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Les chauffeurs doivent être payés comme les maçons

Unia a mené mercredi dernier une action d'information auprès des chauffeurs du chantier du Ceva

Un nouveau cas de sous-enchère salariale a été découvert sur le chantier du Ceva à Genève dont les maîtres d'œuvre sont le canton, la Confédération et les CFF. Unia a rappelé aux chauffeurs, beaucoup travaillant pour des sociétés françaises, qu'ils doivent toucher le même salaire que les maçons. L'un d'eux n'était payé que 1900 euros brut. Et il semble ne pas être le seul...

Travail en Suisse = salaires suisses! Sous cette devise, le syndicat Unia a mené mercredi dernier une action d'information devant les trois entrées du chantier du Ceva, aux Eaux-Vives à Genève, ce vaste chantier de construction de la ligne ferroviaire devant relier la gare Cornavin à Annemasse. Après une première affaire de grave sous-enchère salariale dénoncée en mai, un nouveau cas d'abus a été découvert. Un chauffeur, engagé par une société française de transport, n'a été payé que 1900 euros brut par mois, soit à peine 2400 francs, alors que la Convention nationale de la construction (CN) prévoit, pour Genève, un salaire de 5402 francs brut!
«Nous sommes venus dire aux chauffeurs venant de France comme aux chauffeurs suisses que leurs patrons sont assujettis à la CN et que celle-ci est obligatoire. Ils doivent leur payer le même salaire qu'à un maçon. Or beaucoup n'appliquent que les conditions du transport privé, ce qui revient à des salaires d'environ 1000 francs de moins, sans compter les entreprises françaises qui paient au tarif français», explique José Sebastiao, secrétaire syndical d'Unia qui, ce matin-là, avec ses collègues Tony Mainolfi et Lionel Roche, ont pu toucher une quarantaine de camionneurs en une heure sur la seule entrée où ils étaient présents.

Pointe de l'iceberg
«Nous avons reçu un très bon accueil des chauffeurs. C'était la surprise générale. Beaucoup découvraient qu'ils touchaient bien moins que ce qu'ils devraient gagner!» relève Tony Mainolfi, soulignant que la plupart des chauffeurs étaient Français. «Nous leur avons demandé de vérifier leur fiche de salaire», note le syndicaliste. Les tracts remis aux camionneurs rappellent les droits des chauffeurs, tant suisses que français, actifs dans la construction. Unia insiste encore sur le fait que la CN s'applique aux entreprises effectuant du transport «de et aux chantiers», c'est-à-dire à celles débarrassant le chantier de ses gravats ou venant livrer du sable ou d'autres matériaux, comme l'a d'ailleurs confirmé le Tribunal fédéral dans un arrêt de novembre 2009.
«La réaction des chauffeurs nous montre l'absence d'un contrôle sérieux sur un chantier qui devait être exemplaire», souligne Tony Mainolfi, qui pense que le cas de sous-enchère découvert récemment n'est que la pointe de l'iceberg des abus commis sur ce chantier, pourtant financé par la Confédération, l'Etat de Genève, les CFF, et en partie par la France. En mai dernier, le cas de trois travailleurs payés 1300 euros par mois avait déjà été dénoncé. Ces trois ouvriers, travaillant pour une société française engagée par le consortium SGC, l'entreprise principale du Ceva, ont vu leur situation rectifiée après qu'Unia ait soumis le dossier à la Commission paritaire.

Amélioration des contrôles en vue?
Le nouveau cas sera lui aussi soumis au contrôle de la commission. En parallèle, Unia va continuer à se battre pour obtenir de vraies garanties en faveur du respect des conditions de travail. Au printemps dernier, les trois syndicats genevois de la construction, Unia, le Sit et Syna, décidaient de geler leur participation à la Cellule d'accompagnement tripartite des travaux du Ceva (Cattc) car le Comité de pilotage, composé du canton, de la Confédération et des CFF, refusait d'entrer en matière sur les recommandations de la Cattc. «Nous demandions la création d'un fonds social pour payer les ouvriers lésés, la mise en place de la responsabilité solidaire pour contrer les effets néfastes de la sous-traitance, et enfin la création de deux postes de contrôleur», explique Lionel Roche. Le gel de la participation syndicale semble porter ses fruits. Le 12 juin dernier, les syndicats ont été reçus par Michèle Künzler, conseillère d'Etat et présidente du Comité de pilotage. Le 5 août, cette dernière adressait un courrier aux partenaires sociaux. Elle y écrit qu'un compte social, doté d'une somme de 500000 francs, serait activable de suite en cas de besoin. Et s'engage à soutenir devant le Comité de pilotage, qui se réunira le 18 octobre prochain, la demande d'intégrer une clause de responsabilité solidaire dans les contrats des travaux du second œuvre qui seront bientôt attribués et à défendre la création de deux postes de contrôleur dédiés entièrement au Ceva. «Le gel de notre participation a eu un effet positif, se réjouit Lionel Roche. Mais nous attendons de voir si ça se concrétise en octobre. Et nous continuerons à faire pression.»


Sylviane Herranz