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Non à un nouveau cadeau fiscal aux plus favorisés

L'Union syndicale suisse dénonce un projet de réforme en faveur des entreprises et de la finance

L'Union syndicale suisse (USS) dénonce l'absurdité économique et l'iniquité aveuglante du nouveau projet de réforme de l'imposition des entreprises. Ce projet consiste à alléger de 15% l'imposition de leurs bénéfices et de supprimer les droits de timbre, au profit de la place financière. L'USS évalue le prix de ce cadeau à environ 7 milliards de francs. A charge de la collectivité.

Pas question d'accepter une «nouvelle escroquerie fiscale sur le dos de la population». C'est en ces termes que le président de l'Union syndicale suisse (USS), Paul Rechsteiner, a dénoncé la semaine dernière lors d'une conférence de presse tenue à Berne, le projet de nouvelle réforme fiscale des entreprises.

Enorme cadeau fiscal
Cette 3e réforme, si elle se concrétise sous la forme que préconisent aujourd'hui l'organisation patronale économiesuisse et les partis de droite, déboucherait sur un «cadeau fiscal d'une ampleur énorme» en faveur des entreprises et de la place financière suisse, relève Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS. Et pour cause, ces milieux voudraient d'une part abolir intégralement les droits de timbre, ce qui représenterait un trou de 2,5 à 3 milliards de francs au détriment de la Confédération et au profit de la place financière helvétique. Ils voudraient d'autre part baisser de 15% les impôts sur les bénéfices des entreprises, ce qui creuserait un trou de 4 à 5 milliards de francs dans les caisses des cantons. Pour justifier ces cadeaux, ils invoquent les exigences d'harmonisation fiscale formulées par l'Union européenne dans le but d'empêcher que des régimes d'exception et des niches de privilège ne continuent à fausser la concurrence.
Or cette justification ne tient pas la route. «La Suisse connaît depuis longtemps déjà l'imposition des entreprises la plus faible du monde: elle ne pourra pas améliorer sa position par rapport aux autres places économiques en la réduisant encore plus», souligne Daniel Lampart, lequel dénonce, dans ce projet, non seulement une injustice fiscale au profit des mieux lotis mais également une absurdité économique. Une étude de l'USS montre en effet qu'il ne répond à aucun besoin et qu'il n'apportera rien à l'économie réelle. Il ne servira qu'à enrichir davantage les couches les plus aisées tout en transférant la charge fiscale sur la population aux revenus moyens ou faibles.

Eviter un nouveau scandale
Il n'y a pourtant aucune raison d'exonérer les entreprises et sociétés financières de leurs responsabilités publiques. «Les entreprises ont non seulement des droits mais aussi des devoirs», plaide Paul Rechsteiner. «Elles attendent de l'Etat qu'il leur fournisse des infrastructures, que l'état de droit fonctionne et que les gens soient formés. Les entreprises doivent donc à l'avenir aussi participer à nouveau de manière appropriée aux coûts induits par les prestations publiques. Ces derniers ne doivent plus exclusivement ou toujours davantage être pris en charge par les personnes physiques.»
Ce projet est d'autant plus inacceptable qu'il intervient à peine quatre ans après le scandale de la 2e réforme de la fiscalité des entreprises, acceptée de justesse par le peuple (50,5%) en 2008. Pour mémoire, le Conseil fédéral avait déclaré avant le scrutin que cette réforme n'entraînerait que 84 millions de perte fiscale alors qu'elle s'est élevée en réalité à plusieurs milliards. Le Tribunal fédéral avait reconnu dans cette affaire un grave dysfonctionnement démocratique, sans pour autant conclure à l'annulation de ce vote biaisé.
L'économie suisse n'a pas besoin d'un nouveau cadeau fiscal mais plutôt d'une véritable politique économique et industrielle basée sur l'emploi de qualité, la recherche, la formation, les technologies vertes et des investissements non spéculatifs. Et ce n'est pas en privant les collectivités publiques des impôts des plus favorisés qu'on parviendra à atteindre de tels objectifs.


Pierre Noverraz