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Marcel Turrian le bonheur pour cible

Plusieurs fois champion d'Europe l'archer Marcel Turrian compte de nombreuses cordes à son arc

Une collection d'appareils de photo, une autre de montres, des étagères remplies de livres, des instruments de musique... L'appartement de Marcel Turrian témoigne de ses nombreux centres d'intérêt. Mais c'est l'archer qui a d'abord piqué notre curiosité. Un archer plusieurs fois récompensé pour son excellence en la matière. Au niveau suisse et européen. Entouré de trophées - entre coupes, gobelets et médailles, dont de nombreuses en or -, ce Vaudois de 70 ans précise toutefois d'emblée: «Je ne les ai pas tous gagnés. Plusieurs ont été remportés par mon épouse. Au début, elle se contentait de m'accompagner. Puis, elle s'y est mise aussi.» Avec un succès égalé. Dans un pas de deux qui conduit encore ponctuellement le couple à l'étranger, pour se mesurer, chacun dans sa catégorie, à d'autres compétiteurs. Un intérêt pour le tir à l'arc - qualifié aussi bien de sport que de philosophie - que Marcel Turrian cultive depuis l'enfance. «Gamin, j'étais fasciné par Robin des bois. Je m'étais confectionné un arc. Puis, à 15 ans, j'ai assisté à un championnat suisse. J'ignorais alors qu'il existait des compétitions dans ce domaine.» De quoi ravir l'adolescent d'alors qui devra patienter encore 18 ans avant de pouvoir s'initier à cet art.

Foi ébranlée
A la fin de ses études de technicien en génie civil, Marcel Turrian part travailler à Rome comme... garde du pape, marchant dans les traces d'un de ses oncles. «J'étais attiré par la ville et je trouvais l'idée originale. En plus, je ne souhaitais pas poursuivre l'école de recrues et devenir sous-officier. En choisissant cette voie, j'échappais à cette issue même si, de retour au pays, je n'ai pu m'y dérober», explique Marcel Turrian qui remplit les exigences pour le poste convoité au Vatican. Un corps athlétique, une éducation catholique... mais ses croyances résisteront mal à l'expérience. «J'avais le sentiment d'évoluer dans des histoires de rois de France, avec des jeux de cour, de pouvoir. Trop de richesses, d'œillères... En tout cas, avec toutes les messes que j'ai subies, je n'ai plus besoin d'aller à l'église», sourit le hallebardier d'alors, non sans narrer quelques anecdotes. Les appareils de photo qui crépitent, les billets doux glissés dans ses poches par des visiteuses sous le charme, l'admiration que lui vouent des personnes âgées fascinées à l'idée qu'il ait rencontré Paul VI... Au terme de deux ans de mission, le garde jette toutefois l'éponge et rentre à Lausanne où il décroche un job dans son domaine. Dix ans s'écoulent alors encore avant qu'il ne suive des cours de tir à l'arc. Une discipline beaucoup plus difficile qu'il ne l'imaginait...

Marcel des bois...
«Elle nécessite une bonne condition physique. De la force musculaire et du souffle, comme on tire en apnée, pour la stabilité», précise l'archer tout en relevant aussi l'importance du mental dans l'exercice de cet art. «La concentration est essentielle. Il faut faire le vide dans son esprit, se dégager de toutes contraintes et contrariétés. Un peu comme la méditation.» Des conditions qui, remplies, offrent leur lot de bien-être et de satisfaction. Satisfaction d'autant plus grande que Marcel Turrian privilégie le tir à l'arc en forêt, où il a obtenu les meilleurs résultats, cumulant les titres de champion dans cette catégorie. «C'est ce que je préfère, les parcours dans la nature. On est confronté à différentes situations. Les distances, les paysages varient», poursuit le médaillé avant de montrer plusieurs types d'arc de sa collection. «Le matériel a beaucoup évolué. L'arc à poulies généralement utilisé permet de réduire la tension musculaire et de mieux viser.» Cette arme de jet sophistiquée n'empêche pas Marcel Turrian de recourir aussi au «longbow» ou arc droit en bois, au style sobre, épuré, impliquant un effort musculaire beaucoup plus intense et un «tir à l'instinct». «Privé de viseur, on ne regarde que le but à atteindre.»

Emotions plurielles
Le morbier, souvenir de la grand-mère de Marcel Turrian, égrène, morne, les secondes. Tic-tac qui n'a plus rien de stressant pour le retraité qui - s'il réalise encore ponctuellement des mandats pour son ex-employeur - apprécie aujourd'hui échapper aux «horaires déments» d'avant. «Je me demande comment je m'organisais», lance le jeune septuagénaire, en pensant à tous ses hobbys. Comme la lecture, avec une préférence pour les ouvrages historiques et les polars; la musique - l'homme joue de l'accordéon et, depuis quelques années, de la trompette et du cor des Alpes; les balades en nature, avec une prédilection pour les espaces déserts; la photo, sa première passion ou encore les voyages, et en particulier la visite de parcs nationaux... D'autres émotions, d'autres sensations que celles que lui procure le tir à l'arc, toutes néanmoins fédérées par l'insatiable curiosité de Marcel Turrian. Qui appréhende la vie avec optimisme, préférant voir le verre à moitié plein que l'inverse. «J'ai tendance à le remplir avant qu'il ne se vide», rigole l'archer qui sait faire flèche de tout bois pour mettre du bonheur dans son quotidien. «Avoir du plaisir à ce que l'on effectue rend heureux.» Cible qui semble le plus souvent atteinte par Marcel Turrian, puisqu'il conclut par un «pourvu que ça dure»...

Sonya Mermoud