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Servez-vous c'est gratuit

La dernière Gratiferia de Genève a drainé une centaine de personnes enthousiastes

Venue d'Argentine, la Gratiferia ou foire gratuite commence à se répandre dans différentes villes de Suisse romande. Son concept? Chacun apporte, s'il le souhaite des objets, vêtements, livres... dont il n'a plus l'utilité et peut se servir d'articles amenés par d'autres personnes. Aucune réciprocité n'est toutefois attendue. Des biens immatériels comme un partage de compétences peuvent également être proposés. Incursion sur un de ces marchés gratuits, à Genève, et témoignages.

Ilôt 13, dimanche 19 janvier 13h30. Dans ce quartier alternatif de Genève, pas loin de la gare, Cynthia Cochet et Sarah Irminger ont loué une salle pour une somme symbolique en vue d'accueillir la troisième Gratiferia de la ville du bout du lac. «D'habitude, elles ont lieu à l'extérieur, dans des parcs, afin de toucher un plus grand nombre de personnes, mais avec le froid...» expliquent les organisatrices de la foire et amies, réunies par un même idéal de solidarité et de partage. Et toutes deux adeptes du véganisme (excluant la consommation ou l'usage de tout produit issu d'animaux). «L'intérêt de ces rencontres? Le principe du don et de la gratuité. A l'ère du consumérisme à outrance et du tout jetable, la Gratiferia est un événement militant, positif, qui contribue à lutter contre le gaspillage et l'obsolescence des objets. Elle incite à la réflexion. Elle est aussi un lieu d'échanges et de convivialité», poursuivent Cynthia et Sarah, la première étant à la recherche d'un stage dans une crèche pour devenir éducatrice de jeunes enfants, alors que la seconde travaille comme animatrice indépendante dans des ateliers de théâtre et d'écriture.

En bon état
Le concept est le même que celui du vide-greniers, mais sans argent. Les participants offrent des affaires dont ils n'ont plus l'usage et se servent de ce qu'ils veulent. Mais il est aussi tout à fait possible d'arriver les mains vides. Aucune réciprocité n'est attendue. «La seule règle? Que les articles soient en bon état. Il ne s'agit pas d'un dépotoir», relèvent les jeunes femmes bénévoles tout en préparant les tables où seront déposés les articles de seconde main. Et peu après que Muriel Spira, enseignante à la retraite, la première à avoir mis sur pied une Gratiferia dans le canton, à Onex, les ait rejointes. Créatrice de la page Facebook qui les annonce à Genève, elle espère que l'idée fera encore des émules. «On travaille pour un monde meilleur même si ce n'est qu'une petite goutte d'eau dans la mer.»

Puces sans prix
Portant d'énormes sacs, cartons ou valises, les premiers participants - un noyau d'habitués - arrivent. Et échangent quelques mots amicaux avec les organisatrices avant d'étaler sur les tables vêtements, livres, souliers fraîchement cirés, objets décoratifs, jouets, claviers d'ordinateur, bijoux, lampe à huile, abat-jour... Présentés avec soin, pliés, alignés, tous les articles semblent de bonne facture. Petit à petit, l'espace se remplit. Les derniers venus doivent même exposer leur matériel dehors, dans une cour intérieure. Le tout disposé, les uns et les autres déambulent au cœur de ces puces qui n'ont pas de prix. Sur fond musical et en partageant thé, jus de fruit et gâteaux offerts par les bénévoles. Une participante essaie une paire de chaussures, son voisin feuillette un ouvrage d'art, une troisième est complimentée pour le manteau imprimé léopard qu'elle porte par son ancienne propriétaire. «Je suis ravie qu'il ait trouvé preneuse. Je l'ai peu mis...» Une petite fille, ravie de sa découverte, serre contre elle une énorme tortue en peluche qu'elle ne lâchera plus. Et alors que certains ont terminé leurs emplettes et s'en vont les bras chargés, d'autres refont un tour, s'attardent à discuter, tout aussi séduits par le caractère convivial de la rencontre que par l'offre. «Même si on ne prend rien, les échanges humains sont déjà un cadeau...» relèvent, enthousiastes, les organisatrices, ravies par l'affluence à cette Gratiferia promouvant une autre manière de consommer.


Sonya Mermoud

 

 

Témoignages
Caroline, masseuse thérapeute et Audrey Thorimbert, sa fille, future enseignante
«C'est la première fois que nous participons à une Gratiferia. On a été informées par la presse. C'est une bonne idée. Nous avons surtout amené des chaussures qui nous font mal aux pieds et des vêtements de saison, le tout en bon état. Des articles qui peuvent encore largement servir. Ce serait dommage de les jeter. Nous ne sommes pas là dans un esprit de débarras. S'ils ne sont pas pris, nous les ramènerons une prochaine fois.»
De son côté, Caroline emportera une théière pour une de ses amies qui en fait la collection alors que sa fille craquera pour un éventail.


Alexandra Girondeau, thérapeute en recherche d'emploi, accompagnée de sa fille Leïa

«J'aime particulièrement l'esprit de cet événement, opposé au gaspillage, focalisé sur le don et permettant de faire des rencontres. Je suis séduite par ce concept du recyclage et de la solidarité. J'ai surtout apporté des jeux pour enfants.»
La mère et sa fille partiront avec un coquillage et des vêtements.


Nicola Lazzari, collabore à l'ONG Graine de Paix

«Je donne des CD, des livres, des calculatrices... Je suis un habitué de la manifestation. J'aime cette idée, en dehors de tout consumérisme. Et sa convivialité. Je préfère nettement cette solution à la poubelle. Un recyclage social... Une femme a pris un bougeoir fait main par ma mère. Chouette!»
Nicola, après avoir laissé ses yeux «voyager», a choisi une statue africaine originale, qu'il est sûr qu'il ne trouvera nulle part ailleurs.


Yvan Angele, professeur et compositeur de musique et DJ

«Ce concept me parle. M'attire. Je suis sensible à la surconsommation. Ici, non seulement on ne jette pas mais c'est convivial. J'ai envie d'organiser cet événement dans mon quartier. C'est un ami qui m'en a informé. J'ai amené des claviers d'ordinateur, souris, chemises et T-shirt.»
Yvan ne partira avec rien, précisant être plutôt dans une dynamique de dépouillement.

Propos recueillis par SM