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Unia demande au groupe Richemont d'éviter le pire

Le géant suisse de l'horlogerie a annoncé la suppression de 300 postes

Face au ralentissement de l'activité dans l'horlogerie suisse, le groupe Richemont entend biffer 300 postes, notamment chez Piaget, Cartier et Vacheron Constantin. Cette restructuration touche durement l'Arc jurassien, Genève et Fribourg où les procédures de consultation sont en cours ou en passe de l'être. Les travailleurs, soutenus par Unia, demandent au groupe de limiter la casse et de trouver d'autres solutions aux licenciements. Prise de température dans des régions concernées.

La santé économique du secteur de l'horlogerie n'est pas au beau fixe. Le ralentissement de l'activité est une réalité. Face à cette situation, la réaction du groupe Richemont ne s'est pas fait attendre. Celui-ci a récemment annoncé la suppression de plus de 300 postes chez Piaget (45), Cartier (170) et Vacheron Constantin (75) dans l'Arc jurassien mais aussi dans les cantons de Genève et Fribourg. Ces coupes représentent 5% de l'effectif total du groupe et se montent à 13% de l'effectif pour Cartier, fleuron du groupe Richemont à l'origine de la moitié de son chiffre d'affaires total.
Dans ce contexte, le syndicat Unia, mandaté par les travailleurs, demande aux directions des différents sites ainsi qu'à la direction générale de Richemont d'éviter le pire et de sauver le plus d'emplois possible. En effet, le personnel profitera de la période de consultation pour soumettre à leurs dirigeants des propositions alternatives afin d'éviter autant de licenciements. A eux de les examiner avec le sérieux qui s'impose. «Il est capital pour nous de pouvoir être dans les usines auprès des travailleurs pour limiter la casse au maximum, réagit Pierluigi Fedele, membre du comité directeur d'Unia. Une représentation des travailleurs sera élue sur chaque site pour mener ce combat au mieux.» Ce dernier indique également qu'un plan social cadre a été signé entre la centrale syndicale et la direction générale du groupe. «Il prévoit une base d'indemnités en fonction de l'ancienneté et de l'âge, ainsi que la prise en compte de la situation familiale et personnelle de chacun, révèle Pierluigi Fedele. Les indemnités peuvent monter jusqu'à 18 mois de salaire.» Le texte prévoit également des départs à la retraite anticipée financés ou l'encouragement des départs volontaires. «Ce plan social est clairement mieux que celui de 2009 et que ceux signés en général dans ce secteur.»

A Genève: «Le personnel veut de meilleures conditions de départ»
A Genève, Richemont a annoncé 35 suppressions de postes chez Vacheron Constantin et 22 chez Piaget. La production ainsi que les fonctions support seraient touchées. «Ça fait mal, mais on s'y attendait plus ou moins, avoue Antonio Di Marino, représentant Unia chez Piaget depuis 1990. L'euphorie du début des années 2010 est retombée, la clientèle asiatique achète beaucoup moins.»
Les négociations ont déjà commencé au sein des entreprises. «Nous avons fait des propositions pour diminuer le nombre de licenciements et leur impact», informe Nuno Dias, secrétaire syndical à Unia Genève. «Nous avons l'espoir de sauver des emplois, poursuit Antonio Di Marino. Mais le contexte économique empire chaque jour...» L'autre cheval de bataille des employés genevois, c'est le plan social, jugé insatisfaisant en l'état. «Sur les deux sites, le personnel demande l'amélioration des conditions de départ. C'est ce que nous nous évertuons à faire, mais c'est compliqué car les directions estiment ne plus avoir à négocier...» Le personnel demande notamment qu'un effort soit fait sur la formation et la reconversion professionnelle. «Vu la situation, les débouchés dans l'horlogerie sont très restreints», souligne Antonio Di Marino.

A la Vallé de Joux: ambiance délétère
Dans la société Vacheron Constantin de la Vallée de Joux, 47 postes seront supprimés dont 29 à la production et 18 à l'administration. Depuis l'annonce de la restructuration, Unia a déjà organisé des assemblées du personnel et discuté à plusieurs reprises avec la direction. «Nous savions que des licenciements interviendraient dans le groupe Richemont mais on ne s'attendait pas à ce qu'on touche au domaine du luxe. Quoi qu'il en soit, il règne aujourd'hui une ambiance délétère dans l'entreprise», relève Camille Golay, secrétaire syndicale d'Unia. Et pour cause, si le personnel sait que des places de travail seront biffées et a déjà pris connaissance du plan social, il ignore encore qui sera concerné par la mesure. Dans l'intervalle, les employés, avec l'aide du syndicat, se sont mobilisés et ont créé un groupe de travail pour tenter de trouver des alternatives aux licenciements. Ce dernier a aussi pour mission de relayer toutes les questions que se posent les travailleurs. «On compte parmi ceux-ci une dizaine de personnes qui ont décidé de partir volontairement, séduites par le plan social, que l'on peut qualifier de bon.» D'autres collaborateurs qui ont passé toute leur vie ou presque dans la société ne partagent cependant pas ce point de vue. «Il est possible de toucher au maximum 18 mois de salaire», rappelle Camille Golay qui, de son côté, met tout en œuvre pour aider les employés, au besoin, à retrouver un job. «Nous avons demandé aux responsables qu'ils nous fournissent la liste des postes en ateliers qui seront supprimés. Il y a à la Vallée des places ouvertes, que ce soit dans ou hors du groupe Richemont. Mais nous devons connaître précisément les secteurs touchés.» Quant aux pistes explorées pour éviter les licenciements, elles n'ont pas été retenues par la direction. «Ça sera difficile. Elle veut baisser le coût de la masse salariale.»
Cette semaine, Unia a décidé d'organiser une nouvelle assemblée du personnel. Le délai de consultation se terminera le 14 avril. Dès cette date, les collaborateurs de Vacheron Constantin sauront qui, dans leur manufacture, fera les frais de la restructuration...

Villars-sur-Glâne: les moyens de reclassement...
A Villars-sur-Glâne, dans le canton de Fribourg, la maison Cartier prévoit de supprimer 40 postes sur les 214 qu'elle compte. Dans ce contexte, Unia a déjà aussi organisé plusieurs assemblées avec le personnel pour tenter de trouver des alternatives aux licenciements. Pour Armand Jaquier, secrétaire régional, il serait dans tous les cas incompréhensible que le groupe Richemont, qui englobe plusieurs entités dans la localité, ne parvienne à reclasser les personnes menacées par une telle issue: «Vu la grandeur de ses sites, il doit avoir les moyens de garder tous les travailleurs, de leur offrir des postes équivalents ou une formation.» Une possibilité jugée d'autant plus grande que la multinationale investit des millions pour agrandir et moderniser son centre international de distribution. «Un développement qui s'opère avec le soutien des autorités. Le groupe devrait pouvoir trouver des solutions. Il ne serait pas acceptable qu'on assiste à des pertes d'emplois», martèle le syndicaliste estimant que Richemont a de quoi voir venir financièrement et ne peut reporter les conséquences d'un recul des ventes sur les salariés. «C'est à lui d'assumer les baisses de rendement.»

Manon Todesco/Sonya Mermoud