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L'initiative soutient notre vision de justice salariale

Membre du comité directeur d'Unia, Pierluigi Fedele explique les raisons qui conduisent le syndicat à soutenir 1:12

Le 24 novembre prochain, la population sera appelée à se prononcer sur l'initiative «1:12 - pour des salaires équitables» lancée par la Jeunesse socialiste. Ce texte demande qu'au sein d'une entreprise, le salaire le plus élevé n'excède pas plus de douze fois le plus bas. Rejeté par le Conseil fédéral et les parlementaires, ce projet rencontre le soutien des syndicats.

En 2012, les écarts salariaux se sont à nouveau creusés, passant d'une proportion de 1:120 en 2011 à 1:135. Cette même année, la moyenne des revenus des top managers s'est élevée à 7,4 millions, soit une augmentation de 13,5%, alors qu'au bas de l'échelle, les salaires ont stagné avec une hausse de 0,7%, à un niveau inférieur à l'évolution de l'ensemble de l'économie (+0,8%). Ces chiffres ressortent d'une enquête menée par Unia depuis 2005 dans 41 des plus grosses entreprises suisses cotées en Bourse. Dénonçant une «mentalité de self-service persistante» et des prestations de patrons sans rapport avec les sommes perçues ou les bénéfices de l'entreprise, le syndicat se positionne clairement en faveur de l'initiative de la Jeunesse socialiste. Explications avec Pierluigi Fedele, membre du comité directeur d'Unia.

questions/réponses

Pourquoi Unia soutient-il l'initiative 1:12?
Car elle correspond à notre vision de justice salariale et de justice sociale plus généralement. Comme le démontre notre étude, les écarts entre revenus ne cessent de se creuser en Suisse avec des top managers qui touchent d'un côté des salaires indécents et, de l'autre, des employés qui peinent à nouer les deux bouts. L'initiative répond à un souci d'équité et de justice.

Un projet vraiment réaliste?
Il est en phase avec l'aspiration des salariés à qui l'on demande tout le temps de faire des sacrifices. Ils en ont assez. Les problèmes ne se situent pas seulement dans le monde financier et bancaire mais aussi dans l'industrie, par exemple dans la chimie, qui concerne directement Unia et un nombre important de travailleurs.

Les opposants à l'initiative estiment que son acceptation affaiblirait l'attractivité de la Suisse et menacerait les emplois. Ils n'hésitent pas à parler d'autogoal...
A chaque fois que des mesures sont proposées pour une plus grande justice sociale, on assiste au même discours, à savoir que celles-ci plomberaient l'économie et mettraient en danger les emplois. L'introduction des congés payés, dans la première moitié du siècle passé, devait détruire l'économie... Et avec l'initiative 1:12, peu d'entreprises sont concernées par la problématique.

Vous ne craignez pas, comme le prédisent les détracteurs, que le projet entraîne un départ des entreprises de Suisse et qu'il freine l'implantation de nouvelles...
Je ne le pense pas. La décision d'implanter une entreprise n'est jamais basée sur une seule cause. Notre pays est attractif à plus d'un titre et notamment pour sa fiscalité, sa stabilité et son cadre économiques, une certaine paix sociale et une législation sur le travail très libérale.
Je ne crois pas à l'épouvantail de la délocalisation brandi par les opposants. Du pur chantage.

Les trous que prédit l'Union Suisse des arts et métiers (USAM) dans les assurances sociales et l'impôt fédéral indirect ne vous inquiètent pas davantage?
Non. Les chiffres de l'Usam sont exagérés (ndlr, selon l'Usam, un manque de 2,5 milliards à l'AVS et plusieurs milliards au fisc). Elle part du principe que l'argent qui n'arrive pas dans les poches des managers va «disparaître». S'il est redistribué aux salariés, il repartira naturellement dans le circuit fiscal et des assurances sociales.

Si l'initiative est adoptée, il faudra mettre en place des contrôles. Quel sera son coût administratif?
Un coût négligeable, les structures étant déjà existantes. En ce qui concerne les contrôles, il en faut de toute façon plus. Nous l'avons réclamé à plusieurs reprises dans le cadre des mesures d'accompagnement de la libre circulation. La vérification des salaires de quelques patrons ne va pas générer des coûts supplémentaires.

Vous liez aussi l'initiative 1:12 à celle des syndicats sur les salaires minimums. Pourquoi?
Il s'agit des deux faces d'une même médaille. Toutes deux relèvent de la justice sociale. Vu la difficulté à obtenir des augmentations décentes, surtout pour les petits salaires, l'application de l'initiative 1:12 permettrait de dégager 150 millions de francs sur les hauts salaires et de les redistribuer vers le bas.

En comparaison avec la crise secouant plusieurs pays voisins, le modèle helvétique fonctionne plutôt bien, le pouvoir d'achat y est élevé. Faut-il vraiment une intervention étatique en matière de salaires?
C'est sans tenir compte des 400000 personnes qui, bien que travaillant à plein temps, n'arrivent pas à s'en sortir. C'est aussi en oubliant le million de personnes qui se trouvent au seuil ou presque de la pauvreté, marginalisé. Dans ce cadre, le discours patronal qui consiste à dire que quelles que soient les conditions de travail et salariales, l'important c'est l'emploi, revient avec force. Ce discours n'est pas acceptable. Ce n'est pas la vision syndicale d'un modèle gagnant.

Le peuple aura le dernier mot le 24 novembre prochain. Quels sont vos pronostics?
Nous avons de solides chances de gagner. La tendance est positive. On l'a constaté aussi avec l'acceptation de l'initiative Minder. Nombre de Suisses en ont assez des rémunérations abusives. Et cet élan n'est pas près de s'interrompre, l'étape suivante étant l'initiative pour le salaire minimum.


Propos recueillis par Sonya Mermoud