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La sobriété numérique en ligne de mire

Portrait de Chantal Blanc.
© Olivier Vogelsang

Avec de nombreuses associations, Chantal Blanc a participé à plus d’une cinquantaine d’oppositions lors de mises à l’enquête d’antennes 5G. Elle a déjà déposé plusieurs recours au Tribunal cantonal. Deux sont en cours de traitement au niveau fédéral.

Chantal Blanc se bat pour un véritable débat démocratique sur la 5G et la reconnaissance de ses effets délétères sur la santé et l’environnement

«Je tiens à dire que je ne suis ni technophobe ni contre le progrès. Je veux seulement que les choses soient faites dans l’ordre. Qu’on analyse de manière stricte et fiable les risques pour la santé, l’environnement, la sécurité avant de se lancer tête baissée dans la course à la compétitivité pour la 5G.» Depuis trois ans, c’est avec une rigueur toute scientifique et démocratique que Chantal Blanc mène son combat contre l’installation de nouvelles antennes et contre la hausse des valeurs limites d’émission. Cette femme dynamique, employée de commerce, n’avait jamais milité de sa vie et toujours cru dans les institutions et la bonne gouvernance helvétique. «J’ai quelque peu déchanté depuis», résume-t-elle dans sa maison sise dans un village de La Glâne. «Alors que les lobbies des télécoms utilisent les mêmes méthodes que les géants du pétrole, de l’amiante ou de la cigarette, le gouvernement ne fait pas son travail pour protéger les habitants.»

Afin d’étayer ses propos, Chantal Blanc se réfère à des articles scientifiques et techniques, à des textes parlementaires, à des règlements... une documentation ardue dans laquelle elle plonge avec courage. Elle déplore les liens d’intérêts de députés avec les opérateurs de téléphonie mobile, ainsi que les pressions faites aux médias. Fer de lance de Stop 5G Glâne, collaborant avec de nombreuses autres associations de différentes régions en Suisse, elle a participé à plus d’une cinquantaine d’oppositions lors de mises à l’enquête d’antennes. Elle a déjà déposé plusieurs recours au Tribunal cantonal, et deux sont traités au niveau fédéral. Chantal Blanc souligne toutefois: «Je ne suis pas une spécialiste, mais je suis entourée de personnes qui le sont.» Son vaste réseau, humain, lui permet de mener des campagnes. Dernière en date, celle contre la motion demandant une nouvelle fois une augmentation des valeurs limites. A cette occasion, l’opposition du conseiller fédéral Alain Berset à l’implantation d’une antenne dans son propre village a été médiatisée. Il y indiquait en 2018 déjà «les effets délétères sur la santé humaine et animale» des ondes électromagnétiques d’origine technologique, surtout la téléphonie mobile.

Dans la gueule du monstre

La source du combat sanitaire et environnemental de Chantal Blanc remonte à loin. «Je crois qu’à 12 ans, le trou d’ozone me questionnait déjà», se souvient celle qui a grandi dans une ferme en Ajoie.

Son apprentissage d’employée de commerce achevée, elle est paradoxalement engagée dans une entreprise de tabac, dans le triage à la chaîne des cigarettes, avant de se retrouver dans les bureaux. «Je n’ai pas tellement réfléchi à l’époque. Il y avait peu de travail dans le Jura, j’ai pris ce qu’on me proposait.» Quand l’usine est rachetée par une multinationale, elle accepte un poste à Lausanne. Quelques années plus tard, elle refusera une promotion. «Ethiquement, je n’y arrivais plus», souligne celle qui se retrouve pourtant à travailler dans une autre multinationale, de l’industrie vestimentaire cette fois. Elle rencontre son mari, donne naissance à deux enfants. La famille décide de retourner vivre à la campagne. «Aujourd’hui, je me bats pour l’avenir des jeunes générations. J’ai peur pour les enfants. Comment vont-ils grandir, comment cette technologie va-t-elle affecter leur développement et leur environnement, notamment avec le numérique prôné à l’école?» questionne-t-elle. Chez elle, le téléphone portable est utilisé avec parcimonie et l’ordinateur est pourvu d’une connexion filaire, pour éviter le wi-fi. «J’apprends à mes enfants à gérer les écrans, comme le sucre. Sans interdire, à petites doses… Cohabiter avec tout, mais de manière rationnelle.»

En mission

La citoyenne pourfend les géants des télécoms qui, avec un marketing agressif et des abonnements illimités à prix cassé, poussent à la consommation, voire à l’addiction. «Au nom du libéralisme, c’est la fuite en avant. On nous parle actuellement de faire des économies de chauffage, mais on ne nous dit jamais de moins utiliser ces appareils énergivores, de privilégier la fibre ou de penser la sobriété climatique. On n’oblige pas les opérateurs à diviser par deux la résolution des vidéos qui représentent 70% du volume des données. L’humain est peut-être ainsi fait qu’il doit se prendre le mur avant de réagir?» questionne-t-elle, se définissant pourtant comme une personne positive. «Tôt ou tard on devra pratiquer l’efficience et la sobriété. Pour l’heure, les opérateurs veulent se faire un maximum d’argent, donc ils gagnent du temps, avant de faire face à un scandale sanitaire et environnemental! Les télécoms créent de la demande et de la dépendance à des choses dont on n’a pas besoin – qui a la nécessité d’un frigo connecté? – au lieu de cibler les besoins spécifiques. Comme les cigarettiers à l’époque… s’insurge Chantal Blanc. Les effets non thermiques sur nos organismes ne sont pas évalués, l’effet cocktail non plus. Dans le cadre du 1er monitoring suisse, les mesures n’ont été prises ni dans les écoles ni dans les lieux de travail!»

Chantal Blanc ne lâche rien et a décidément de l’énergie à revendre. «Je travaille à 60% dans une entreprise de certifications électriques, et tout autant bénévolement contre la 5G, je m’occupe de mes enfants, et j’ai besoin absolument de mes 8 heures de sommeil.» Elle arrive encore à prendre soin de son jardin pour que la famille puisse être quasi autonome en légumes. «Travailler la terre, c’est ma soupape. Quand je jardine, j’ai les idées plus claires.»

Dans son salon, une grande photo montre un pont en cordes dans la brume. «J’aime cette image, cette impression que ce pont mène quelque part, qu’il y a un sens à être sur cette terre, en commençant par la protéger.»