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A l'aéroport des sociétés de nettoyage pas très nettes

Témoignages à l'appui Unia Genève dénonce les pratiques de deux entreprises actives à Cointrin

Unia épingle Nettoie'Net et MPM facility services, deux sociétés actives à l'aéroport de Genève aux pratiques «honteuses»: travail non déclaré, heures supplémentaires partiellement rétribuées, non-paiement des suppléments pour le travail de nuit et du dimanche, journées interminables... Des «violations crasses» de la Convention collective de travail du nettoyage qui pousse le syndicat à demander à l'aéroport la rupture des contrats qui le lie à ces deux entreprises.

Travail non déclaré, heures supplémentaires partiellement rétribuées, non-paiement des suppléments pour le travail de nuit et du dimanche, journées interminables... Unia Genève dénonce des «violations crasses» de la Convention collective de travail (CCT) du nettoyage par Nettoie'Net et MPM facility services, deux entreprises actives notamment à l'aéroport. Le 12 avril, à l'entrée du grand hall d'embarquement de Cointrin, quatre nettoyeurs réunis par le syndicat ont témoigné devant la presse de leurs conditions de travail et d'embauche.

17 CDD en trois ans
Pedro, Luis et José* ont tous trois été employés par la société Nettoie'Net, engagée pour le nettoyage d'un chantier de l'aéroport. Les deux premiers ont été embauchés au noir. Ils ont obtenu un contrat de travail à la suite d'un accident de travail pour l'un et d'un contrôle pour l'autre. En trois ans, Luis aura eu le droit à pas moins de 17 contrats de travail à durée déterminée (CDD)! Entre deux périodes de travail, des semaines creuses le privaient de salaire. «Cela m'a causé beaucoup de soucis, ainsi qu'à ma famille», explique le travailleur. Son employeur l'a licencié sans lui remettre de lettre de congé, l'empêchant de s'inscrire à la caisse de chômage. «Je n'ai rien reçu depuis novembre dernier.»
Employé depuis quatre ans par Nettoie'Net, Pedro témoigne de son côté de journées interminables. «Je travaille plus de 50 heures par semaine, tous les jours. Je termine mon travail du dimanche à 2h30 du matin et le reprends à 5h30 le lundi. J'ai eu beaucoup de problèmes de santé.» En plus, l'entreprise ne lui paye qu'une partie des heures effectuées. Il nettoie des restaurants, des grands magasins, comme ceux de la Migros, mais aussi des chantiers. «On a même dû faire de la démolition, mais sans le matériel adéquat.»

Travail au black
José a pour sa part travaillé durant deux ans pour Nettoie'Net. «J'avais un rôle de chef d'équipe, mais n'étais payé qu'au minimum. Au lieu de toucher 28 francs, on ne me donnait que 21,70 francs. Et je n'étais payé que pour 35 à 40 heures, alors que j'effectuais plus de 50 heures par semaine», assure José. Le travailleur confirme le recours important au travail au noir par cette entreprise. Il estime que sur un chantier employant 20 personnes, seulement cinq étaient déclarées. «Les travailleurs étaient briefés afin de s'enfuir en cas de visite du syndicat.» Il se plaint aussi que les cotisations n'aient pas été versées à la LPP, ainsi que du non-remboursement de ses frais de déplacement et d'amendes de stationnement. «On m'a même fait des retenues de salaire pour des dégâts sur véhicule. J'ai été licencié après avoir ouvert ma gueule. J'ai la rage contre cette société.»

On oublie toujours ses heures sup
Manuel* est également «fâché» à l'encontre de son employeur, la société MPM facility services, chargée de nettoyer les vitres et vider les poubelles de l'aéroport. «Je fais parfois 19 heures d'affilée. Il m'arrive de terminer à 5h du matin et de reprendre mon poste une heure plus tard. J'effectue de nombreuses heures supplémentaires et on oublie systématiquement de me les payer dans leur intégralité. Je dois me rendre chaque mois au bureau pour réclamer», affirme le travailleur, qui regrette que son engagement ne soit pas reconnu à sa juste valeur. Lui aussi a reçu des amendes de stationnement pour avoir déchargé du matériel, sans que son patron ne les prenne en charge. «Il n'y a pas de respect.» Même topo pour un ex-collaborateur de MPM facility services défendu par Unia et qui n'a pu être présent à la conférence de presse. Au terme de cinq années à laver les vitres de l'enceinte aéroportuaire, il a été licencié après avoir réclamé le paiement de ses vacances non prises.

L'aéroport semble ignorer ces pratiques
Selon Camila Aros, la Commission paritaire genevoise du nettoyage est au courant depuis plusieurs années des abus de ces deux sociétés. «A chaque nouveau contrôle, elles se font sanctionner, souvent pour récidive», indique la secrétaire d'Unia.
«L'aéroport semble ignorer ces pratiques et ne se donne pas les moyens de s'assurer que les prestataires se conforment à leurs obligations vis-à-vis de leur personnel.» Selon le règlement édicté par l'établissement public, les prestataires sont pourtant tenus de respecter les conventions collectives de travail et la législation en matière de travail et d'assurances sociales. «Unia demande que l'aéroport applique son règlement et mette un terme immédiat aux contrats avec ces deux entreprises. L'aéroport doit actionner la clause sociale qui engage les nouveaux soumissionnaires à reprendre les employés pour remplir les prestations actuelles. Nous voulons aussi que l'aéroport, et plus largement tout organisme ou entreprise publique, soumette systématiquement les soumissionnaires au préavis de la Commission paritaire afin que celle-ci puisse donner l'alerte en cas de non-respect de la CCT ou de la Loi sur le travail au noir.»
Le canton vient d'ailleurs de lancer la campagne «Le travail au noir, ça se paie cash», rappelant aux employeurs qu'ils risquent des sanctions administratives, notamment de ne pouvoir postuler aux appels d'offres de l'Etat. «Ça tombe bien, nous requérons l'exclusion de ces deux entreprises des marchés publics», sourit Camila Aros.
Le syndicat va maintenant intervenir pour récupérer les sommes dues à tous ces travailleurs. «On veut qu'on nous paye tout ce qu'on nous doit», conclut José.


Jérôme Béguin

• Prénoms d'emprunt.


«Calomnies», «aberration»: les patrons contestent

Gérant de Nettoie'Net, Yazide Retibi se refuse à un commentaire dans l'immédiat. «Je suis actuellement au poste de police pour déposer une plainte pénale pour diffamation et calomnies», nous explique-t-il au téléphone. «On se retrouvera au tribunal», promet-il à ses accusateurs.
A contrario, Gérald Althaus, administrateur de MPM facility services, est plus disert. «Il faudrait que je sache de qui il s'agit», répond-il au sujet des deux cas mentionnés. «Unia ne nous a pas contactés à ce sujet. Tous nos dossiers sont disponibles, nous sommes ouverts à une vérification. On peut toujours se tromper, mais on ne peut pas se permettre de tricher car nous travaillons pour l'Etat, les communes, les Ports francs... Ce serait aberrant. Et nous sommes une entreprise familiale, on ne veut pas voler les gens», assure cet ancien juge prud'homal. Selon lui, les salariés auraient de la peine à comprendre leurs décomptes de salaire. Quant aux sanctions de la Commission paritaire, Gérald Althaus n'en reconnaît que deux, pour des faits mineurs et en dehors de l'aéroport.
Impossible pour L'Evénement syndical de vérifier ce dernier point, les actes de la Commission paritaire étant confidentiels. «Je ne peux ni confirmer ni infirmer ce cas. Il est vrai qu'il y a des gens qui transgressent», nous dit Pascal Raemy, membre de la Commission paritaire et président de l'Association genevoise des entrepreneurs en nettoyage et de service.
JB