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Merck Serono fin du conflit social

Réunis en assemblée générale le 9 août, les employés ont accepté le protocole d'accord

Après trois mois et demi de lutte exemplaire, les travailleurs de Merck Serono ont décidé de mettre un terme au conflit autour du plan social en acceptant l'accord négocié avec la direction entre le 2 et le 8 août. Si la hausse des indemnités de licenciement n'a pas été obtenue, le personnel a malgré tout réussi à arracher quelques ultimes améliorations du plan social. Entre fierté et frustration, le bilan tiré par les employés et par Unia est mitigé. Réactions à l'issue de l'assemblée.

Après plus de cent jours de mobilisation, les «Merck Serono» ont accepté l'accord issu du dernier round de négociations avec la direction sous l'égide du Conseil d'Etat genevois, mettant fin au conflit autour du plan social. Cette décision, qui met également un terme à toute mesure de lutte, a été prise par une large majorité de l'assemblée puisque sur 340 employés présents, seulement 30 ont refusé le protocole et 33 se sont abstenus.
Le nouveau plan social avalisé, négocié lors de quatre séances tenues entre le 2 et le 8 août, conserve toutes les améliorations obtenues jusque-là et comprend quelques nouveautés.

Pas d'augmentation de la prime de départ
D'abord, les employés seront libérés de l'obligation de travailler pendant leur dernier mois de préavis afin de se consacrer pleinement à la recherche d'un nouvel emploi. La direction a par ailleurs renfloué d'1 million de francs le fonds de reclassement et de formation qui sera géré par les autorités, le portant à 2 millions. Enfin, elle s'est engagée à soutenir la création d'un institut de biotechnologie issu des travaux de la task force et a accepté de céder la somme de 100 000 francs pour financer l'étude de faisabilité de ce projet. Néanmoins, la direction a refusé de céder sur la prime de départ, l'une des revendications majeures du personnel, la maintenant à un mois de salaire par année d'ancienneté. Rappelons que les dirigeants avaient déjà balayé la recommandation de la Chambre des relations collectives de travail qui les invitait à remonter cette indemnité à 1,25 mois de salaire par année de service. Cela dit, la représentation du personnel et le syndicat estiment avoir obtenu des «avancées significatives». «On nous a d'abord donné des cacahuètes, puis des pistaches. Aujourd'hui on a un apéro qui commence à tenir la route», a imagé Hubert Godinot, délégué du personnel. «Sauf qu'il manque toujours le saucisson», chuchote un employé dans l'assemblée.

«Pas une vraie victoire»
A la fin du vote, dans la halle Sécheron, les démonstrations de joie ou de soulagement se font rares. Ayant joué toutes leurs cartes, et le mouvement s'essoufflant, les personnes présentes ont souvent voté oui à contrecœur, convaincues qu'elles n'obtiendraient rien de plus, et gardent un goût amer. «On a fait beaucoup, on a tenu longtemps. On n'a jamais vraiment eu ce que l'on voulait mais je ne suis pas persuadé qu'on aurait eu plus», lâche Hubert Godinot. Corinne, également représentante du personnel, poursuit : «On a tous le moral dans les chaussettes mais il faut se dire que nous avons quand même accompli quelque chose d'extraordinaire!» Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d'Unia Genève, parle de deuil. «Le bilan est mitigé car d'un côté, la mobilisation des employés mérite le respect de tous, mais d'un autre, il y a la frustration d'avoir perdu la lutte contre la disparition des 1500 emplois.»
L'émotion est palpable. Les employés présents ont du mal à réaliser, certains laissent échapper des larmes. «Ce n'est pas une vraie victoire mais il faut savoir se retirer avant de tout perdre», lance l'une d'entre eux. Stéphane, lui, était indécis au moment du vote: «Ni l'un ni l'autre n'était franchement acceptable. Il y a eu beaucoup d'efforts faits pour quelques progrès qui ne sont pas négligeables mais je garde une certaine amertume car les leviers activés n'ont pas eu les effets escomptés.» Pour Hanne, le mouvement s'était trop affaibli: «Ça fait mal au cœur mais il faut être réaliste: si on n'est pas assez nombreux à bouger, nos actions n'ont plus de pouvoir.»
Lara retiendra de son côté la belle aventure humaine de cette expérience: «On peut être fier de tout ce que l'on a fait, personne ne s'attendait à un tel mouvement de la part de «cols blancs», comme on nous a appelés. C'est une grande victoire humaine.» Au niveau syndical, il faut en tirer des leçons, pense Alessandro Pelizzari: «Unia a prouvé qu'il était capable d'organiser cette catégorie de travailleurs» Une piste sur laquelle le syndicat pourrait être amené à réfléchir.

Réviser le cadre légal
Si la fin d'une des luttes les plus remarquables de l'histoire récente de l'industrie suisse a été proclamée, le combat au niveau national ne s'arrête pas là. «Cette mobilisation a démontré les limites du cadre légal, qui ne nous donne aucun moyen d'action pour défendre des salariés victimes de licenciements collectifs, indique Alessandro Pelizzari. De là, il y a une envie d'utiliser cette expérience pour tenter de faire bouger les lois.» Pour ce faire, l'idée de constituer un comité national en faveur d'une révision du Code des obligations a été lancée, ainsi qu'un appel à participer à la manifestation de l'industrie à Berne le 22 septembre prochain. «J'espère que cela aura des effets positifs et qu'une vraie réflexion sur l'industrie suisse aura lieu, rebondit Stéphane. Il faut faire comprendre que les multinationales sont les bienvenues mais qu'elles ne peuvent pas faire n'importe quoi, qu'elles doivent respecter des règles.»


Manon Todesco