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Zara: zéro de conduite!

La magasin vidé de ses clients, les vendeuses et les vendeurs s'expriment

La Tour de l'Horloge pensait avoir tout vu, tout vécu depuis son édification en 1591 sur la Place du Molard à Genève: Les bateaux du port qu'elle protégeait, l'attaque des Savoyards en 1602 - qui fut fatale à son architecte -, l'occupation napoléonienne, les festivités de 1815 qui scellèrent l'entrée de la République dans la Confédération. Mais La Tour de l'Horloge n'avait pas encore assisté à la sortie de tous les clients d'un magasin de fringues sur demande pressante d'un syndicat pour cause d'assemblée syndicale. Depuis samedi, c'est chose faite, grâce aux employées et aux employés de Zara, Bershka et Massimo Dutti.

«Mesdames, messieurs, ceci est une manifestation syndicale! Nous vous prions de sortir du magasin pour que nous puissions nous réunir en assemblée. Nous vous offrons un verre à l'extérieur. Le travail reprendra à 16 heures.» Un quart d'heure après cette annonce prononcée au mégaphone, tous les clients, plusieurs centaines sans doute, un peu ébahis, ont déserté les deux étages du magasin Zara. A l'extérieur, des militants et des permanents d'Unia expliquent la situation aux passants. Ainsi, au rez-de-chaussée, l'assemblée syndicale peut commencer. Elle réunit une bonne trentaine de vendeuses et de vendeurs, venus aussi des enseignes Bershka et Massimo Dutti, propriétés, comme Zara, du géant espagnol Inditex. L'assemblée durera une bonne heure.

Une règle: la précarité
Jamshid Pouranpir rappelle les raisons de cette action: «Votre employeur dirige, depuis Paris, des magasins qu'il ne connaît pas, alors il zappe sur  la législation suisse et genevoise. Même s'il a signé la convention collective du commerce de détail non alimentaire, il rédige des contrats de travail inacceptables.» Et le syndicaliste d'expliquer comment, en ajoutant des avenants à ces contrats, l'employeur pense pouvoir éviter de payer les heures supplémentaires: «Vous signez des contrats qui prévoient 21 heures de travail. Si le volume de travail augmente, des avenants rédigés en vitesse fixent la durée à 30 heures, ainsi les heures supplémentaires n'en sont plus!» Le syndicaliste Unia parle, aussi, des salaires qui stagnent, des commissions fixes et variables qui échappent à tout contrôle. Il évoque l'extrême difficulté d'être engagé à plein temps, les licenciements à répétition sans explications correctes, le recours à des temporaires.
Le syndicaliste est convaincu que l'enseigne généralise le travail précaire pour répondre au mieux à ses besoins, au moindre coût. Le groupe Inditex est présent à Genève depuis 2002, il aurait déjà vu passer un millier de salariés. Un signe qui ne trompe pas!  

1900 chômeurs!
Face à ses troupes, Pouranpir rappelle que le syndicat n'a «toujours rien contre les travailleurs de l'extérieur, contre les frontaliers par exemple, à condition que leur engagement ne provoque pas de dumping salarial et social. Mais quand un groupe va chercher ses cadres à Paris, je me dis que la seule raison est financière. Et le résultat catastrophique!» C'est pourquoi, Pouranpir insiste: «pour que Zara et les autres fassent preuve de responsabilité sociale en engageant du personnel d'encadrement local, qui connaisse quelque chose aux rapports sociaux en Suisse.»
Au début un peu intimidé, le personnel prend confiance et applaudit à plusieurs reprises le syndicaliste qui n'espérait pas un tel succès dans un secteur «où on licencie à la moindre occasion.»

«Lundi, je ne serai peut-être plus là»  
Maud est déléguée du personnel. Elle s'adresse courageusement à ses troupes: «Lundi, à cause de cette action, je ne serai peut-être plus là. Alors je veux juste vous dire que vous êtes dans votre droit d'exiger d'être respectés, d'exiger des salaires qui vous permettent de vivre. Ici tout le monde est sous pression: celles et ceux de Zara, de Bershka, de Massimo Dutti, et même la direction genevoise. C'est pourquoi nous voulons une direction de proximité qui nous connaisse et nous écoute.»

Mardi, c'est Salaun qui débarque!
Maud s'est heureusement trompée. Unia ne signalait, lundi, aucune représaille de la part de l'employeur, mais l'arrivée à Genève pour ce mardi de Salaun, le patron d'Inditex pour la Suisse et la France. Peut-être en présence d'Unia, c'est en tout cas ce qu'espérait le personnel qui signait, lundi, une pétition allant dans ce sens. Affaire à suivre donc! 

SB