Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Neuchâtel ouvre la voie au salaire minimum

Les citoyens neuchâtelois ont accepté à 54,6% d'inscrire le principe du salaire minimum dans leur Constitution cantonale

Neuchâtel rejoint le Jura dans l'inscription dans sa Constitution du principe du salaire minimum. Mais la loi d'application pourrait tarder tant il sera difficile de fixer un montant qui convienne aux partis de gauche et aux syndicats tout autant qu'au Conseil d'Etat et au patronat opposés au principe. A Genève, par contre, les citoyens ont rejeté l'initiative.

C'est une victoire pour la gauche et les syndicats. Le 27 novembre dernier, les Neuchâtelois ont décidé d'inscrire le principe d'un salaire minimum dans leur Constitution.
Un premier pas essentiel. Mais la mise en œuvre de la loi augure de longues et âpres discussions. Le Conseil d'Etat neuchâtelois doit réunir les différentes parties autour de la table pour notamment fixer le montant du salaire minimum. Les autorités parlent déjà de risques de délocalisation s'il est trop élevé. Or les partis de gauche et les syndicats sont unis pour un salaire à 4000 francs.
«Chaque travailleur doit pouvoir vivre d'un salaire à plein temps sans devoir demander des compléments aux services sociaux», relève Catherine Laubscher, secrétaire régionale d'Unia Neuchâtel. «Les autorités doivent entendre que la population est inquiète pour les salaires et que cette question n'est plus seulement individuelle mais collective et politique.» En Suisse, quelque 10% des salariés auraient recours à l'aide sociale, leurs revenus étant en dessous des minima. L'Etat prend donc à sa charge les mauvaises conditions salariales des entreprises.

Refus des Genevois
Le résultat neuchâtelois est de bon augure pour l'initiative nationale pour un salaire minimum de 4000 francs qui sera déposée début 2012 avec plus de 120000 signatures. Reste qu'après le refus des Vaudois ce printemps à 51% à un salaire minimum cantonal, les Genevois ont, à leur tour, balayé un même projet avec 54,2% des voix. Un résultat qui s'explique selon Pierre Vanek, militant du comité d'initiative et de Solidarités Genève, par «une campagne patronale de désinformation, de mensonge et de chantage». Les arguments de la droite étaient notamment que l'initiative créerait une pression à la baisse sur les salaires, que le revenu minimum serait fixé à 2500 francs, et que les CCT pourraient être liquidées en cas d'acceptation de l'initiative.
Ces arguments ont aussi été entendus dans le canton de Neuchâtel. «Les milieux patronaux ont été particulièrement agressifs. Mais leurs arguments étaient si mensongers et arrogants que la population n'a pas été dupe», estime Catherine Laubscher. La secrétaire régionale explique aussi la différence du scrutin entre les deux cantons par le niveau des revenus plus faible dans le canton de Neuchâtel. Le droit de vote cantonal des étrangers dans le canton, inexistant dans le canton de Genève, serait une autre explication possible selon Pierre Vanek. Reste que les deux cantons se rejoignent concernant le faible taux de participation (34%).
Autre sujet de votation à Genève et ironie des nombres, un peu plus de 54% des votants ont voté pour la réforme de l'aide sociale. Cela signifie l'abolition du revenu minimum cantonal d'aide sociale (Rmcas). Une défaite de plus pour la gauche et les syndicats qui avaient lancé un référendum contre cette réforme.

La spécificité jurassienne
La prochaine votation cantonale sur le revenu minimum se déroulera certainement dans le Jura, suite à une initiative de la jeunesse socialiste. Mais son contenu n'est pas le même que dans les trois autres cantons, puisque le Jura a intégré le principe du revenu minimum dans sa Constitution au moment de sa création en 1976. Cependant, plus de trente ans après, le canton n'a toujours pas de loi d'application. «Avec une majorité politique de droite, les motions et les postulats pour une loi ont toujours été refusés sous prétexte, comme partout ailleurs, que le revenu minimum était inapplicable. C'est tout aussi aberrant que le non-respect de l'égalité homme/femme pourtant inscrite dans la Constitution fédérale», explique Pierluigi Fedele, secrétaire régional Unia Transjurane.
L'initiative déposée en 2010 demande donc une loi d'application et indique, autre spécificité jurassienne, que le salaire minimum devrait être calculé en fonction du salaire médian de chaque branche. «L'idée est d'avoir un taux fixe, mais il n'est pas précisé dans l'initiative», explique Loïc Dobler, secrétaire syndical à Unia et président du comité d'initiative. Selon lui, la votation devrait avoir lieu d'ici fin 2012 et n'entre donc pas en collision avec l'initiative nationale. Surtout, le potentiel de victoire est d'autant plus élevé que les salaires jurassiens sont les plus bas de Suisse.

Aline Andrey