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Un demi-siècle d'engagement

La popiste Verena Berseth siège depuis 45 ans au conseil communal de Renens

Un jardin en pente, une large buanderie et des espaces pour étendre le linge au milieu des arbres en fleurs. En haut de l'escalier qui traverse ce havre de paix, la maison d'une lavandière en Provence? Non, d'une blanchisseuse dans la banlieue de Renens. La sonnette de la porte ne fonctionne pas, mais Verena Berseth ouvre une poignée de secondes plus tard. Son chien «Titi», un pitbull américain qu'elle a recueilli pour le sauver de l'euthanasie, ne cache pas sa joie.
Depuis 50 ans, elle est de toutes les causes, Verena Berseth. Fille de paysans bernois exilés en terres vaudoises, elle se souvient du travail à la ferme dès ses 12 ans, mais aussi de forts moments de liberté et de vagabondages entre champs, forêts et rivière. «Je crois que j'ai fait plus de bêtises que mes trois enfants réunis», rit-elle. Elle s'improvisera blanchisseuse indépendante, pour subvenir aux besoins de sa famille. Cinquante ans plus tard, à la retraite, elle continue d'offrir un service à domicile à des particuliers, et à un restaurant. Par nécessité financière, mais aussi par habitude et fidélité. «J'ai des clients qui sont devenus des amis, donc c'est aussi un moyen de les voir», explique celle dont la densité et la richesse du réseau social sont à la hauteur de son engagement, même si elle vit sans téléphone portable ni ordinateur.

50 ans d'engagement politique
Depuis 45 ans, Verena Berseth siège au Conseil communal sous les couleurs du Parti ouvrier et populaire vaudois (POP). Un record de longévité. «Je fais partie des meubles. Mais je représente aussi une mémoire. Parfois certains croient avoir inventé la roue, alors qu'il n'y a rien de neuf dans leur proposition», lance-t-elle espiègle. Dans les années 80, cette féministe convaincue sera la première municipale femme de Renens et l'une des rares à siéger dans une ville de plus de 10000 habitants. Députée pendant 17 ans au Grand Conseil, elle se présentera au Conseil d'Etat en 1984.
Si elle siège dans les parlements, elle aime surtout être sur le terrain, Verena, proche des gens. «C'est important de faire de la politique hors de la bulle parlementaire», souligne celle qui a rédigé des centaines de recours pour des requérants d'asile, dans le cadre du Service d'aide juridique aux exilés, et tient une permanence tous les mercredis soir au local de Rifondazione à Renens. Ce qui fait dire à Vincenzo Sisto, militant d'Unia Vaud et l'un de ses amis, qu'elle est «la grande sœur des communautés étrangères de Renens». Et même: «C'est une sainte, mais elle n'aime pas qu'on le lui dise.»

Active sur le terrain
«Il y a des choses à faire, donc on les fait», lance Verena pragmatique. Son auréole de cheveux blancs adoucit seulement en apparence son caractère de feu. Face aux injustices, la militante monte tout naturellement au front, pour soutenir des ouvriers en grève, éviter des expulsions de locataires ou de squatters, ou obtenir un permis de séjour. «Les jeunes, et les gens en général, ne s'engagent plus beaucoup. Il y a une montée d'individualisme encouragé par tous ces écrans chronophages», regrette-t-elle. Avant d'ajouter taquine: «C'est fou le nombre de députés qui jouent aux cartes sur leur ordinateur.» Son sens de l'humour et sa gaîté sont certainement sa porte de salut pour supporter les misères de ceux qu'elle soutient au quotidien. De toutes les pétitions et de toutes les manifestations, elle regrette de n'avoir pas eu le temps de participer à la mobilisation contre la spéculation sur les matières premières, et avoir été frappée, en janvier, de s'être retrouvée une fois de plus dans la rue pour défendre le droit à l'avortement. «C'est fou cette impression de recommencer encore et encore, avec ces partis d'extrême droite qui reprennent du poil de la bête... Et des socialistes de plus en plus centristes, qui ouvrent des portes à la droite.» Elle n'a jamais sa langue dans sa poche Verena Berseth. Pacifiste, elle avoue toutefois pouvoir être violente verbalement. «Je m'énerve souvent, mais généralement avec le sourire. Et je suis très têtue», précise-t-elle. «Je crois que beaucoup de gens me voient comme une anarchiste.» Lors de ses engagements, il lui est arrivé parfois d'être interpellée par la police. «Pour les jeunes policiers, je sais que ça leur fait bizarre: ils ont l'impression d'arrêter leur grand-mère», plaisante-t-elle. Aujourd'hui, celle qui aime travailler la terre a planté ses haricots, et a même confectionné un gâteau aux pommes pour ses invités. «Les gâteaux, ça réunit le monde», sourit cette grand-mère, aux nombreux petits-enfants, pas tout à fait comme les autres. Elle a averti ses locataires du dessus, des étudiants: «Je leur ai dit que s'ils faisaient trop de bruit... je monterais faire la fête avec eux.»


Aline Andrey