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Merci Bellinzone !

Mobilisation pour le sauvetage des emplois de CFF Cargo: dans grève, il y a rêve...

Les ouvriers des Ateliers CFF Cargo de Bellinzone ont réussi le tour de force de s'attirer en quelques jours le soutien de tout un canton et à lézarder la détermination de la direction générale des CFF. Visite sur les lieux le mercredi 12 mars - 6e jour de grève - pour essayer de comprendre la recette de ce succès syndical.

«Il y a un attachement à ces ateliers CFF de la part de la population de la région que je ne soupçonnais pas.» En entrant, ce mercredi 12 mars dans l'enceinte des Ateliers CFF Cargo de Bellinzone, contrôlée 24 heures sur 24 par les piquets de grève, Pietro Gianolli, secrétaire syndical SEV, observe ébahi la foule venue soutenir les grévistes. L'atmosphère de Bellinzone est tout imprégnée par cette grève. Chaque train qui passe devant les ateliers siffle. De quoi attraper la chair de poule. «Aujourd'hui, les grévistes ont organisé une journée portes ouvertes pour les enfants et les familles; ça ne désemplit pas!» Tout en causant, Pietro Gianolli se dirige vers la salle où se réunit le comité de grève «Giù le mani dalle Officine!» Une dizaine d'ouvriers et quatre secrétaires syndicaux, les traits tirés, les voix cassées, sont presque tous pendus à leur téléphone portable. La conférence de presse qui s'est tenue à Berne à l'issue de la table ronde convoquée par Moritz Leuenberger vient de se terminer. Les politiciens et les journalistes bombardent de coups de téléphone les membres du comité de grève.

Le poids des mots
La rumeur court que la direction des CFF serait prête à revoir sa stratégie de restructuration, à condition que Bellinzone mette fin à la grève. Après une semaine de ligne dure, les dirigeants des CFF mollissent.
Tout d'un coup, le silence s'installe dans la pièce. Gianni Frizzo, président du comité «Giù le mani dalle Officine» prend la parole. «Qu'est-ce qu'ils disent ces politiciens, que les CFF sont prêts à revoir leur stratégie, ou sont-ils prêts à renoncer à leur stratégie? Attention, parce qu'ici les mots ont leur importance!» S'ensuit une longue discussion, essentiellement en patois tessinois, entrecoupée par d'innombrables sonneries de téléphone, sur la stratégie à adopter face à cette nouvelle donne. Matteo Pronzini, secrétaire syndical d'Unia, s'agite. «Les médias veulent savoir ce qu'on va décider.» Un cameramen s'introduit dans la salle. «Dehors s.v.p., pour l'heure nous n'avons rien à communiquer.» Sans avoir besoin de passer au vote, le comité décide, à l'unanimité, de proposer à l'assemblée du personnel qui aura lieu le lendemain matin de poursuivre la grève. Et il faudra que la direction des CFF se déplace à Bellinzone et négocie «à visage découvert» avec les grévistes. Angelo Stroppini, secrétaire syndical SEV, rédige le communiqué de presse. La séance est levée.

«Résistons!»
Dans la grande halle des ateliers, les grévistes avec leurs familles, des habitants de la région et les médias, attendent la déclaration de Gianni Frizzo. Une immense banderole a été déployée sur une locomotive, on peut y lire: Touche pas à mon papa. Chemise à carreaux, barbe et cheveux grisonnants, Gianni Frizzo, «notre leader» - comme l'a annoncé à la foule l'un de ses collègues - monte sur le podium sous les applaudissements. «Cela ne nous intéresse pas de gagner une bataille, nous voulons gagner la guerre! Résistons! Résistons! Résistons!» La foule reprend les slogans. Le comité de grève - sans les secrétaires syndicaux - entoure Frizzo, s'embrasse, se tape les mains, forme un cercle serré comme des joueurs de basket.
Ce n'est qu'une pause. La partie n'est pas terminée. Le regard de tous les Tessinois et de nombreux Suisses est tourné vers cette sacrée équipe. Quelques jours avant Pâques, elle a réussi à imposer un chemin de croix à la direction des CFF et à racheter un monde du travail trop souvent victime de décisions absurdes des top-managers. Grazie Bellinzona!

Alberto Cherubini