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Le bras de fer continue chez Merck Serono

L'heure est à l'étude pour le personnel de la multinationale qui a levé son préavis de grève

Les employés recevront des informations sur les raisons qui ont mené la direction de Merck Serono à décider de la fermeture du site. Des solutions alternatives seront proposées d'ici au 4 juin par la délégation du personnel et Unia. Mais la mobilisation continue.

Entre une pétition, un cortège du 1er Mai, une manifestation jusqu'au Grand Conseil, des piquets, quatre assemblées générales et un préavis de grève, le personnel fait preuve d'une très forte mobilisation depuis l'annonce de la fermeture du site de Merck Serono à Genève le 24 avril dernier.
Cette détermination a fait fléchir Merck Serono. Sa direction a en effet accordé, la semaine passée, une prolongation du délai de consultation de trois semaines, soit jusqu'au 4 juin. Une décision engendrée par le préavis de grève voté à la quasi-unanimité le jeudi 10 mai par plus de 600 employés présents dans la halle de Sécheron à côté du site genevois.

Soutien du Grand Conseil
Cette assemblée a été suivie d'une manifestation jusqu'au Grand Conseil où de nombreux députés ont signé la pétition «Non aux suppressions de postes chez Merck Serono! Les employés avant les actionnaires!». La pétition rappelle que le groupe a réalisé 745 millions de bénéfice en 2011 et a augmenté de 20% les dividendes de ses actionnaires. Elle demande aux autorités politiques d'intervenir contre la fermeture du siège genevois de la multinationale.
Si la semaine dernière quelque 5000 paraphes avaient déjà été recueillis, les gouvernements, cantonal et fédéral, ne montraient que trop peu de signes de soutien au personnel, au contraire du Grand Conseil et de la Municipalité, de l'avis d'Alessandro Pelizzari. «Les employés se sentent lâchés», précisait-il mercredi passé lors d'un repas de mobilisation devant l'entreprise. Et, surtout, après une réunion avec la direction qui a accepté le protocole d'accord demandé par les employés, condition sine qua non à la suspension du préavis de grève.
La direction a approuvé la majorité des revendications du personnel, à savoir: la présence dans les négociations de personnes ayant des compétences décisionnelles; la transmission de toutes informations utiles à la consultation; la participation facilitée du personnel à la consultation sur tous les sites Merck Serono en Suisse ainsi que pour les temporaires; la libération d'experts internes pour les groupes de travail; et l'arrêt de la mise en œuvre de parties du plan de restructuration. «Dans certains services, des négociations de transfert étaient déjà en cours, alors que c'est illégal durant la période de consultation», précise Alessandro Pelizzari.

Des informations, mais pas le rapport McKinsey
Cependant, la direction a refusé la possibilité de négocier une éventuelle nouvelle prolongation du délai de consultation. «Pour le plan social, le délai accordé jusqu'au 4 juin peut suffire. Mais l'objectif du personnel reste celui de sauver les emplois à Genève. Pour cela, il est évident que nous aurons besoin de plus de temps et de maintenir la mobilisation», souligne Alessandro Pelizzari.
En outre, les employés ne pourront pas obtenir le rapport McKinsey, sur lequel se base la décision de fermeture. «Mais on nous a promis une série d'informations issues, entre autres, de ce rapport», relève le syndicaliste. «Notamment les coûts réels du site genevois ainsi que les frais qu'engendrerait le transfert des compétences à Darmstadt.»
Pour rappel, le groupe de consultants McKinsey a déjà sévi chez Novartis à Prangins et dans l'usine Sapal à Ecublens. Dans les deux cas, où la fermeture des sites était préconisée, son rapport avait été démoli par le travail d'Unia et du personnel. «Ce groupe est incompétent. Il ne fait qu'appliquer des recettes types. En fait, ils sont mandatés pour faire le sale boulot et valider des décisions prises par les directions, afin de garantir les dividendes pour les actionnaires et les hauts salaires pour les dirigeants», s'insurge Alessandro Pelizzari. «Dans le cas de Merck Serono, c'est un choix politique de la direction de ne pas toucher à son siège de Darmstadt. Et, sans représentation syndicale, elle pensait que la restructuration à Genève serait facile. Mais elle s'est trompée...» En effet, pour l'heure, la mobilisation ne fléchit pas, à la hauteur de la colère des employés dont beaucoup semblent s'être découvert une fibre syndicale.
Autre point de litige avec la direction: la discussion d'un plan social pour les sous-traitants. «Or, pour les temporaires qui se sont mobilisés massivement, les fronts semblent déjà bouger», tempère Alessandro Pelizzari. Le personnel de la crèche de l'entreprise «Eve Crescendo», soutenu par le SIT, se mobilise aussi et a d'ores et déjà déposé une pétition munie de 3345 signatures au Grand Conseil et au Conseil municipal.

L'espoir, malgré tout
De manière générale, la direction ne semblait pourtant pas prête, la semaine dernière, à revoir la décision de fermer le site genevois. Dans un communiqué du 14 mai, Stefan Oschmann, membre du comité exécutif de Merck et directeur général de Merck Serono, relève: «Compte tenu de la situation difficile que traverse Merck Serono dans une conjoncture par ailleurs mauvaise pour l'ensemble du secteur pharmaceutique, le regroupement sur un seul site des fonctions de siège ainsi que celui des activités de R&D (ndlr: recherche et développement) en Europe nous semble malheureusement inévitable pour assurer la viabilité de Merck Serono à long terme.»
Stefan Oschmann dit aussi vouloir «trouver des solutions de reclassement dans les meilleurs délais» et évalue «des projets de création d'entreprises dans le cadre du fonds de 30 millions d'euros». Malgré un bénéfice de plus de 150 millions d'euros lors du premier trimestre 2012, Merck prévoit 300 millions d'euros (360 millions de francs) d'économie par an suite à la restructuration prévue au niveau international dont le coût se monterait à 600 millions d'euros (720 millions de francs). Mais Alessandro Pelizzari ne perd pas espoir: «Il faut noter que la mobilisation genevoise a forcé le groupe à renvoyer en juin l'annonce des restructurations sur les autres sites dans le monde. Le maintien des postes à Genève n'est donc pas exclu, même si les discussions portent aussi sur le plan social et la reprise des emplois par des tiers.»
Astrid Melotti, laborantine, membre de la représentation élue du personnel renchérit: «Nous ne pouvons exclure le sauvetage du site. Cela dépendra aussi des politiques. Si le personnel était plutôt défaitiste au début, la mobilisation génère un élan de solidarité. En outre, la direction qui était vraiment fermée au début, s'ouvre aux discussions grâce à nos mobilisations. Quant aux cadres, certains d'entre eux soutiennent nos actions. Ma cheffe m'a, par exemple, complètement libérée pour que je puisse me consacrer à la délégation du personnel. Ce qui me prend bien plus de 8 heures par jour...»


Aline Andrey

Pour signer la pétition: www.geneve.unia.ch

 

Manifestation prévue à Darmstadt
Réuni en assemblée lundi passé, le personnel de Merck Serono a décidé d'entrer concrètement dans la phase de la consultation dont le terme est fixé pour l'heure au 4 juin. Pendant ce temps, la mobilisation se poursuit. Outre les piquets le matin devant l'entreprise et des rencontres en ville avec la population, une forte délégation des employés devrait se rendre mercredi prochain, 30 mai, à Darmstadt, siège allemand de la multinationale, pour manifester sa colère.
Une nouvelle assemblée est prévue le lendemain. «Elle décidera si la phase de consultation est prise au sérieux ou s'il faut prendre des mesures plus musclées», indique Alessandro Pelizzari.

SH