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A l'aéroport le partenariat social vole bas

Vingt travailleurs de Swissport participant à une pause syndicale ont reçu un blâme avec menace de licenciement

Swissport est l'une des deux sociétés d'assistance au sol de l'aéroport, chargée notamment de l'acheminement des bagages et de l'accueil des passagers. Tous les deux ans, le renouvellement de la Convention collective de travail (CCT) de la société est l'objet d'un conflit social. La lutte faisant rage entre les entreprises pour maintenir ou décrocher des concessions à Genève-Cointrin, elles sont entraînées dans une spirale de sous-enchère salariale.

A l'aéroport de Genève-Cointrin, la répression antisyndicale met les gaz. Vingt travailleurs de Swissport qui ont participé à une pause syndicale se sont vus signifier un blâme avec menace de licenciement. Dans le cadre du renouvellement de la Convention collective de travail (CCT) de cette société d'assistance au sol, le Syndicat des services publics (SSP) a déposé, après l'échec d'une procédure de conciliation devant la Chambre des relations collectives de travail (CRCT), un préavis de grève. Tous les deux ans, la renégociation de la CCT est l'objet d'un conflit social dans cette entreprise fondée par Swissair et désormais en mains chinoises. En février 2015, 300 salariés avaient pu, en débrayant durant trois heures, empêcher une détérioration de leurs conditions salariales. Cette fois, Swissport propose de diminuer le nombre de paliers salariaux, qui permettent d'être augmenté automatiquement les premières années d'engagement, au profit d'une prime unique de 400 francs. «Cette prime ne compensera pas ce que les travailleurs perdront avec la diminution du nombre de paliers», explique Jamshid Pouranpir, secrétaire syndical du SSP. La question n'est pas sans importance, les salaires les moins élevés chez Swissport étant situés sous la barre des 4000 francs et le salaire moyen n'atteignant pas 5000 francs. Push, une association du personnel, a accepté les termes de l'accord et convenu d'une CCT avec la direction de Swissport. «Push, qui n'est pas reconnu par l'Union syndicale suisse (USS), a signé une CCT au rabais, qui constitue un recul pour le droit des travailleurs», juge Jamshid Pouranpir. Le SSP aimerait au contraire obtenir une augmentation de salaire et intégrer dans la CCT les auxiliaires, qui représentent 40% des effectifs et dont le statut est précaire. Un débrayage pourrait donc intervenir à tout moment ces jours. La fin de l'année est une période de forte affluence à l'aéroport et il n'y a que deux concessions d'assistance au sol. Un mouvement social chez Swissport créerait une situation chaotique.
Le 9 décembre, le SSP a invité les travailleurs à une pause syndicale. Vingt salariés, sur le millier de collaborateurs de Swissport, ont répondu à l'appel et discuté durant une petite heure du conflit et de la suite à donner au mouvement. La décision a été prise d'organiser un débrayage prochainement. Les participants à cette réunion ont immédiatement été convoqués par la direction qui leur a signifié un blâme avec menace de licenciement sous prétexte de violation de la paix du travail et de non-respect de la CCT signée avec Push. «Tout collaborateur qui se joint à des mesures de lutte s'expose à des sanctions», peut-on lire dans le courrier qui leur a été remis. «Le droit de grève est très clairement remis en cause», estime Jamshid Pouranpir.

Violation de la liberté syndicale
«Il s'agit d'une violation évidente de la liberté syndicale et de la liberté d'expression des travailleurs qui ont participé à une discussion sur le renouvellement de la CCT», corrobore Luca Cirigliano, secrétaire central de l'USS. «La base légale est constituée de l'article 28 de la Constitution fédérale sur la liberté syndicale et de la convention 98 de l'Organisation internationale du travail concernant le droit d'organisation et de négociation collective. Dans le cadre du renouvellement d'une CCT, les salariés ont le droit de prendre des mesures de lutte. L'employeur n'a pas le droit de licencier des employés si les actions menées sont légales. Ces travailleurs de Swissport n'ont rien cassé et n'ont agressé personne», explique le juriste, spécialiste en droit du travail. «Mais nous soulevons depuis longtemps le problème du manque de protection en Suisse contre ce type de licenciement. Même si la justice peut reconnaître l'illégalité d'un licenciement pour ce motif, il n'est pas prévu de réintégration dans l'entreprise; il est seulement accordé trois ou quatre mois de salaire à titre d'indemnité.»
«A la mobilisation du personnel, Swissport a choisi, avec l'appui de la direction de l'aéroport, la voie de la répression syndicale. L'entreprise est soutenue en haut lieu afin d'empêcher le SSP de faire son travail», conclut Jamshid Pouranpir. Affaire à suivre.

Jérôme Béguin