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Le fléau du harcèlement au travail

La violence et le harcèlement au travail sont un véritable fléau. Selon une étude dévoilée par l’Organisation internationale du travail (OIT) en décembre dernier, plus d’une personne sur cinq ayant un emploi a été victime de violence ou de harcèlement d’ordre physique, psychologique ou sexuel. Cette enquête révèle aussi les difficultés des personnes concernées à parler de ce qu’elles subissent, par honte, par sentiment de culpabilité, par manque de confiance envers les institutions ou simplement parce que les comportements des personnes violentes ou des harceleurs sont banalisés ou considérés comme «normaux». D’après l’étude, seule une victime sur deux a réussi à exprimer ce qu’elle endurait.

La violence et le harcèlement psychologiques – ou mobbing – concernent près de 18% des salariés et des salariées, alors que la violence et le harcèlement physiques en touchent 8,5%, dont un plus grand nombre d’hommes. La violence et le harcèlement sexuels affectent 6,3% des personnes interrogées. Les femmes y sont plus fortement exposées. Selon l’enquête, les jeunes et les migrants et migrantes sont les plus enclins à être atteints par ces diverses formes de violence et de harcèlement.

Si cette étude a été menée à l’échelle mondiale, la situation en Suisse n’en est certainement pas très éloignée. Combien de salariées ou de salariés, victimes de violence ou de harcèlement psychologiques, physiques ou sexuels osent dénoncer leur situation? Combien disparaissent de leur place de travail, et n’y reviennent plus après de longs mois d’arrêt «maladie», tant le climat et les pressions sont insoutenables? On le sait, la violence et le harcèlement au travail sont dévastateurs. Que ce soit le fait d’un collègue, d’un chef ou d’une institution. On l’a vu de manière dramatique avec la vague de suicides chez France Télécom à la fin des années 2000.

Face à un tel fléau, l’OIT a adopté, en 2019, une convention sur la violence et le harcèlement. En préambule, cette Convention n°190 reconnaît notamment que le harcèlement et la violence dans le monde du travail peuvent constituer une violation des droits humains, et que les Etats membres sont responsables de promouvoir un environnement de «tolérance zéro» face à ces comportements pour en faciliter la prévention. La convention interdit ensuite toute forme de violence et de harcèlement au travail. Elle précise également que chaque personne a le droit d’évoluer dans un monde professionnel exempt de telles pratiques.

Alors que 32 pays ont déjà ratifié la Convention 190, le Conseil des Etats doit en débattre en septembre, lors de la session d’automne, après un premier refus l’an passé. Le Conseil national avait quant à lui donné son feu vert à une large majorité. Le projet revient donc devant la Chambre des cantons. Mais certains sénateurs persistent et signent. La semaine dernière, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, et tout particulièrement ses élus de droite, se sont illustrés en recommandant à la Chambre haute de rejeter à nouveau cette ratification. Le motif? Ils craignent que l’interprétation de la convention donne lieu à l’avenir «à des demandes diverses et variées risquant d’alourdir la législation suisse du travail»… On croit rêver, sachant que l’on baigne déjà dans une législation «light» et que la ratification de la Convention 190 n’implique aucun changement dans les lois helvétiques!

Une telle décision n’aurait pas qu’un effet néfaste pour l’image de la Suisse, pays hôte des organisations internationales et berceau de l’OIT, mais serait un nouvel affront pour les travailleuses et les travailleurs de ce pays, dont les droits sont reconnus sur le bout des lèvres, et encore. Elle serait révélatrice d’une politique délétère, complice des harceleurs, refusant tout progrès, même symbolique, pour contrer la violence, le harcèlement et les discriminations dans le monde du travail…