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La seule solution pour vaincre les injustices

Pour son assemblée d'automne Unia Transjurane avait invité Tom Grinter responsable de campagne à Industriall

Les assemblées d'Unia Transjurane sont l'occasion de riches échanges autour d'un invité et de témoignages de travailleurs et de syndicalistes. Cet automne, le thème du textile a été retenu, avec notamment les conditions de travail au Bangladesh et l'action des syndicats internationaux, ainsi qu'un retour sur la lutte des ouvrières de Calida en 1995 à La Chaux-de-Fonds.

Une quarantaine de personnes ont participé jeudi dernier à Bassecourt à l'assemblée d'automne d'Unia Transjurane. A près de deux semaines de la journée d'action du secteur de la construction, les militants ont tenu, dans une résolution, à afficher leur soutien aux maçons. «Ce sont les travailleurs de la construction qui ont bâti les maisons, les routes et les tunnels du Jura, du Jura bernois et de toute la Suisse», relève le texte adopté à l'unanimité, qui appelle la population à descendre dans la rue le 11 novembre à Delémont aux côtés des ouvriers. «Nous donnons rendez-vous aux travailleurs à 9h à la Halle des Expositions. Nous nous rendrons ensuite en cortège à la gare», a expliqué Arménio Cabete, secrétaire syndical et responsable du secteur construction d'Unia Transjurane. «Si les maçons gagnent cette bataille, indirectement, c'est l'ensemble du monde du travail qui en profitera.»

Le hard discount ne paye pas 4000 francs
Les assemblées d'Unia Transjurane sont l'occasion pour des travailleurs de partager leur vécu. C'est ainsi que «Momo» a raconté ses 22 ans d'expérience dans le secteur alimentaire. Après avoir longtemps travaillé dans un supermarché qui a fini par faire faillite, le Jurassien s'est ensuite fait embaucher dans un hard discount qui se flatte de verser un salaire de 4000 francs à ses employés. «C'est un salaire correct, malheureusement, engagés à 50%, nous ne le touchions pas. Je travaillais soit le matin, soit l'après-midi, je n'étais pas libre, pris au piège. A 50%, ce n'était pas évident pour nourrir une famille avec quatre enfants. Je ne pouvais travailler plus que lorsqu'il y avait beaucoup de marchandises à mettre en place», a témoigné «Momo», qui a aujourd'hui trouvé un nouveau job. «Il faut que le personnel de la vente gagne au moins 4000 francs et je garde l'espoir que la valeur de ce travail soit enfin reconnue», a-t-il encore dit.

Grande victoire au Bangladesh
La réunion s'est poursuivie par l'intervention de Tom Grinter, responsable de campagne à Industriall Global Union. Invité par Unia Transjurane, le jeune syndicaliste a présenté les activités de cette organisation dont le siège est à Genève. Fondée en 2012, Industriall fédère 600 syndicats de 140 pays forts de 50 millions d'adhérents dans les secteurs des mines, de l'énergie et des industries manufacturières. «Unia est affilié à Industriall et si vous travaillez dans l'industrie ou l'horlogerie, chaque année un franc de votre cotisation lui est reversée.» Les fonds récoltés permettent notamment de mener des campagnes internationales pour combattre le travail précaire dans le monde et faire respecter les droits syndicaux. En Suisse, soutenue par Unia, Industriall a perturbé quelques assemblées d'actionnaires de multinationales comme Holcim, Roche ou Syngenta. Tom Grinter s'est étendu sur l'industrie textile et de confection, le plus grand secteur de l'organisation internationale, et en particulier sur les problèmes rencontrés au Bangladesh. Dans ce pays, 4 millions de travailleurs fabriquent des vêtements «dans les pires conditions». «Nous demandions aux marques d'améliorer la sécurité au travail, mais elles nous répondaient qu'elles ne pouvaient pas faire pression sur leurs sous-traitants.» L'effondrement de l'immeuble du Rana Plaza en 2013 et son millier de victimes ont changé la donne. «Sous pression de l'opinion publique, toutes les grandes marques ont alors accepté de signer le Bangladesh Accord qui garantit un minimum de sécurité dans 2000 usines», explique Tom Grinter. «C'est une grande victoire et ce n'est qu'un début», espère le syndicaliste. Le salaire de base de 68 dollars au Bangladesh (contre 314 dollars dans les régions de Shenzhen et de Shanghai en Chine) est encore notoirement insuffisant pour vivre décemment. Un ouvrier ne touche qu'environ 11 centimes pour fabriquer un jean vendu plus de 100 francs en Suisse. «Nous avons lancé une campagne pour un salaire minimum sur le plan international car il est trop facile dans l'industrie textile de changer de pays de production.» Et Tom Grinter de conclure son intervention: «La seule solution pour changer le monde et vaincre les injustices, c'est de s'organiser. En face, ils ont des milliards, mais si nous nous mettons ensemble, nous serons les plus forts.»

La lutte des ouvrières de Calida
A force de délocalisation, l'industrie textile en Suisse s'est réduite comme peau de chagrin. Achille Renaud est revenu sur la lutte épique des 80 ouvrières de Calida à La Chaux-de-Fonds qui se sont battues en 1995 contre la fermeture de leur usine. «Dix travailleuses ont été licenciées pour avoir participé à une pause symbolique d'une heure. Et, après une journée de grève, la direction a lancé une batterie de plaintes pour museler le mouvement. Une juge d'instruction a ordonné la perquisition du syndicat et la saisie des documents. C'était compliqué pour les syndicalistes de travailler avec ces plaintes au-dessus de la tête, le Ministère public neuchâtelois ayant même réclamé de la prison ferme pour une prétendue séquestration du directeur», a rappelé le secrétaire syndical d'Unia Transjurane, pour lequel Calida reste un «combat important, inscrit dans la mémoire collective».

Jérôme Béguin