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Retard dans les salaires: des carreleurs suspendent le travail

Mandaté par la trentaine d'ouvriers d'une entreprise de carrelages à Marin, Unia exige des garanties salariales

Poussés à bout par de trop fréquents retards dans le paiement de leurs salaires, une trentaine d'ouvriers de l'entreprise Intradomun, à Marin, ont cessé le travail pendant la journée du 8 mai pour exiger le versement du salaire d'avril. Face à un ultimatum lancé par Unia, le patron a fini par payer la quasi-totalité de ce qu'il devait. Mais il n'a pas donné de garanties pour l'avenir et doit encore rembourser des arriérés sur les cotisations sociales. Huit ouvriers ont quitté l'entreprise. Le syndicat exige du patron qu'il remplisse ses obligations et respecte la convention.

«J'en ai marre de toujours devoir réclamer mon salaire. A chaque retard, c'est la même histoire, il prétend m'avoir déjà versé l'argent à la banque et quand je vais contrôler, il n'y a rien. J'ai des factures à payer, une famille à nourrir, c'est plus possible de vivre comme ça. Je ne comprends pas qu'on ne puisse pas nous payer normalement alors que nous sommes débordés de travail. Des promesses, on en a assez entendues, maintenant, il nous faut des actes!». Ce matin du 8 mai, dans les locaux d'Intradomun, entreprise de carrelages à Marin, ce travailleur laisse parler sa colère, son dépit. Comme 26 autres de ses compagnons, il est bien décidé à ne plus travailler tant qu'il ne touchera pas son salaire.

Garanties exigées
Et le salaire n'est pas seul en cause. «Il y a aussi des repas impayés, des jours de vacances non accordés, des jours de maladie non dédommagés», déplore Fabien Vuillème, secrétaire Unia Région Neuchâtel. Pire encore: «Nous avons découvert que le patron avait un important arriéré de cotisations sociales, notamment 180 000 francs environ à l'AVS, près de 100 000 francs à la Suva et des centaines de milliers de francs au deuxième pilier. Cette entreprise nous pose des problèmes depuis plusieurs années mais cette fois les agissements de son directeur sont devenus intolérables». Les ouvriers en arrêt de travail ont mandaté Unia pour défendre leurs droits. Se fondant sur des procurations signées par les travailleurs, le syndicat a donné un délai de 48 heures à l'entreprise pour payer les salaires d'avril. Il a également exigé la production de sûretés pour garantir le paiement des salaires à venir. Enfin, il a donné à la direction jusqu'au 16 mai pour se mettre en ordre avec les assurances sociales.
Sans doute sous l'effet de la pression, le patron a rapidement versé ses arriérés de salaire à la quasi-totalité du personnel. En revanche, il n'a donné aucun garantie pour l'avenir. Ayant repris le travail le 9 mai, les ouvriers sont convoqués le soir-même à une assemblée par le patron. Ce dernier, par le biais de deux avocats, interdit la présence du syndicat. Du coup, les travailleurs refusent d'y participer, à deux ou trois exceptions près. Le lendemain, lors d'une assemblée du personnel au syndicat, huit ouvriers, las, décident de quitter l'entreprise. «Nous avons contacté l'association patronale et nous avons tout de suite retrouvé une place pour la moitié d'entre eux. Dans une ou deux semaines, tout le monde devrait être recasé», constate Yvan Loichot, secrétaire Unia Région Neuchâtel.

«Pressions incroyables»
On pouvait raisonnablement s'attendre à ce que le patron adopte un profil bas. Tout au contraire, il se pose en victime. Dans une missive du 9 mai, il prétend «qu'aucun collaborateur n'a subi un préjudice», il parle d'un «comportement peu loyal» envers l'employeur, d'un «acte illicite», d'une «action disproportionnée». Il affirme que l'entreprise a subi un préjudice et se réserve le droit d'une action en justice et en dommages. «Au lieu de s'excuser, il accuse les autres et les menace» déplore Yvan Loichot.
Les avocats du patron ont adressé à chaque ouvrier une lettre recommandée dans laquelle ils leur demandent de prendre acte que leur salaire sera versé le 10 du mois suivant et qu'un acompte de 30% peut être accordé «selon les disponibilités de l'entreprise». L'employeur s'engage également à régler le décompte des assurances sociales pour le 30 juin 2007. Ceux qui n'accepteraient pas ces termes, dans les cinq jours, sont priés de prendre la porte.
Yvan Loichot est consterné. «L'article 323 du Code des obligations dit clairement que la rémunération est due au travailleur à la fin de chaque mois. Et ici, on voudrait obliger des ouvriers à violer cette disposition à leur détriment, sous peine de se faire licencier... c'est à peine croyable. Et pour les cotisations sociales: où est la garantie qu'elles seront réglées? Nulle part». Au moment où nous mettons sous presse (lundi), Unia continuait à se battre pour exiger le respect des travailleurs, de la législation et de la convention. Affaire à suivre.

Pierre Noverraz