'au bout...» Les grévistes, dont certaines étaient en larmes, ont été applaudies par les manifestants. L'une d'elles, Valérie Richard, a tenu à exprimer son émotion: «Nous sommes enfin sûres que nous n'avons pas fait grève en vain. Nous avons été tellement bafouées, traitées de fainéantes, accusées d'avoir refoulé des patients. Nous avons été maltraitées, avons vécu des négociations qui n'étaient que mascarades... Mais l'ascenseur, c'est pour les mensonges, les escaliers pour la vérité.»

AA


Lutter pour une meilleure protection des salariés

En automne dernier, l'Union syndicale suisse a réactivé sa plainte auprès de l'Organisation internationale du travail (OIT) contre les licenciements antisyndicaux, et a publié un livre noir des licenciements abusifs. Aujourd'hui, le SSP n'exclut pas non plus de déposer plainte auprès de l'OIT suite au licenciement du piquet de grève de la Providence. Fin janvier, Unia, dans un communiqué, a invité une nouvelle fois le Conseil fédéral à respecter et appliquer la convention de l'OIT signée par la Suisse et de réviser enfin le Code des obligations pour améliorer la protection prévue contre les licenciements antisyndicaux. D'autres mesures sont actuellement en discussion. «Lors du congrès d'Unia, nous avons décidé d'examiner le lancement d'une initiative populaire pour une meilleure protection des travailleurs contre les licenciements antisyndicaux», explique Corinne Schärer, membre du comité directeur d'Unia. «De manière générale, nous devons faire davantage pression au niveau public, car je crois que les gens sont prêts à lutter pour leurs droits face à la péjoration de leurs conditions de travail et aux délocalisations d'entreprises, d'où l'importance de cette manifestation à Neuchâtel, car ce qui se passe est très grave. La Constitution n'est pas respectée, et on ne peut pas accepter qu'une CCT soit balayée ainsi.»

AA