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Cela suffit. Il faut que le vocabulaire change

Depuis le début de l’été, on voit réapparaître dans la presse la mention de groupes de personnes qui font faire de gros titres et surtout de gros clichés : Roms roumains, bulgares et maintenant ukrainiens, Gitans, Gens du voyage, Yéniches.

En parler n’est pas un problème en soi. Il faut bien parler pour mieux se comprendre. Mais le problème c’est le vocabulaire, le ton employé, les clichés sempiternellement ressortis. Le rôle pédagogique, explicatif, vecteur de dialogue que devrait tenir la presse, est complètement inexistant. Les Roms (en général) c’est la rubrique des chiens écrasés, en grand.

Eh bien, il faut que cela cesse. Parlons-en intelligemment, sereinement, de façon humaine et constructive. Et surtout évitons les généralités pleines de défiance: «on ne peut pas leur faire confiance», «on ne peut pas parler avec eux».

Pour les Yéniches – reconnus comme minorité nationale – un léger effort semble se faire, après tant et tant de souffrances.

Quant aux autres groupes, européens, certains sédentaires, d’autres semi-nomades ou nomades, avec des problématiques un peu différentes, bien que cousins dans l’Histoire, ils sont classés en gros dans la catégorie des malvenus, et ceux qui s’en approchent pour leur offrir argent ou travail, de naïfs ou de crédules.

Je cite à tout hasard, sans citer les journaux qui se reconnaîtront eux-mêmes:

  • Il faudra faire plier les Gitans, pour lancer des fouilles archéologiques (promises depuis bientôt 15 ans et chaque fois prétexte à chasser les gens).
  • Un Ukrainien (un vrai!) se proclamant connaisseur de la situation affirme que les réfugiés Roms ukrainiens sont des profiteurs. On n’entendra jamais l’avis des Roms.
  • On évoque une seule toilette qui avait été mis à disposition sur une aire de stationnement légale. Une seule toilette pour femmes, hommes et enfants, de nombreuses familles. Et ça n’a pas marché! C’est bien connu, les Roms sont sales…
  • Il est toujours mentionné une mendicité «intrusive ou agressive» qui porterait atteinte à la liberté de choix des personnes. Or, la grande majorité des mendiants sont tranquilles et respectueux.
  • Une journaliste en appelle à Roger Federer pour venir délivrer Lausanne de ses mendiants qui choquent les touristes sur la belle carte postale helvétique. Ils ont faim? Le paysage d’abord!
  • «On leur fera payer le nettoyage de leurs déjections.» Mais les gens savent-ils qu’ils paient déjà une location (2000 francs par jour).
  • Pierres, défonçage de l’asphalte pour se barricader contre de nouvelles arrivées de hordes de Huns? Ne sont-ils pas juste à la recherche d’aire de stationnement? On sait très bien qu’il n’en existe pas assez. Et le dialogue, alors?
  • «Ce ne sont pas des Suisses, mais des gens emmenés ici pour mendier, placés le matin et repris le soir par toute une organisation.» Cliché indécrottable.

La Suisse, qui a rejeté les Roms depuis le 15e siècle (c’est pour cela qu’il n’y a pas de communauté rom en Suisse) pourrait enfin, à l’instar d’autres pays, revoir son passé. Et à une époque où les minorités réclament leur dignité, regarder enfin dans les yeux la plus grande minorité d’Europe, plutôt que de se barricader et dénigrer.

Parlons enfin d’égal à égal pour trouver des solutions au vivre-ensemble. K

Véra Tchérémissinoff, Lausanne