Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Le Boéchet, tout le monde descend!

Lové dans le Jura, le petit hameau du Boéchet possède plus de musées par habitant que Paris, New York ou Londres!
© Alain Portner

Lové dans le Jura, le petit hameau du Boéchet possède plus de musées par habitant que Paris, New York ou Londres!

Pourquoi s’arrêter dans ce hameau d’à peine cinquante âmes, perdu au milieu des pâturages boisés jurassiens? Parce qu’il recèle en son sein deux musées uniques et de qualité, l’un consacré aux paysans horlogers et l’autre à l’histoire du ski. Par ici les visites!

Minuscule hameau situé au cœur des Franches-Montagnes, entre Les Bois et Le Noirmont, Le Boéchet possède davantage de musées par habitant que Paris, New York ou Londres. Deux, précisément, pour une petite cinquantaine d’administrés. Qui dit mieux? Et attention, on n’a pas affaire ici à de vieux cabinets de curiosités au charme aussi poussiéreux que suranné, mais bel et bien à des institutions résolument modernes et de qualité!

Le train rouge des Chemins de fer du Jura s’arrête – sur demande – à la halte du Boéchet. Pas besoin de Google Maps pour se rendre au seul et unique Musée du ski de Suisse. Il se trouve à deux pas, dans un bâtiment aux façades blanches comme neige qui abritait jadis la gare et son buffet. Inauguré fin septembre, cet espace muséographique fleure encore bon le bois et la peinture fraîche.

Des images de gravures rupestres sont projetées sur le mur en pierre de l’accueil. Le ski, en tant que moyen de locomotion, existe en effet depuis la nuit des temps. Les plus anciennes lattes présentées ici datent, elles, de 1870. C’est à peu près à cette époque que la pratique sportive du ski a vu le jour dans les pays nordiques avant de s’étendre, quelques décennies plus tard, au reste de l’Europe. C’est ce que nous apprend Laurent Donzé, le cofondateur et conservateur des lieux.

Le Musée du ski abrite le trésor de Laurent Donzé qui, durant des années, a parcouru des kilomètres pour enrichir sa collection.
Photo Musée du ski – Le Boéchet

Des spatules par milliers

A sa suite, nous grimpons au deuxième étage pour découvrir l’exposition permanente. Là, sous les toits, à côté d’un espace enfant, s’ouvre une véritable caverne d’Ali Baba remplie d’innombrables paires de ski. Environ 400, soit la partie visible de l’incroyable collection que ce Franc-Montagnard a amassée au fil de quelque cinquante années de recherches et de pérégrinations. Sans jamais compter l’argent dépensé ni les kilomètres parcourus. «Il m’est arrivé d’aller à Lyon pour acheter une paire de ski à trois euros.»

Cette collectionnite aiguë, ce prof de chimie aujourd’hui à la retraite ne se l’explique pas vraiment. «C’est grisant, irrationnel!» Le virus, il l’a sûrement contracté tout jeune. «En hiver, quand j’étais gamin, j’allais à l’école en skis de fond avec mes frères et sœurs. Depuis la ferme de nos parents, ça faisait dans les deux kilomètres.» Ça lui plaisait tant qu’il a pris goût à la compétition. Et c’est à ce moment-là qu’il s’est intéressé au matériel, allant jusqu’à scier des lattes usagées pour voir ce qu’il y avait à l’intérieur.

Déjà cet esprit scientifique qui, mêlé à son âme paysanne («On gardait tout en se disant que ça pourrait servir un jour»), a conduit cet homme posé à se mettre à accumuler, accumuler des milliers de spatules (3000 paires, dont 2000 dûment répertoriées et cataloguées) et bâtons, ainsi que des centaines de chaussures, fixations et autres accessoires. Jusqu’à en avoir plein sa grange. Dire qu’au début, il ne pensait conserver qu’une vingtaine de skis pour décorer un carnotzet...

Les équipements de pointe modernes, qu’ils soient de descente ou de fond, sont aussi au rendez-vous.
Photo Musée du ski – Le Boéchet

Le ski au passé et au présent

Conscient de l’intérêt de sa fabuleuse collection, ce pédagogue a commencé à la présenter in situ et hors les murs à l’occasion d’expos éphémères. Autant d’occasions qu’il a aussi saisies pour partager son savoir encyclopédique sur le monde du ski. Alors, quand ses amis Andrée et Dominique Guenat lui ont proposé de transformer à leurs frais la gare du Boéchet en musée, il n’a pas trop hésité. «Je n’ai quand même pas dormi pendant trois nuits tellement ça m’a remué.» C’était en 2017.

Six ans plus tard, le rêve est devenu réalité. Sous les combles, dans une scénographie hivernale et originale signée Atelier Oï (un bureau de design et d’architecture sis à La Neuveville), les paires de lattes alignées en rang d’oignons, les chaussures, les fixations et même le désormais mythique bonnet du Crédit Suisse racontent les histoires à rebondissements – parallèles mais pas identiques – du ski alpin et du ski nordique. Avec leurs évolutions, révolutions et parfois désillusions.

Notre guide nous invite à passer du deuxième au premier étage, du passé au présent. Parce que dans cet espace consacré aux expositions temporaires, qui jouxte une bibliothèque contenant pas moins de 1200 ouvrages, sont abordées des thématiques d’aujourd’hui. L’actuelle, montée avec le concours de Swiss-Ski, plonge le visiteur dans l’univers impitoyable des compétitions.

Face à nous, une galerie de panoplies de champions. Soit les skis, bâtons, chaussures et combinaisons de Marco Odermatt, Corinne Suter, Killian Peier, Nadine Fähndrich, Ramon Zenhaüsern ou encore Amélie Reymond. «C’est une photographie du matériel de pointe de l’année 2023, qui montre également combien le ski s’est diversifié depuis ses origines», conclut un Laurent Donzé toujours aussi disert et enthousiaste.


Fenêtre sur établi

© Espace Paysan Horloger
Photo Espace Paysan Horloger

Ouvert depuis 2013, l’Espace Paysan Horloger, qui abrite un restaurant, un hôtel et un musée, se trouve à un jet de pierre du Musée du ski. Enfin, au Boéchet, tout est à un jet de pierre… Son fondateur, Jacky Epitaux, est devenu un féru d’histoire régionale pour des raisons, à l’origine, purement commerciales. «Quand je me suis mis à mon compte, j’avais envie de construire un récit crédible autour de Rudis Sylva, la marque que je venais de lancer.» C’est à ce moment-là qu’il découvre la saga des paysans horlogers. De là à créer un petit musée, il n’y avait qu’un pas que cet entrepreneur franc-montagnard a franchi allègrement avec l’aide d’artisans, de bénévoles et d’historiens.

Pas de montres ni de pendules dans cet espace d’exposition «petit par la taille mais riche en informations». Curieux pour un tel musée, non? «Le but n’était pas d’exposer de beaux garde-temps comme partout, mais d’expliquer pourquoi l’horlogerie s’est développée dans l’ensemble de la chaîne du Jura et pas ailleurs.»

Comme on l’apprend ici – via des panneaux explicatifs, un film documentaire et des témoignages audio –, tout commence au Moyen Age avec l’arrivée de colons-défricheurs dans ces contrées inhospitalières et sauvages. Des agriculteurs qui, l’hiver rigoureux venu, se muaient en charpentiers, dentellières, cordonniers ou fabricants de boutons pour rentabiliser leur temps. Jusqu’au jour où ils se sont mis à faire des montres à la demande d’horlogers huguenots bannis de France...

L’histoire des paysans horlogers se clôt avec l’arrivée de l’industrialisation. L’exposition aussi. De cette aventure, il reste encore quelques traces dans les campagnes, celles par exemple des fenêtres percées dans les façades sud des fermes pour éclairer les établis.

© Espace Paysan Horloger
Photo Espace Paysan Horloger

 

Infos pratiques

Musée du ski, Le Boéchet 12, 2336 Les Bois (JU)

Heures d’ouverture: mercredi et vendredi de 14h à 17h – samedi et dimanche de 11h à 18h.

Prix: 12 fr. adulte – 9 fr. AI, AVS et étudiant – 6 fr. enfant dès 12 ans.

Plus d’infos sur: +41 (0)32 961 23 36 – info [at] museeduski.ch (info[at]museeduski[dot]ch)museeduski.ch.

Musée du Paysan Horloger, Le Boéchet 6, 2336 Les Bois (JU)

Heures d’ouverture: du mercredi au dimanche de 10h à 14h30 et de 17h à 19h.

Prix: 5 fr. adulte et 3 fr. enfant.

Plus d’infos sur: +41 (0)32 961 22 22 – info [at] paysan-horloger.ch (info[at]paysan-horloger[dot]ch)paysan-horloger.ch.