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Une source d’inspiration pour les politiques sociales

File d'attente pour récupérer un colis de nourriture.
© Thierry Porchet

L’Observatoire des précarités est lié aux conséquences de la pandémie qui, comme le souligne Alessandro Pelizzari, «a mis en lumière des inégalités et les situations de détresse particulièrement brutales et largement invisibles jusque-là». Comme ces files de personnes venues chercher des denrées de première nécessité en mai 2020 à Genève.

Piloté par la HETSL, un Observatoire des précarités vient d’être créé, visant à comprendre les causes de la pauvreté pour mieux les combattre. Explications avec Alessandro Pelizzari, une des chevilles ouvrières du projet

Premier du genre, un Observatoire des précarités a été créé dans la capitale vaudoise et sera fonctionnel dès le mois de mai. Celui-ci a vu le jour à l’initiative de la Haute Ecole de travail social et de la santé Lausanne (HETSL) et de ses partenaires. Il doit permettre de mieux identifier les facteurs de pauvreté – une personne sur six en est victime dans notre pays – afin de favoriser la recherche de mesures d’amélioration propres à la combattre. «Ce projet est lié aux conséquences du Covid-19. La pandémie a mis en lumière des inégalités et les situations de détresse particulièrement brutales et largement invisibles jusque-là. On se souvient tous de ces images choquantes de files de personnes patientant pour recevoir un sac de denrées alimentaires», explique Alessandro Pelizzari, directeur de la HETSL. «Nous avons alors souhaité, avec du recul, mieux comprendre la problématique, en répondant à la demande de nos partenaires de terrain, en premier lieu le Centre social protestant et Caritas, de créer un tel Observatoire. Aujourd’hui, plus d’une vingtaine d’organisations participent à la démarche, dont Unia», ajoute cet ancien syndicaliste, qui a occupé de nombreuses années le poste de secrétaire régional à Genève.

A l’abri par beau temps...

La crise sanitaire a en effet fait basculer dans la pauvreté des milliers de personnes confrontées à la précarité. Des indépendants mal protégés, des employés touchant des salaires de misère, des familles monoparentales, dont nombre de femmes, des temporaires, des étudiants effectuant de petits jobs, des sans-abri, des migrants, des sans-papiers... Une population hétéroclite méconnue des institutions, car passée sous le radar des autorités et n’apparaissant pas dans les statistiques fédérales. La raison tient notamment au fait qu’elle n’a pas recouru ou eu accès aux prestations sociales pour différents motifs: ignorance des droits, absence de permis de travail, etc. «Il s’agit essentiellement de gens qui développent des stratégies de survie qui résistent par beau temps mais non dans des situations extraordinaires. Aux facteurs de précarisation liés à leur parcours de vie se greffent d’autres extérieurs, politiques ceux-ci: logements à des prix inabordables, primes d’assurance maladie qui ont explosé, gardes extrafamiliales inaccessibles à cause de leurs coûts élevés», complète Alessandro Pelizzari. Dans ce contexte et afin de mieux appréhender des situations inédites, la création de l’Observatoire a pris tout son sens et a fait l’objet d’une réflexion novatrice. «Nous visons une réelle démarche participative qui intègre le savoir pratique des actrices et des acteurs de l’action sociale et de la santé et les compétences académiques de nos chercheuses et de nos chercheurs. En ce sens, nous sortons des sentiers battus de la recherche scientifique.» Constituée en espaces thématiques toujours en cours de définition – «accès au marché du travail, aux soins, à un toit, etc.» – la structure a pour mission d’identifier, de documenter et d’analyser les phénomènes de précarité.

Application pratique

«Nous espérons aussi intégrer dans la démarche les publics vulnérables eux-mêmes», ajoute le directeur de la HETSL, insistant sur la nécessité «de donner une voix à ceux que l’on écoute le moins». Outre sa vocation d’analyse, l’Observatoire se propose également d’être un lieu d’échanges et de rencontres pour ses partenaires, «veillant à croiser la diversité des regards et des compétences, aussi bien pratiques, académiques et expérientielles autour du thème des précarités». Débats, journées d’études, organisation périodique d’assises... permettront de partager les résultats des travaux de recherche et d’alimenter ainsi le dialogue autour d’enjeux sociaux émergents. L’Observatoire entend encore offrir un accompagnement durable aux différentes institutions sur le front. La poursuite de cette mission comprend l’élaboration de programmes de formation continue – notamment des formations brèves – conçus en étroite collaboration avec les partenaires, en fonction des besoins professionnels et des thèmes d’actualité. Autant de buts qui, au final, doivent permettre aux autorités sanitaires et sociales d’améliorer leurs actions. «Nous sommes encore dans la gestion de la pandémie, mais il s’agit déjà d’en tirer les premières leçons et d’adapter les politiques sociales en conséquence. Nous espérons, avec l’Observatoire, les inspirer. Et être une ressource pour les personnes de terrain.»

Avec les deniers du Canton

Pour mener à bien ses objectifs, l’Observatoire a engagé deux adjointes scientifiques. La responsabilité a été confiée à la professeure Emilie Rosenstein, spécialiste des politiques sociales et des précarités. Le financement de base de ce nouvel outil est assuré par le Canton, et il se développera à travers ses multiples partenariats et le financement par projets qu’ils permettront.

Notons encore que, entré en fonction en juin 2020, le nouveau directeur défend une vision «engagée» de la HETSL dans la société. Un principe qu’il entend bien renforcer d’ici les années à venir, soucieux de lier la recherche et l’enseignement à un usage pratique au service des populations vulnérables et des professionnels qui travaillent à leurs côtés. «Par définition, une école sociale doit sortir de ses murs.»

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